Les Éclaireurs de Dialogues, le podcast de la librairie Dialogues, à Brest.
Dans cet épisode, nos libraires du rayon littérature, Julien, Rozenn, Laure et Nolwenn, vous livrent leurs premiers coups de coeurs de la rentrée de janvier 2024.
Voici les romans conseillés dans cet épisode :
La Fille de Lake Placid, de Marie Charrel (éd. Les Pérégrines) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23109440-la-fille-de-lake-placid-marie-charrel-les-peregrines ;
Ceux qui appartiennent au jour, d'Emma Doude van Troostwijk (éd. Minuit): https://www.librairiedialogues.fr/livre/23012111-ceux-qui-appartiennent-au-jour-emma-doude-van-troostwijk-les-editions-de-minuit ;
Du même bois, de Marion Fayolle (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22871516-du-meme-bois-marion-fayolle-gallimard ;
Mon nom dans le noir, de Jocelyn Nicole Johnson (éd. Albin Michel) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23047285-mon-nom-dans-le-noir-jocelyn-nicole-johnson-albin-michel ;
Une simple intervention, de Yael Inokai (éd. Zoé) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23113442-une-simple-intervention-yael-inokai-zoe ;
La Langue des choses cachées, de Cécile Coulon (éd. L'Iconoclaste) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23140391-la-langue-des-choses-cachees-cecile-coulon-l-iconoclaste ;
Arctique solaire, de Sophie van der Linden (éd. Denoël) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22914881-arctique-solaire-sophie-van-der-linden-denoel ;
Kintsugi, d'Isabelle Gutierrez (éd. La Fosse aux ours) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23109315-kintsugi-isabel-gutierrez-fosse-aux-ours.
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Les armes étaient à mes yeux les instruments d'un pouvoir arbitraire, le risque possiblement fatal de méjuger la valeur d'un autre être que soi.
Je me disais que si nous n'étions pas là pour supplier les docteurs de tout essayer pour la sauver, ils ne prendraient pas soin de son précieux corps. Ils la méjugeraient, elle et son incommensurable valeur. (125)
À cette table ronde, un descendant noir en gilet et boutons de manchette racontait avoir passé de nombreuses années à retracer l'histoire de sa famille. Il avait un conseil à donner : quand vous contactez une personne blanche à laquelle vous pourriez être lié par le sang ou par l'esclavage, ne lui dites pas que vous êtes noir, pas avant la fin de votre conversation téléphonique. (87)
IIs pensaient ne pouvoir se sentir en sécurité qu'à la condition que nous ne nous sentions jamais en sécurité, pas même dans notre propre corps. Leurs revendications, leur violence, foulaient aux pieds l'existence même de ma famille : MaViolet, Momma et moi. Je l'ai ressenti alors, au plus profond de moi et peut-être pour la première fois, ce lien, comme une corde ou un pont entre Monticello et moi. Ce lien de sang et d'eau - comme maître et esclave. Ce sont mes ancêtres qui ont conçu cette demeure et se sont écorché les mains jusqu'au sang pour la bâtir et la maintenir debout. (180)
J'ai mangé avec tout le monde, souriant malgré la terreur, riant aussi parce que parfois il faut rire pour s'aider à respirer. (204)
[Notre] commune douleur est devenue un presque-chant. (206)
Bien sûr que c’étaient les mêmes hommes qui bloquaient la route, même si je ne voulais pas encore me résoudre à y croire. J’aurais voulu croire qu’ils avaient rangé leurs armes, qu'ils s'étaient débarrassés de l’odeur d’essence qui leur collait aux mains, et qu’ils se servaient maintenant de ces mêmes mains pour caresser leurs femmes ou porter leurs enfants. Qu’ils s’en serviraient pour accomplir quelque chose d’utile, pour réparer, même. Car qui au juste pouvait bien profiter de cette faillite du monde ?
Ils ont tous crashé en même temps, et c'est alors que j'ai vu de mes yeux un avion à réaction et un hélicoptère sanitaire tomber en chute libre au milieu d'un ciel d'avril sans pluie.
J'ai cligné des yeux, et leurs visages familiers se sont confondus avec les visages de ces hommes venus avec le feu, ces visages crispés par la rage. J'ai ouvert ma grande bouche, laissé passer ma voix, ma voix grave et profonde comme celle qu'il arrivait à Momma de prendre lorsque c'était nécessaire. Je me souviens, j'ai crié, Nous sommes ici !
Bien sûr que c’étaient les mêmes hommes qui bloquaient la route, même si je ne voulais pas encore me résoudre à y croire. J’aurais voulu croire qu’ils avaient rangé leurs armes, qu'ils s'étaient débarrassés de l’odeur d’essence qui leur collait aux mains, et qu’ils se servaient maintenant de ces mêmes mains pour caresser leurs femmes ou porter leurs enfants. Qu’ils s’en serviraient pour accomplir quelque chose d’utile, pour réparer, même. Car qui au juste pouvait bien profiter de cette faillite du monde ? (p. 162-163)