Laélia Véron et
Maria Candea vous répondent !
Le sens originel des mots.
"Est-ce qu'il existe beaucoup de mots pour lesquels un sens "originel" a été abandonné au profit d'autres sens ? Par exemple chafouin qui veut dire pour la plupart des gens "grognon" alors qu'il voulait dire à la base "vil, rusé" tout ça ?"
Parler comme jamais, 2021, Éditions le Robert.
Il y a plein de gens qui se plaignent de la tournure 'Au jour d'aujourd'hui', en disant que c'est un pléonasme, qu'on dit deux fois la même chose.
Mais 'aujourd'hui' est déjà un pléonasme, puisque 'hui' voulait dire 'le jour où nous sommes', donc 'aujourd'hui', [cela] fait : 'du jour du jour où nous sommes'. (...)
Donc 'aujourd'hui' est un pléonasme, mais maintenant il est jugé correct.
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• 'Ces fautes qui deviennent des règles' - La Chronique langue de Laélia Veron, France Inter, 05/01/2022
>> https://www.youtube.com/watch?v=-6zeBsO5BVw
On ne fait pas grève contre un virus mais contre un minus.
- slogan de manif cité par Laélia Véron
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• "On ne fait pas grève contre un virus" : la négation polémique - La Chronique linguiste de Laélia Veron, France Inter, 16/02/22
>> https://www.youtube.com/watch?v=YwjdfFK4ZB8
En 1967, déjà, Maurice Druon, académicien, reprochait au Robert, je cite, de 'ramasser les mots dans le ruisseau'. Et Alain Rey lui avait répondu que le dictionnaire était un observatoire, pas un conservatoire.
Et pourquoi autant de passion ? Parce que le dictionnaire est vu comme un outil de légitimation. Vous avez déjà dû entendre la phrase : 'Pour savoir si un mot existe, regarde dans le dictionnaire' ou 'Pour savoir si un mot est français, regarde dans le dictionnaire.'
En vrai, c'est un peu absurde, parce que les mots ne poussent pas dans les dictionnaires. C'est nous qui les inventons, qui les employons, puis ils sont intégrés dans les dictionnaires.
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• Les nouveaux mots du dico - La Chronique linguiste de Laélia Veron, France Inter, 25/05/22
>> https://www.youtube.com/watch?v=XKsr3xO5RiQ
Je travaille sur les slogans et je découvre (mille ans après vous ?) que "police partout, justice nulle part" vient d'une citation de Victor Hugo 😳 (de fait le côté très rythmé/structure binaire/antithèses des slogans, ça peut très bien se recouper avec le style à la Victor Hugo !).
Après 2-3 recherches, la citation vient d'un raccourci d'une phrase écrite dans "Choses vues" : « Ce gouvernement, je le caractérise d’un mot : la police partout, la justice nulle part », note qui elle-même vient d'un discours prononcé devant l'Assemblée en 1851, lorsque Victor Hugo dénonce la dérive autoritaire du pouvoir "Toutes nos libertés prises au piège l’une après l’autre… la presse traquée, le jury trié, pas assez de justice et beaucoup trop de police".
Plus d'infos via cette émission de France Culture !
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https://www.radiofrance.fr/franceculture/police-partout-justice-nulle-part-itineraire-peu-commun-d-un-slogan-de-l-assemblee-a-la-rue-9603571?fbclid=IwAR1G4J3N_8LVIam4gA4NBD0kmu5F5XzglixN9CpAi3IOTDDyMDbIb-jQGtI
- On l'a vu de manière incroyable, au moment des Gilets jaunes, par exemple : les reprendre sur leur manière de parler, leur manière de graphier, au lieu de répondre sur le fond. Mais ça, ça existe depuis longtemps. Quand l'Académie française, par exemple, choisissait toujours les variantes orthographiques les plus complexes, une citation qui est célèbre c'est "Choisir une orthographe loin de gens ignorants et des simples femmes."
Donc c'était bien, sciemment, pour exclure certaines personnes. Il faut aussi se rendre compte de ça, que l'orthographe est un sujet politique.
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• Orthographe française : un signe d'exclusion | Laélia Véron, TV5 Monde
>> https://www.youtube.com/watch?v=aJXAK-daAWU
Il y a plein de fonctions des émojis : informatives, ludiques mais aussi cryptiques, argotiques, voire politiques. Certains émojis sont devenus des marqueurs politiques. Par exemple pour l'extrême droite - je sais pas si vous les connaissez -, la fleur de lys, la grenouille et aussi le verre de lait, un petit signe de ralliement des suprémacistes blancs. (...) Et à l'extrême gauche, plus classiquement, souvent c'est des explosions qui sont censées être représentatives.
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• Les émojis - La chronique de Laélia Véron, France Inter, 08/10/2021
>> https://www.youtube.com/watch?v=mWuBybzT1vo
Vous êtes un homme de moins de 36 ans, parlant le français comme langue première (en France), au moins niveau bac+3, vous voulez entretenir vos relations amicales masculines/aller au café ET faire avancer la science ? Participez ! Cet appel est toujours d'actualité, et c'est une manière plutôt sympa de participer à une recherche contrastive franco-coréenne (il s'agit de "donner" une conversation amicale au bistrot, en échange d'une conso payée et de la reconnaissance profonde de la doctorante).
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c'est sérieux !
voir sur FB : entrer laeliaveron
(Laélia Véron, linguiste et géniale chroniqueuse sur France Inter)
Les récits des transfuges de classe sont donc plutôt des récits d'une mobilité présentée comme ascendante. Ils cherchent à inventer un récit de soi qui soit aussi un récit social, en mêlant au parcours individuel la peinture de mondes sociaux différents et souvent en tension : le monde social d'origine, qui est celui des classes populaires ou de personnes dominées, et le monde social d'arrivée, celui de la bourgeoisie intellectuelle ou des personnes dominantes. Ces récits se caractérisent par plusieurs traits communs : une narration souvent faite à la première personne (avec une focalisation interne), la représentation d'affects (comme la honte, la peur du ridicule, la colère, les sentiments d'injustice et d'illégitimité mêlés à ceux de trahison et de culpabilité), la mise en scène du clivage entre deux mondes sociaux, notamment à travers les différences culturelles (dans le rapport à l'école, au livre en particulier) et l'ambivalence linguistique ( entre la langue du milieu d'origine et la langue normée de l'école et de la bourgeoisie culturelle), l'évocation des «ignorances sociales *» pour reprendre l'expression d'Annie Ernaux, des amitiés et des amours structurées par la différence d'habitus (...)
*Mémoires de fille