Comme tout le monde ou presque j’avais entendu parler des Mystères de Paris pour en avoir lu des versions destinées aux enfants – réduites et édulcorées ! - j’avais vu la série ainsi que le film avec Jean Marais dans le rôle de Rodolphe… J’avais aussi lu Les nouveaux mystères de Paris : Nestor Burma : Premières en..., la série de Léo Malet avec Burma qui fait référence au livre… Mais le véritable déclic pour écrire Au jour le jour a eu lieu à la lecture d’un essai d`Umberto Eco , De superman au surhomme où il s’intéresse à la genèse fabuleuse des Mystères de Paris. Par quel miracle ce livre devenu mythique est né et quel impact hors du commun il a eu à l’époque. Un best-seller phénoménal suivi quotidiennement par toute la France de l’ouvrier au ministre… Mais au-delà ce qui m’a intéressé ce sont les circonstances dans lesquelles Eugène Sue a rédigé Les Mystères de Paris, lui le dandy qui s’est infiltré dans les bas-fond de Paris déguisé en ouvrier pour se fondre dans la masse et les observer. De là m’est venue l’idée de raconter cette histoire en poussant le principe narratif de la mise en abyme et le brouillage vertigineux entre la réalité et la fiction…
Le roman-feuilleton m’a toujours fasciné. Il y a bien-sûr les chefs-d’œuvre comme Le comte de Monte-Cristo, tome 1 , Les Trois Mousquetaires d` Alexandre Dumas ou Splendeurs et misères des courtisanes d` Honoré de Balzac. Ce sont par essence des page-turners comme on dit aujourd’hui, puisqu’il fallait harponner et fidéliser les lecteurs des journaux de l’époque… Mais j’aime aussi sa mauvaise réputation littéraire. C’est une littérature de genre – aventures, romance, pirate, fantastique, gothique voire policier - mais par dessus tout de mauvais genre. Dans le roman d’ailleurs, je décris les feuilletonistes comme une nouvelle race d’écrivains, des mercenaires de la plume sans foi ni loi sauf celle de la jouissance immédiate du lecteur. Dès sa naissance, le roman-feuilleton été marqué du sceau de l’infamie par rapport à la Littérature avec un grand L. En partie par jalousie car les feuilletonistes avaient beaucoup de succès. Mais le procès n’est pas injuste non plus : dans le roman-feuilleton, le sublime côtoie le médiocre, voire le franchement mauvais ! Je souris d’ailleurs des défauts de cette littérature qui s’écrivait au jour le jour dans l’urgence avec des perles improbables et des retournements grotesques…
Oui, il est fascinant. La rédaction des Mystères de Paris possède une dimension épique. Dandy et jouisseur invétéré qui aimait vivre au jour le jour, fils à papa d’une lignée richissime des beaux quartiers de Paris, il ignore tout de la pauvreté. Cette immersion dans les bas-fonds va être un choc : esthétique et politique. Le personnage est fascinant car le feuilletoniste cynique va être converti au fil de la rédaction son roman. Ce qui n’était au départ qu’un « coup marketing » - à savoir décrire les habitants des bas-fonds comme des êtres sanguinaires à l’apparence animale pour choquer le bourgeois - va se transformer en un témoignage sincère et poignant sur la misère et les injustices sociales. C’est ce parcours que décrit Au jour le jour comme une sorte de parcours initiatique à la fois littéraire et politique.
Comme tout écrivain de fiction je suppose, j’ai souhaité être fidèle à l’esprit plus qu’à la lettre. Je confesse énormément de trahisons historiques ou biographiques mais qui me semblaient nécessaire pour mieux traduire la vérité du personnage. Il ne s’agit pas d’une biographie scupuleuse mais d’un roman sur le roman. C’est ce principe de mise en abyme qui m’intéressait, le jeu permanent entre réel et fiction. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui l’exofiction, ce dispositif narratif qui met en scène un personnage ou des situations réels pour les pervertir narrativement. Lors de la rédaction de Au jour le jour, deux romans qui prennent des libertés avec l’Histoire m’ont fasciné par leur virtuosité La septième fonction du langage de Laurent Binet qui réécrit l’histoire de la mort de Roland Barthes et Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre qui revisite la Grande Guerre à travers une arnaque. C’est ce plaisir transgressif que j’ai cherché à transmettre dans la rédaction de Au jour le jour en multipliant les greffes d’autres textes ou films, des clin d’œil à notre situation d’aujourd’hui et puis des pastiches et emprunts (comme des samplings musicaux).
On a pu dire concernant les Mystères de Paris que ce sont avec ses pages que les révolutionnaires de 1848 – soit 6 ans après la parution du roman - ont tassé la poudre dans leurs fusils… Et c’est vrai que les Mystères de Paris constituent l’un des premiers témoignages de la vie des classes populaires portés à la connaissance de tous. Ils ont permis aussi de créer au sein du peuple une conscience de classe. Cela n’a pas empêché Marx et Engels de fustiger le réformisme béat d’Eugène Sue (en phase avec la dimension consolatoire du roman-feuilleton)… Une chose est sûre Eugène Sue lui a été convaincu par la cause du peuple et il finira député puis devra s’exiler sous Napoléon III banni pour ses positions jugées révolutionnaires.
Oui la série est la descendante directe du roman-feuilleton. On y retrouve les mêmes recettes narratives comme les cliffhangers notamment qu’ils appelaient alors la « coupe »… Qui se terminait par le gimmick : »La suite à demain ». Reste qu’à l’époque, comme je le montre dans le roman, il y avait une interaction – une interactivité, dirions-nous - beaucoup plus forte entre le public et les feuilletonistes. Les lecteurs avaient droit de vie et de mort sur les personnages. Et dans le cas des Mystères de Paris, le rapport avec les personnages avait même quelque chose de « pirandellien » comme le souligne Umberto Eco : les lecteurs écrivaient non à l’auteur mais directement aux personnages allant jusqu’à envoyer de l’argent à la famille Morel persécutée injustement par un notaire sadique. C’est ce type de trouble pirandellien que j’ai cherché à insuffler au roman…
Il n’y a pas un livre en particulier. C’est une conspiration qui est née au fil de mes premières lectures, notamment à travers les auteurs du XIXeme siècle comme Balzac, Stendhal, Flaubert, Wilde, Barbey d’Aurevilly… puis Proust.
Ils pourraient être nombreux alors ! Mais en réalité aucun auteur génial ne m’a donné envie d’arrêter. Au contraire, les chef-d’œuvres par la félicité qu’ils me procurent développent plutôt en moi l’envie d’écrire. Et de rendre hommage par le truchement béni de l’intertexte ! Ainsi, mon premier roman La petite cloche au son grêle est directement inspiré par ma première lecture de Marcel Proust. Il est devenu un hommage – une vraie fausse autobiographie - à travers les yeux d’un enfant de 13 ans qui découvre A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du Côté de chez Swan... par le plus grand des hasards.
Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand. Le premier livre que j’ai acheté en poche de mes propres deniers – j’achetais plutôt des disques à cette époque. Une claque.
Le Masque de Dimitrios (A coffin Dimitrios) d’Eric Ambler. Un roman d’espionnage génial dans l’Europe d’entre les deux Guerres. Un chef-d’œuvre. Je l’ai acheté en anglais et il est usé jusqu’à la corde. Il faut que je fasse attention. A chaque fois que je m’en saisi dans la bibliothèque je ne peux plus le lâcher… Il y a aussi le brillantissime Qui a tué Roger Ackroyd ? de Pierre Bayard, un essai sur le roman policier où l’auteur refait l’enquête du livre Le Meurtre de Roger Ackroyd et montre qu’Hercule Poirot, et par voie de conséquence Agatha Christie, se sont trompés. Un ouvrage virtuose et érudit qui diffuse merveilleusement ce vertige que j’ai cherché à distiller dans Au jour le jour entre réalité et fiction.
Je n’ai aucune honte des livres que je n’ai pas lus. Et je me reconnais parfaitement dans cette phrase de Rodrigo Fresan : "A partir d’un certain âge, les livres que vous n’avez pas lus exercent une influence presque aussi forte que ceux que vous avez lus." J’enlèverai même le « presque »… Ulysse de James Joyce fait partie de ces livres…
Méconnue je ne sais pas, mais pas assez connue c’est sûr, je dirais La mort de Napoléon de Simon Leys, une merveille de style et d’esprit autour de Napoléon…
Le Petit Prince … Mais c’est peut-être parce que je trouve qu` Antoine de Saint-Exupéry y plagie trop ouvertement Paulo Coelho …
"So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past.”
("C’est ainsi que nous avançons, barques luttant contre le courant sans cesse rejetté vers le passé").
L’excipit du Gatsby le magnifique de Francis Scott Fitzgerald.
Qu`il emporte mon secret de Sylvie Le Bihan (Le Seuil) un sublime thriller intimiste et Un jeune homme prometteur de Gautier Battistella (Livre de Poche) un récit d’initiation foisonnant et intense.
L'émission "Le coup de coeur des libraires est diffusée sur les Ondes de Sud Radio, chaque vendredi matin à 10h45. Valérie Expert vous donne rendez-vous avec votre libraire Gérard Collard pour vous faire découvrir leurs passions du moment ! Retrouvez leurs dernières sélections de livres ici ! La soustraction des possibles de Joseph Incardona aux éditions Finitude https://www.lagriffenoire.com/1028887-nouveautes-polar-la-soustraction-des-possibles.html La fuite en héritage de Paula McGrath et Cécile Arnaud aux éditions Quai Voltaire https://www.lagriffenoire.com/1011977-divers-litterature-la-fuite-en-heritage.html Génération de Paula MCGrath et Cécile Arnaud aux éditions 10-18 https://www.lagriffenoire.com/112239-divers-litterature-generation.html Race for Water - L'odyssée du plastique sortie le 20/02/2020 Jules de Lionel Florence aux éditions Plon https://www.lagriffenoire.com/1032412-article_recherche-jules.html Algues vertes, l'histoire interdite de Ines Leraud et Pierre van Hove aux éditions Delcourt https://www.lagriffenoire.com/1006108-achat-bd-algues-vertes-----l-histoire-interdite.html Les vertus de la bêtise de Paul Vacca aux éditions de l'Observatoire https://www.lagriffenoire.com/7081-divers-litterature-la-petite-cloche-au-son-grele.html La petite cloche au son grêle de Paul Vacca aux éditions Livre de Poche https://www.lagriffenoire.com/1031493-philosophie-politique-les-vertus-de-la-betise.html Délivrez-vous ! : Les promesses du livre à l'ère numérique de Paul Vacca aux éditions de l'Observatoire https://www.lagriffenoire.com/1032413-article_recherche-delivrez-vous----les-promesses-du-livre-a-l-ere-numerique.html Pas de panique, belette ! de Tim Warnes, Ciara Gavin aux éditions Mijade https://www.lagriffenoire.com/1032344-divers-jeunesse-pas-de-panique--belette-.html Pepper et Carrot - Tome 01: Potions d'envol de David Revoy aux éditions Glénat BD https://www.lagriffenoire.com/51207-achat-bd-pepper-et-carrot-t1-----potions-d-envol.html Les Magnolias de Florent Oiseau aux éditions Allary https://www.lagriffenoire.com/1028896-divers-litterature-les-magnolias.html La PJ est-elle morte ? : Dans les coulisses du "casse du siècle" de Maître Mô, Christophe Korell aux éditions Enrick B. https://www.lagriffenoire.com/1032414-article_recherche-la-pj-est-elle-morte------dans-les-coulisses-du-casse-du-siecle.html le secret Hemingway de Brigitte Kernel aux éditions Flammarion https://www.lagriffenoire.com/1030190-divers-litterature-le-secret-hemingway.html Chinez & découvrez nos livres coups d'coeur dans notre librairie en ligne lagriffenoire.com No
En quelle année "La petite cloche au son grêle" a-t-il paru, dans son édition originale?