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3.82/5 (sur 143 notes)

Nationalité : Allemagne
Né(e) à : Francfort (région de) , 1972
Biographie :

Simone Buchholz vit dans le quartier de St Pauli à Hambourg depuis le début des années 1990. Elle a d'abord été rédactrice pour des magazines dans lesquels elle traitait de l'amour, de la jeunesse et des affaires. Désormais, elle s'intéresse davantage au meurtre et au chaos. Si, autrefois, sa vie a été marquée par les excès, elle préfère aujourd'hui une existence paisible et laisse ses personnages s'enivrer des vices qu'elle a délaissés.
Simone Buchholz donne naissance à un personnage récurrent et à une famille, de ceux dont la vie nous est chère et que l’on prendrait bien pour amis. Concise et poétique, tour à tour drôle et piquante, son écriture emporte le lecteur.

Lauréate du Prix du Polar Allemand en 2019 pour Mexikoring, Simone Buchholz est traduite en Angleterre et en Italie. Elle vit à Sankt Pauli, le célèbre quartier de Hambourg.
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Citations et extraits (80) Voir plus Ajouter une citation
À partir d’un certain point, les riches ne sont plus guidés par la cupidité mais par la peur.
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Simone Buchholz
Calabretta avait fait une nouvelle tentative auprès de Betty, notre élégante légiste. Au cours des années précédentes, elle l’avait éconduit plusieurs fois, sans doute, entre autres, parce qu’il s’y était pris comme un imbécile. Calabretta est aussi nul que moi en affaires de cœur. Mais là, elle avait bien voulu, va savoir pourquoi. Et ça avait marché, peut-être grâce aux étoiles ou à la lune ou à l’air du port ou tout simplement grâce à Betty soudain devenue indulgente. Ils étaient restés en couple toute une année, il allait chez elle, elle chez lui, tout respirait le bonheur. C’en était presque inquiétant : comme s’ils avaient emporté un soleil avec eux. Mais, du jour au lendemain, un plus joli soleil s’était levé au-dessus de Betty lors d’un congrès de pathologistes à Munich. Un professeur suisse. Elle avait laissé tomber sa vie à Hambourg, et Calabretta.
C’était en hiver, depuis il fait tout noir en lui.
Nous buvons notre bière.
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– Avez-vous remarqué quelque chose ? Il me montre du doigt une quarantaine de paires de chaussures à talons aiguilles.
 – Rien d’extraordinaire, Faller.
– Non ? Je trouve que ça fait beaucoup de chaussures.
– Combien de paires votre fille en possède-t-elle ?
 – Oh, une quinzaine, je dirais
– Vous voyez. Et c’est une étudiante sérieuse. Quarante paires pour deux jeunes femmes qui bossent dans un club de strip-tease, ça n’a rien d’exceptionnel.
– Combien de chaussures avez-vous, Chas ?
– Trois paires.
Il arque le sourcil gauche. Je l’imite.
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Avec un peu de crystal dans le sang, vous êtes au fond exactement ce que la société attend de vous. Mince, rapide et toujours vigilant.
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« Fritz Baumann, bonjour », dit le collègue venu nous accueillir à la loge du portier. Il serre la main à tout le monde, tout en semblant mémoriser nos noms. Ce type décontracté, aux yeux bleu clair intelligents et aux cheveux blonds presque blancs qui vont bientôt réussir à l’être, a d’ailleurs une tête à ne rien oublier. Il prête attention à tout, car tout est essentiel.
Après nous avoir salués, il met les mains dans ses poches de pantalon, recule d’un pas et nous dévisage. C’est un peu désagréable pour nous, mais je comprends qu’il le fasse. Parfois, j’aimerais bien me comporter comme lui : commencer par me faire tranquillement une idée des nouvelles têtes, même si ça les surprend un peu. N’empêche que je supporte plutôt mal ces regards à la comme-c’est-bizarre.
Baumann non, on dirait.
Il finit par cesser de nous dévisager.
Nous enlevons nos blousons et manteaux. Il fait tiède à Brême, l’air y est plus doux qu’à Hambourg, ce qui m’étonne un peu.
Baumann demande : « Alors ? » C’est toujours une bonne question.
Stepanovic remet sa chemise dans son pantalon, d’où elle était à moitié sortie pendant le trajet : « Nous devons annoncer aux Saroukhan qu’un membre de leur famille est mort, ça ne va sans doute pas être très facile. Ou peut-on aller sonner chez eux sans problème ?
– Bien sûr que vous pouvez y aller. Sauf que personne ne vous laissera entrer. Mais je vous ferai accompagner par quelqu’un qui vous servira d’ouvre-porte. »
J’observe avec intérêt les mâles alpha se flairer. C’est comme à chaque fois : quand Stepanovic tombe sur un autre chef de tribu, il le scanne, cordialement mais avec acuité.
Baumann le scanne à son tour.
« Nouri Saroukhan. »
Stepanovic opine du chef.
« Autant que je sache, il ne faisait plus partie de la famille. »
Stepanovic hausse les sourcils, on ouvre grand la bouche, intérieurement.
« Je vais y revenir. »
On referme la bouche.
Rocktäschel intervient : « Faut quand même qu’on leur annonce le décès. » Baumann le regarde dans les yeux. « Votre visage me dit quelque chose. »
Rocktäschel redresse son dos ou plutôt son armure.
« Lennart Rocktäschel. Mon père était un collègue à vous. »
Tressaillement sur le front de Baumann puis autour de sa bouche. Il se dirige vers Rocktäschel, lui pose la main droite sur l’épaule avant de se tourner vers nous.
« Venez dans mon bureau. Et appelez un hôtel. Vous allez devoir rester quelques jours. »
Lindner sort son téléphone pour chercher des chambres disponibles.
Rocktäschel déclare qu’il dormira chez sa mère. C’est sûrement génial de dormir chez maman.
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Quelque part derrière les nuages, les étoiles brillent dans le ciel et un agréable sentiment de bien-être me gagne : ici, je suis chez moi. Dans ce petit quartier miteux, avec ses pavés esquintés, ses immeubles sombres, ses guirlandes lumineuses, ses joies et ses peines, ses histoires dérisoires mais sympathiques, son éternel crachin.
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Je tente de déchiffrer les visages des autres personnes présentes dans la pièce. D’un côté, le personnel du bar, deux hommes et une femme. Les deux types se ressemblent énormément. Même coupe de barbe, mêmes lunettes en nickel, mêmes bretelles sur la même chemise noire, comme si c’était leur uniforme de boulot. La barmaid porte elle aussi ces bretelles ridicules par-dessus son chemisier cintré ; cependant, son visage est particulier – à la regarder, on se dit qu’elle pourrait tout aussi bien travailler dans un troquet trois rues plus loin. Cheveux noués en une tresse stricte. Traits reflétant le genre de vie de ceux qui ne veulent faire partie de rien. Elle connaît peut-être plus de jurons qu’un métallo écossais. Avec ses sourcils relevés qu’elle refuse de baisser, elle dégage une ironie, une assurance et une nonchalance hallucinantes. Elle indique clairement que cette situation ne lui plaît pas, mais qu’au fond elle se contrefiche de ce qui se passe.
J’en prends note mentalement pour plus tard.
Au cas où il faudrait savoir à un moment ou à un autre sur qui on peut compter ou pas. En général, je me fie à cent pour cent aux gens comme elle, à ceux qui ne sont pas dans la norme.
La plupart des clients qui se retrouvent pris en otage avec nous ont l’air d’être des touristes qui avaient emmené à tout hasard des vêtements plutôt chics pour passer une soirée dans un établissement de ce type ; ils ont peut-être assisté juste avant à une horrible comédie musicale. Seules quatre personnes tranchent nettement sur les autres. Parce qu’elles sont différentes, qu’elles se distinguent de la classe moyenne habillée moyennement : deux hommes sont vêtus de costumes sombres visiblement très coûteux et de chemises à la coupe étroite et au col un tout petit peu trop ouvert. Le ventre de l’un d’eux a tendance à sortir, mais son propriétaire le rentre sans arrêt. Ils sont en compagnie de deux femmes au look très étudié, avec petite robe noire et talons d’une hauteur vertigineuse. Je dirais que ces deux hommes sont là pour le business : les femmes aussi, mais leur business, ce sont ces deux hommes.
Je n’éprouve aucune sympathie particulière pour ces femmes, mais encore moins pour ces hommes. Parce que, manifestement, ils estiment que s’acheter des femmes est une bonne idée. Que c’est légitime et qu’ils le font uniquement parce qu’ils peuvent se le permettre.
Mais je suis peut-être injuste, comme souvent quand j’ai envie de mettre le feu au capitalisme. Il s’agit peut-être tout simplement de deux couples fortunés qui ont oublié que le très onéreux peut aussi être de très mauvais goût. À la réflexion, je me dis que c’est plutôt ma première interprétation qui est la bonne.
En tout cas, quelles que soient mes sympathies pour tel ou tel, tous les visages dans ce bar arborent la même expression, y compris ceux des preneurs d’otages : celle d’une voiture qui serait tombée dans l’Elbe. Nous savons que notre situation n’a rien de normal, que notre vie vient de prendre un sacré tournant et qu’après cet épisode plus rien ne sera comme avant. Il se peut que nous mourions tous cette nuit, demain matin ou dans deux jours.
Chaque visage affiche de légères variations concernant ce savoir, n’empêche qu’il nous lie.
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Une voiture en flammes. Encore une. On m’a dit qu’il serait temps de résoudre ce problème de véhicules incendiés.

Les bagnoles en feu ne m’intéressent pas plus que ça. Tu sais très bien pourquoi tes voitures brûlent, Hambourg.

Sauf que cette fois, ce n’est pas seulement un véhicule qui a cramé, mais aussi un être humain. Faire brûler des gens dans des voitures, ça, ce n’est pas possible, putain.
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Mieux vaut les avoir à l'intérieur de la tente et les voir pisser dehors que de les avoir à l'extérieur et les voir pisser dedans.
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C’était comme si les bâtiments s’écroulaient sur les gens. Un, deux cubes colossaux, carrés gigantesques, tous morts. Des architectes sous speed ont voulu jouer à Tetris mais ont perdu le contrôle. Ici et là, monstrueux, des blocs de béton lavé et d’acier ; dans les années 60 et 70 du siècle dernier, ils étaient blancs et brillants – depuis, la lumière s’écaille par grosses plaques.
Partout des fissures.
Entre elles, du verre réfléchissant impitoyable. Les rares vitres ouvertes ont peut-être été défoncées ou brisées, en tout cas elles ont disparu – va savoir comment se sont formés ces trous noirs dans les façades. Les rues sont des abîmes ; bien qu’on ait planté un arbre solitaire ou créé un espace vert courageux ici ou là, c’est un lieu qui ne convient à aucun être vivant, quel qu’il soit.
À mes pieds, sur un amas d’enduit tombé des murs, j’aperçois un briquet bleu ciel – cela me semble à la fois triste et réconfortant -, je le ramasse. Le vent chaud fait tourbillonner un sac en plastique, suivi par un deuxième. Peut-être que les sacs en plastique seront un jour les meilleurs mouettes.
Il arrive que je me raccroche ainsi à des objets de passage, cela retarde un peu l’essentiel, mais cela ne me protège pas, il faut bien que je me consacre à l’affaire qui m’amène ici ; je mets le briquet dans ma poche de pantalon, chasse de mes pensées les sacs en plastique virevoltants et m’approche de l’homme quasiment mort dans la voiture à demi calcinée.
J’ai reçu cette sorte d’appel matinal qui vous met en piste sans tarder. Est-ce que je pourrais me rendre sur les lieux ? Une voiture en flammes. Encore une. On m’a dit qu’il serait temps de résoudre ce problème de véhicules incendiés.
Les bagnoles en feu ne m’intéressent pas plus que ça. Tu sais très bien pourquoi tes voitures brûlent, Hambourg.
Sauf que cette fois, ce n’est pas seulement un véhicule qui a cramé, mais aussi un être humain. Faire brûler des gens dans des voitures, ça, ce n’est pas possible, putain.
J’avais renoncé à mon café, vite enfilé mes bottes et pris un taxi. Quand je suis parvenue au nord de la ville, un pompier balisait un large périmètre. Il m’a dit que la Fiat noire n’avait pas brûlé longtemps, qu’ils étaient rapidement arrivés sur les lieux. Ils étaient déjà en intervention dans le coin : depuis l’été dernier, il y a partout des véhicules qui brûlent le matin, ils manquent pas d’air, la vache, nos belles bagnoles.
« Oui, oui. » Parler voitures me prend la tête.
« …et aujourd’hui, elles ont cramé ici, à City-Nord. »
Toujours un peu en vrac à cause de mon extrême fatigue, je me suis dit : de toute façon, ça brûle dans tous les coins. Tout le monde râle à cause des brasiers et du bruit des hélicoptères qui cherchent les foyers d’incendie dès le crépuscule ; mais pourquoi s’exciter sur ces sujets ? Ils devraient plutôt s’interroger sur ce qui amène les gens à mettre le feu. La fureur, la colère, la bêtise. Or on se bouche les oreilles comme si on pouvait du même coup se boucher le cerveau.
Le feu n’a abîmé que l’avant de la Fiat – vue de derrière, elle a l’air presque neuve. Mais il y a encore de la fumée dans l’habitacle, les gaz toxiques se sont répandus à travers tous les interstices.
Les secours ont découpé la portière conducteur.
Je demande : « La voiture était fermée à clé ? » L’urgentiste est agenouillé sur le bitume et pose une perfusion à l’homme inconscient. Son collègue lui insuffle de l’oxygène.
« Toutes les portes étaient verrouillées. Ça m’étonne un peu qu’il n’ait pas appelé à l’aide, tout le monde a un portable aujourd’hui. Ou qu’il n’ait pas ouvert la portière – c’est toujours possible, normalement.
– Peut-être qu’il dormait.
– Peut-être qu’il était bourré. » On dirait un reproche.
« Mais il va s’en sortir, non ? »
Haussement d’épaules.
« J’en sais rien. Tout dépend combien de temps il est resté là-dedans. Et quel mélange il a respiré. Les pompiers disent qu’ils sont arrivés dix minutes après l’alerte mais, bien sûr, le véhicule brûlait déjà depuis un moment – comment le savoir avec précision ?
– Quelles sont ses chances de survie ?
– Pas terribles au bout de douze minutes dans la fumée. »
L’homme allongé sur la civière fait plus vieux que son âge. Traits élégants, barbe de trois jours, peau douce et lisse, cils et sourcils foncés très fournis. Même pas trente ans. Boucles noires mi-longues ou presque.
Il porte un costume sombre, pas spécialement coûteux on dirait. Ils ont déchiré sa chemise aux tons clairs pour pouvoir le réanimer rapidement. Jusqu’ici, cela n’a pas été nécessaire, son cœur bat encore.
Tout autour, partout : l’aube.
« Ce type est solide, lance l’urgentiste en se relevant. Plutôt costaud. »
Je le trouve surtout gracile, mais je ne le dis pas, j’ose à peine le penser, de crainte que même ça ne l’affaiblisse.
Le voilà manifestement bien pris en charge, la perfusion et le masque à oxygène sont en place. Deux infirmiers soulèvent la civière avec précaution et la glissent dans l’ambulance.
« Vous l’emmenez où ?
– À l’hôpital de Barmbek.
– Merci. »
Le médecin me regarde, un peu perplexe : « De rien. »
Ils démarrent.
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