« Chef » de Gautier Battistella lu par François Hatt I Livre audio
Ce n'est pas tout: depuis peu, des mémoires douloureuses ressurgissent à l'improviste. Quand on vieillit, nos souvenirs rajeunissent et leurs échos sont assourdissants. C'est peut-être pour cela que les vieux deviennent sourds, pour ne plus les entendre.
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En entrant chez Maxim's, j'éprouve autant d'excitation qu'un écrivain qui pénétrerait dans la chambre de Proust. Tout n'est qu'ondulations courbes, libellules et papillons. Tout s'enchevêtre, s'enroule et se confond.
J'apprends que ma purée de brocoli manque d'assaisonnement ou que l'harmonie gustative entre l'encornet et l'ormeau n'est pas évidente, mais on peut aussi trouver trop ronde la fesse gauche de Scarlett Johansson.
La gastronomie française est, avec la littérature, le luxe et peut-être le mauvais esprit, un trésor national.
dans mon imaginaire d'enfant la perfection des écailles d'un homard bleu surpassait en beauté les écailles d'une sirène.
Les chefs ont trois sortes d'amis. Ceux qui les aiment sincèrement, amis d'enfance ou de longue date, ceux qui les respectent pour le travail accompli, et les autres, la majorité, ceux qui les envient et les haïssent.
Diego deviendra un grand chef sans doute, il en a les traits de caractère: individualiste, angoissé et déterminer à sacrifier sa santé et tout semblant de vie affective à un établissement qui porte son nom.
On dit que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Ce n'est pas vrai. Il appartient à ceux qui sont heureux de se lever.
Le monde de la gastronomie s'apparente à celui du luxe dont il serait, en quelque sorte, le cousin grassouillet.
Un cuisinier heureux, ça n'existe pas. Ceux qui disent le contraire sont des enjôleurs. Devenir chef, c'est entrer en conflit avec l'univers. Avec les fournisseurs en retard ou qui proposent de la qualité médiocre; avec sa brigade qui ne travaillera jamais tout à fait comme on le souhaite; avec sa femme qui ne vous voit jamais assez; avec son banquier, qui trouve qu'il vous voit trop; avec soi-même surtout, prisonniers que nous sommes tous de nos rêves déçus ou avortés.