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Critiques de Daniel Adam Mendelsohn (222)
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Les disparus

Depuis les premiers récits de son grand-père dans son enfance, Daniel Mendelsohn a appris que son grand-oncle Shmiel Jäger, sa femme et ses quatre filles avaient été tués lors de la Shoah pendant la Seconde guerre mondiale. Ce destin ne commencera à l’intriguer qu’après avoir découvert des lettres de Shmiel qui supplie sa famille de les aider avant qu’il ne soit trop tard. Des lettres demeurées sans réponse.



Commence alors une enquête qui durera plusieurs années, et qui conduira l’auteur des États-Unis à l’Australie, en passant par la Pologne et Israël, à la recherche des derniers survivants de Bolechow, le village dont est originaire la famille. Car chaque survivant connaît l’existence d’autres survivants … mais malheureusement, rien ne pourra effacer les 60 années qui se sont écoulés depuis les faits et qui rendent les récits très approximatifs. Ce que l’on peut comprendre : il ne reste plus que des voisins ou de vagues connaissances, et qui pourrait se souvenir ce que faisait votre voisin près de 60 années auparavant, d’autant plus dans cette période si troublée ?



Si cet épais récit peut faire peur (plus de 900 pages tout de même !), il alterne des passages qui se lisent très bien, en particulier ceux qui nous replongent dans les années entre 1940 et 1944, mais les différents récits qui s’entrecroisent rendent parfois malaisés une lecture fragmentée, comme ce fut le cas pour moi au début. Je ne suis vraiment rentrée dans le texte que quand j’ai pu le lire plusieurs heures de suite et me souvenir de qui était qui dans cette très longue liste de personnages de toute sorte … Par ailleurs, je suis passée complètement à côté des passages sur la Bible ou sur la religion, comme souvent, mais au final ça ne m’a pas semblé indispensable.



Pour résumer, la démarche de Daniel Mendelsohn est impressionnante : la plupart des gens qui ont été dans son cas ont dû laisser tomber au bout de quelques témoignages flous, mais il s’est accroché et à force de recouper les sources il a pu apprendre ce qui s’était réellement passé à Bolechow , même si de nombreux détails resteront toujours dans l’incertitude. C’est là que le romancier a pu prendre le relais, en complétant les manques, en imaginant les émotions, les actions de chaque membre de la famille, en tenant compte de ses connaissances sur leur caractère, croisées avec le contexte historique. Et au final c’est ce qui lui importe le plus : « les petites choses, les détails minuscules qui […] pouvaient ramener les morts à la vie. » Et surtout sans juger qui que ce soit : « je ne peux pas être en 1942, je ne sais pas ce que c’était, les gens ont fait ce qu’ils ont fait, ils étaient soumis à des pressions et à un stress inimaginables. »



Enfin les photographies qui accompagnent le texte le rendent encore plus riche, mais aussi plus concret puisqu’elles transforment des personnages en personnes réelles dont on raconte une histoire vécue. Il faut pourtant du temps à Daniel Mendelsohn pour se rendre compte que Les disparus ne sont pas seulement cette famille Jäger, mais aussi tous ceux qu’il interroge et qui ont perdu des proches et une partie de leur âme avec eux … « ceux qui ont été tués n’ont pas été les seuls qui ont disparu ».



Véritable travail de mémoire dont il nous fait vivre chaque étape, Les disparus est une entreprise sans précédent, qui m’a fait en un sens penser au travail minutieux de Diane Meur pour La Carte des Mendelssohn, même si les méthodes de recherche – du fait de l’éloignement temporel – diffèrent. En tous les cas, c’est un texte qui ne laisse pas indifférent et qui mérite d’être découvert à coup sûr, en s’accrochant !
Lien : https://missbouquinaix.com/2..
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Les disparus

J'avais flashé sur ce livre à la bibliothèque, le titre, l'image, le résumé m'avaient donné envie de découvrir ce qu'il contenait.

Je ne m'étais pas trompée ! Suivre la quête de Daniel Mendelsohn et retracer peu à peu l'histoire de son oncle Schmiel et de sa famille a été passionnant, poignant. Un très bel hommage à ces disparus, à tous les disparus.
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Les disparus

C'est vers une passionnante épopée familiale et historique que nous entraîne ce livre.

Celle d'un homme parti à la recherche d'une vérité concernant le sort des siens, six Juifs disparus parmi les six millions de victimes de la Shoah. C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin...

Mais c'est sans compter sur l'opiniâtreté du narrateur et son obsession des détails qui seuls peuvent ancrer la réalité de la vie et de la mort de six personnes de la petite ville de Bolechow, à l'est de la Pologne (aujourd'hui en Ukraine), au début des années 40.

Aux quatre coins du monde où sont éparpillés les anciens, amis, voisins et témoins anonymes, le puzzle des derniers jours de l'oncle Shmiel et de ses filles va se reconstituer au fils des années et des rencontres.



Loin d'être uniquement le récit émouvant et bouleversant d'une quête, ce livre s'inscrit directement comme un témoignage de ce qu'on appelle "la Shoah par balles", venant confirmer ce que révèlent les archives des pays de l'Est accessibles depuis la disparition de l'Urss.

En Europe de l'Est, au début des années 40, la Shoah par balles a précédé l'instauration des camps d'extermination systématique. Afin de lutter contre une certaine "dépression" des hommes chargés des exécutions en masse des Juifs et contre la lenteur des opérations de "la solution finale", les camps de la mort se sont généralisés. En Ukraine, elle s'est poursuivie jusqu'en 1944.



Par la démarche, cette quête improbable, et les liens qui se sont créés entre l'auteur et Alex, son accompagnateur ukrainien, ce livre m'a rappelé "Tout est illuminé" de Jonathan Safran Foer. Emouvant et drôle aussi, ne manquez pas ce livre, si vous avez dévoré celui-ci.


Lien : http://moustafette.canalblog..
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Les disparus

On m’a souvent reproché de lire des trucs tristes, sérieux, chiants quoi, manquant de pouêt-pouêt, pas du tout bigard- attitude. Bon ben là, c’est du lourd. En plus l’auteur est américain. Et Juif. Vous me voyez venir ? Oui, ça parle de l’Holocauste. Mais pas que. Ca parle de morts qui étaient des gens avant de finir dans un trou avec mille autres corps nus. Ca parle du temps qui passe et de la mémoire qui trompe. Ca parle de la vérité et de ce qu’elle devient, racontée des decennies après. De l’impossibilité d’évoquer le passé. De la puissance incroyable des histoires. De la famille. C’est pas l’horreur épouvantable et incompréhensible des tas de chaussures et de cheveux à Auschwitz. C’est la survivance des hommes (ces individualités que les nazis ont à tout prix voulu nier) à qui ils ont appartenu, par-delà leur disparition, par la puissance de la parole. L’Histoire à dimension humaine. Et encore bien d’autres choses, dans une oeuvre ample, profondément humaine, bouleversante.
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Trois anneaux

C’est le premier livre que j’ai lu de cet auteur. Quelle drôle d’idée vu que Daniel Adam Mendelsohn y parle de son métier d’écrivain et des autres livres qu’il a écrit ! C’est un livre complexe et inclassable dont la lecture est exigeante. Trois anneaux, pour trois digressions pour une progression circulaire, trois voyages en exil avec trois écrivains qu’il vaut mieux connaître un peu avant : Auerbach, Fénelon, Sebald. Il parle aussi pas mal de Proust. Le récit est à la première personne, avec pas mal d’éléments autobiographiques mais les digressions me donnent plus l’impression de lire un essai littéraire ou philosophique sur la difficulté d’écrire, sur ce qui fait lien entre Orient et Occident,.... C’est brillant, cultivé, très construit et en même temps très disparate, ce qui fait que le lecteur ne peut que s’y perdre un peu. Après la lecture, il ne m’en est pas resté grand-chose si ce n’est l’envie de mieux connaître cet auteur dont j’ai trouvé la plume agréable. Ce n’est déjà pas si mal. Et ultérieurement je n’ai pas été déçue.
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Les disparus

Je ne sais plus exactement pourquoi, comment je me suis décidé à réserver ce livre à la Médiathèque ???

Il m'a pris aux tripes... impossible de le lâcher avant de l'avoir terminé.

Plus de 650 pages d'une enquête minutieuse pour retrouver ce qui est arrivé précisément à la famille de Daniel Mendelsohn.

Reprenons donc. On connaît la Shoah et ce que les allemands ont fait subir aux juifs dans le cadre de la solution finale.

Mais il est difficile d'imaginer que ce sont des êtres de chair et de sang qui ont vécu ces atrocités.

Daniel Mendelsohn, dans sa quête minutieuse pour connaître précisément ce qui est arrivé aux membres de sa famille, parcourt le monde à la recherche des derniers témoins dont la mémoire est souvent très sélective, défaillante, partielle et partiale, soucieuse de cacher certaines choses, parfois d'en 'trafiquer' d'autres,...

Et nous lisons à la fois une narration de l'Histoire et une enquête policière pointue.

Je vous recommande vivement la lecture de ce livre mais je vous préviens, on n'en sort pas indemne quand on imagine que tout ce qui est narré dans ce récit pourrait nous arriver un jour.

Je vous souhaite une excellente soirée mes amis
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Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée

Daniel Mendelsohn enseigne la littérature classique au Bard College dans l'État de New-York. Il y a quelques années, en 2011, il propose à ses élèves un séminaire de travail sur "L'Odyssée" d'Homère. Les cours vont pouvoir commencer. Dans un des coins de la salle, une présence intrigue l'assistance, celle d'un vieil homme.

"Ulysse ? qu'est-ce qu'il a à se vanter d'être aussi malin ? Il n'a rien d'un héros ! Il pleure tout le temps ! Il ne sait pas garder ses troupes, il revient seul ! Et puis il n'a aucun mérite, il est tout le temps aidé par les dieux !"

Voilà en substance tout ce qu'à 81 ans pense Jay, le père de Daniel Mendelsohn, du héros d'Homère. Et il ne se prive pas de le faire savoir en plein cours !



Par le récit, Daniel Mendelsohn nous convie à ses cours, à l'étude passionnante des nombreux chants de l'Odyssée, à une relecture d'une oeuvre intemporelle, fascinante. Mais à cette étude, il y confond le portrait de son père, homme à qui il ne cessa jamais de nourrir une reconnaissance tendre mais devenue, avec le temps, un peu distante. Jusqu'au jour où le vieil homme, lui l'ancien scientifique, demanda l'autorisation d'assister à son séminaire sur l'Odyssée d'Homère. Pour le père et le fils, il n'est jamais trop tard pour se retrouver. Ils y parviendront plus encore lors d'une croisière qu'ils feront ensemble en Grèce sur le thème de l'Odyssée. Ce retour sur les lieux du récit homérique sera aussi celui de leur histoire, de leur vie de père et de fils.



"Une odyssée : un père, un fils, une épopée" est un roman sensible et lumineux que j'ai personnellement beaucoup aimé. Tout, de la forme de l'écriture, subtile et intelligente, au contenu, tout y est très plaisant.

Je recommande très vivement la lecture de ce très beau roman.
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Si beau, si fragile

En France, Daniel Mendelsohn est surtout connu pour son ouvrage Les disparus, livre enquête sur la disparition d'une partie de sa famille en Pologne au début des années 40. Mais aux Etats-Unis, depuis une vingtaine d'années, c'est comme essayiste critique qu'il exerce , écrivant notamment dans la New York Review of Books et au New Yorker,. Comme il est depuis l'enfance curieux de tout , ce spécialiste au départ de lettres classiques écrit sur beaucoup de choses qu'il lui est donné de voir, entendre ou lire.

Ce livre rassemble 25 textes classés par thème .

Pourquoi ce titre, il l'explique dans la préface:



"Si beau, si fragile: ces deux adjectifs viennent d'une phrase clé des notes de production de l'une des plus grandes pièces de Tennessee Williams, La ménagerie de verre , un drame sur la victimisation d'une jeune fille fragile tragiquement éprise de beaux objets qu'un rien suffit à briser: sa fameuse collection de figurines animales en verre qui donne son titre à la pièce et qui, bien entendu, constitue un symbole tout trouvé pour les thèmes de la délicatesse et de la fragilité, des illusions charmantes qui peuvent conférer un sens à notre vie et des nécessités dures qui peuvent les anéantir. Singulièrement, la phrase de Williams apparaît dans une indication scénique qui ne porte pas sur le décor de la pièce, mais sur un certain leitmotiv musical qu'il a à l'esprit et qui, écrit-il dans sa didascalie toujours très précise," exprime la vivacité de surface de la vie avec la tension sous-jacente du chagrin immuable et ineffable.. Quand on regarde un morceau de verre délicatement filé, on pense à deux choses: que c'est beau , et que c'est fragile. Ces deux idées devraient être tissées dans le thème musical récurrent."



"Je pense que si cette phrase obsédante m'a fait un tel effet la première fois que je l'ai lue , c'est parce qu'elle pose, avec une parfaite simplicité, l'inévitable enchevêtrement de la beauté et de la tragédie, caractéristique du théâtre grec, et que je retrouve dans les oeuvres qui m'ont toujours le plus ému depuis les pièces d'Euripide jusqu'aux romans de Michael Cunningham, des films de la jeune réalisatrice américaine Sofia Coppola à ceux du maestro espagnol Pedro Almodovar. Comme le savaient si bien les Grecs, c'est cette fragilité ( parce qu'elle nous renvoie à notre propre mortalité) qui confère une résonance et un sens à l'infime part de l'univers qu'est notre vie. La nécessité, au bout du compte, de céder aux réalités dures et inexplicables que nous ne contrôlons pas est une évidence éminemment tragique ; sans elle, tout n'est que de la guimauve - mélodrame et sentimentalisme bon marché. Or, la prévalence de ce type de sentimentalisme dans tant de produits de la culture contemporaine , leur propension à proférer de faux " dénouements" à une confrontation puissante et riche de sens impliquant une douleur réelle et inaltérable ne sont rien de moins qu'une crise culturelle. Et cette crise est un autre fil d'Ariane de ce volume..."



..."Les critiques sont , avant tout, des gens qui aiment les belles choses et craignent que ces belles choses ne soient brisées. Ce qui incite tant d'entre nous à écrire est en premier lieu une vraie passion pour un sujet que nous trouvons beau ( qu'il s'agisse de l'Enéide, des films de Jean Renoir, du jazz, du roman du XIXème siècle, ou de tout autre chose); et en second lieu, une sorte d'angoisse à la mesure de la fragilité de ces belles choses."



Tout est donc posé, ces textes , tous assez longs, vont parler d'oeuvres qu'il aime. Ou qui l'amènent à réfléchir à ce qu'il aime. Ce sont des avis bien sûr subjectifs, mais longuement réfléchis, travaillés, documentés, et qui, même si on peut les discuter, poussent à la réflexion. Tout est clairement exprimé, et cohérent. Bien sûr, tous les chapitres , quoique tous intéressants, le sont d'autant plus que le lecteur , pour enclencher sa propre réflexion, sait de quoi parle l'auteur..

C'est ainsi que mon manque absolu de culture gréco-latine m'a privée de pénétrer beaucoup dans ses développements critiques sur les films Troie de Wolfgang Peterson ou Alexandre d'Oliver Stone. Films d'ailleurs vus et complètement oubliés!

De même pour certains écrivains que je connais insuffisamment . Par contre, pour des écrivains qui me sont plus familiers, comme Philip Roth, Truman Capote Virginia Woolf, ou.. Jonathan Littell , j'ai eu grand plaisir à lire des textes sensibles, très accessibles, et qui éclairaient à chaque fois ma propre lecture, c'est ce que je demande à un critique professionnel! Au sujet de Littell, c'est l'analyse que j'ai trouvée la plus pointue sur Les Bienveillantes, et comme je l'avais recopiée, je vais la remettre en feuilleton dans les citations. Elle serait peut être plus à sa place à la suite du livre de Littell, mais elle est extraite de ce livre, je rends à Mendelsohn ce qui appartient à Mendelsohn!



De la même façon , et peut être encore plus pour le cinéma avec des thèmes comme les personnages féminins chez Almodovar, la génération Tarantino et ce qui l'a culturellement nourrie ( avec, en particulier, une analyse que j'ai trouvée très pertinente de son goût pour la vengeance, poussé à l'extrême dans Inglorious Bastards ), la représentation du 11 septembre au cinéma, ce que signifient vraiment les critiques américaines du Secret de Brokeback Mountain, etc.

Mendelsohn, dans chacun de ces textes, confronte et développe les cultures dans leur histoire, avec rigueur et clarté, et c'est toujours pour moi un vrai plaisir de le lire.

Même si j'ai lu récemment qu'il avait écrit une critique assez assassine sur la série Mad Men que j'aime beaucoup!On se reprend, Mr Mendelsohn!

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Les disparus

Il y a deux ans, j’avais entrepris sérieusement l’étude du sort des Juifs dans la région appelée autrefois la Galicie, héritage de l’empire austro-hongrois, par la lecture de l’incontournable et remarquable « Retour à Lemberg » de Philip Sands.

Cette fois, avec « Les Disparus », l’approche est totalement différente: elle est intime.

Daniel Mendelsohn témoigne de sa recherche de son grand-oncle Shmiel et de sa famille, sa femme et ses quatre filles, tous « tués par les nazis ». L’auteur ne sait rien de plus et se met en tête de rechercher les circonstances de l’élimination de cette branche de sa famille.



J’adore les récits qui font découvrir des pans entiers d’histoire à travers les trajectoires intimes de personnages “ordinaires” - si on peut qualifier ainsi les Jäger…après coup! Avec ce récit époustouflant, je suis servi.



Une plaisanterie que les gens de Galicie aiment à raconter figure bien du tourment de cette partie de l’Europe Centrale, peuplée de Juifs, entre 1890 et 1945: « C’est l’histoire d’un type qui est né en Autriche, qui est allé à l’école en Pologne, qui s’est marié en Allemagne, qui a eu des enfants en Union Soviétique, et qui meurt en Ukraine. Pendant tout ce temps, il n’a jamais quitté le village ».

Pour l’oncle Shmiel, sa femme, ses filles, l’itinéraire s’arrête avec l’arrivée des nazis, après plus d’un an d’occupation soviétique.



Cette lecture est dense, riche d’enseignements et sa construction m’a enthousiasmé. Il y a trois niveaux de lecture imbriqués:



- L’enquête: la recherche du destin tragique du grand oncle Shmiel et de sa famille. On voyage avec l’auteur, on participe à ses recherches, on recoupe avec lui les informations, les ouï-dire, les interview.



- L’histoire de la famille Jäger et des relations intra-familiales, spécifiquement entre Shmiel et ses frères et cousins. On navigue dans l’arbre généalogique sur plusieurs générations et alors on comprend l’éclatement de la famille entre les Etats-Unis et la Pologne au gré des évènements de la petite et de la grande Histoire.



- L’histoire des peuples, de la Galicie et des atrocités de la seconde guerre mondiale au delà de l'univers des camps



Pour chaque épisode du récit et en lien direct avec celui-ci, le tout est éclairé succintement par l’interprétation contradictoire des textes sacrés, de la Torah. L’auteur nous fait alors aborder des thèmes philosophiques fondamentaux, sans prétention ni lourdeur. La clé des textes sacrés, c’est qu’on peut leur fait dire ce que l’on veut… 



L’auteur nous avertit dès le début. Le récit n’est ni linéaire, ni chronologique, loin s’en faut. La petite explication introductive à la Genèse révèle la démarche intellectuelle de l’écrivain et particulièrement pour ce roman: l’ordre et la connaissance sont les valeurs cardinales.

Dès son enfance, Daniel, curieux sur ses ancêtres, éprouve le besoin de questionner son grand-père, affectueux, jovial, bon vivant et profondément croyant.

Celui-ci aimait lui raconter des histoires s’imbriquant dans d’autres histoires, des histoires qui se font écho. Et tel est le procédé narratif de l’auteur: les digressions s’enchaînent et s’incrémentent. C’est parfois déroutant mais complètement adapté au processus de l’enquête menée pour comprendre ce qui est arrivé à Shmiel, sa femme et ses quatre filles.

Ces mêmes digressions sont aussi l’occasion de retracer des faits historiques concernant la persécution des juifs à travers les pays et les siècles. C’est très intelligemment construit.



Le grand mérite du récit est de nous faire percevoir l’Holocauste et son échelle gigantesque à hauteur de l’être humain, à l’échelle d’une famille. En cela, pour ceux qui n’ont pas été touchés dans leur chair par l’Holocauste (ce qui est mon cas), il perd son caractère anonyme pour devenir « familier ».

Il y a deux sortes de Disparus: les disparus et leurs survivants.



C’est brillant, intelligent et très émouvant. Remarquable!

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Les disparus

J'ai été bouleversée par cette enquête , la recherche de cette famille perdue Au delà des liens du sang, il y a ses non dits , ses souffrances, de cet ailleurs oublié et encore un peu présent par la langue , les repas et l’émotion que ce petit garçon provoque tant il ressemble à ce défunt si lointain et si proche .

J'ai ressenti toute l'humanité de ses vieux juifs qui n'ont pas voulu ou pu transmettre les horreurs qu'ils avaient vécu pour ne pas traumatiser encore plus les jeunes générations, il leur fallait vivre et continuer à survivre en mémoire ceux qui n'avaient pas eu la chance , le droit à la vie parce que juifs.

Toutes les familles ont des secrets, des querelles, des luttes fratricides, des préférences inavouées. Les lettres sont le lien ente les deux familles , leurs réussites, leurs espoirs et leurs échecs; elles donnent corps et rendent vivantes ce récit.

Nous mesurons combien le chemin de vie a dû être difficile pour les vivants.

J'aime beaucoup Zweig et j'ai eu la chance de visiter Prague , Budapest, je comprends parfaitement la quête de sens de l'auteur si loin du tourisme mémoriel qui se donne bonne conscience

Rendre la vie aux disparus et avoir réussi à faire parler tous ces témoins rencontrés c'était tout simplement édifiant , troublant.

Rendre vie aux disparus de cette famille et à tous ceux sans sépulture

On veut oublier mais on ne doit pas oublier , on ne peut pas oublier.





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Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée

Après avoir écouté tout l'été les chroniques de Sylvain Tesson j'avais ressorti l'Odyssée dans la traduction de Philippe Jacottet, celle que je préfère et de loin. Du coup je n'ai eu qu'un petit geste à faire pour la rouvrir lorsque j'ai entamé le dernier livre de Daniel Mendelsohn.

C'est toujours un peu inquiétant d'ouvrir le livre d'un auteur dont on a admiré, lu et relu l'opus précédent. Lorsqu'on a été emporté par un récit, que l'on a parlé du livre autour de soi pour le faire lire.

Et si ce titre qui vient de paraitre était une déception ? Il vous faut quelques pages, mais quelques pages seulement pour savoir que non, vous ne serez pas déçu. Non le livre va tout naturellement trouver sa place dans votre bibliothèque, le plus difficile sera de décider où le glisser, comment le classer ……

les premières lignes de ce livre sont un petit clin d'oeil à la littérature grecque, ce type d'introduction porte le nom de proème nous apprend Daniel Mendelsohn, en quelques lignes l'auteur nous place au coeur du récit.

L'histoire du voyage d'Ulysse et de son retour vers Ithaque, l'histoire de Jay Mendelsohn âgé de 81 ans, qui a été ingénieur en aéronautique et enseignant en informatique et qui va comme tous les étudiants du séminaire mené par son fils, s'immerger dans l'oeuvre du barde mythique.



Quand je dis "comme tous les étudiants", ce n'est pas tout à fait vrai car malgré la promesse faite à son fils de rester silencieux, Jay Mendelsohn va mettre son grain de sel dans l'affaire.

Surtout parce qu'il n'aime pas Ulysse, il lui dénie l'appellation de héros. Jay Mendelsohn est un adversaire résolu du mensonge ce qui le rend hostile à Ulysse le menteur divin.

Ses positions trouveront parfois un appui auprès des étudiants, parfois seront en opposition frontale à celles de son fils au point de perturber quelque peu les cours.



Les étudiants s'amusent mais aussi profitent des échanges et les interruptions du vieil homme finissent par faire naitre discussion et réflexion.



La lecture du poème homérique devient très concrète, plus riche, l'interprétation du fils est remise en cause, discutée à travers des souvenirs partagés entre le père et le fils.

Après le séminaire, père et fils vont s'embarquer pour une croisière en Méditérrannée pendant dix jours sur les traces d'Ulysse. Il y a des scènes étonnantes et jubilatoires pendant cette croisière qui va mettre au jour des liens entre père et fils, l'occasion pour l'un et l'autre d'exprimer amour, exaspération, surprise ou colère.

Daniel Mendelsohn est un professeur compétent, sérieux mais pour notre plus grand plaisir il joue avec sa spécialité, avec la langue grecque.



Mimétisme est un mot grec, normal alors que la composition du livre soit l'occasion pour Mendelsohn de s'amuser à suivre les "circonvolutions dans le temps et dans l'espace " comme dans la littérature grecque. Parce qu'il s'amuse avec le lecteur, imbriquant pour notre plus grand plaisir, analyse littéraire, aperçu de ce qu'est un séminaire, et l'histoire familiale, l'histoire de ce père si proche et si lointain. Créant chez le lecteur cette sensation de circularité.

Le mélange entre analyse de l'oeuvre et souvenirs familiaux est parfaitement réussi, le tissage est serré, des thèmes comme celui du lit nuptial qu'Ulysse a construit, qui lui permettra de se faire reconnaitre de Pénélope, trouve un bel écho avec ce lit construit des mains de Jay et sur lequel il va encore coucher lors de sa venue chez son fils à l'occasion du séminaire.

Un lien indéfectible entre père et fils comme il est lien dans l'épopée entre Ulysse et Pénélope.

Il y a beaucoup d'émotion dans ce livre, quelques mois après le séminaire Jay Mendelsohn a fait une chute qui a entrainera son décès.



Ce livre est comme le Kaddish que le fils prononcerait sur la dépouille de son père, le séminaire et la croisière furent l'occasion de faire la paix.

Une Odyssée est un livre où l'on apprend beaucoup sur Homère et son oeuvre mais plus encore sur les liens qui unissent parents et enfants.

On retrouve dans ce livre toute la tendresse dont est capable Mendelsohn, l'érudition qui est la sienne qu'il cache parfaitement bien pour ne pas gêner le lecteur.

Ce récit très personnel est totalement intemporel et peut parler à tous.

Un livre à offrir à vos parents ou à vos enfants comme le trait d'union d'une génération à l'autre.




Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée

Une amie m'a offert ce livre dont je n'avais jamais entendu parler.

Je suis toujours ennuyée quand on m'offre un livre, car je ne l'ai pas choisi, que j'ai déjà une liste énorme de livres qui attendent sagement leur tour, et qu'il va falloir pourtant lire ce nouveau-venu-non-attendu, dans un délai raisonnable et éventuellement être capable de donner un avis... plutôt élogieux ....bref des contraintes !!!!



Il a donc attendu son tour , grillant néanmoins au passage plusieurs autres, en pôle position depuis longtemps pourtant .



Mais alors quelle bonne surprise !!! Un livre qui m'a beaucoup séduite, émue, fais réfléchir sur un tas de sujets.



C'est l'histoire de la relation de deux pères et de deux fils

: celle d'Ulysse et de Télémaque et celle de Daniel Mendelsohn et de son père Jay.

L'Odyssée d'Homère sert de toile de fond, puisque le fils anime un séminaire sur le sujet, auquel son père participe en auditeur.

Le père et le fils achèveront leur quête de connaissance par une croisière en Méditerranée sur les traces d'Ulysse : voir in situ les lieux mythiques !



les histoires s'entremêlent, s'éclairent, nous interpellent.

L'auteur nous propose une analyse pointue du texte, tout en restant cependant abordable pour les non spécialistes dont je suis.

La relation père/ écrivain est forte et riche et les analogies avec le texte d'Homère ne manquent pas.



Un vrai plaisir de lecture que je recommande vivement , sachant qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu Homère tant le périple d'Ulysse est connu et a fait rêver des générations d'individus.
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Les disparus

Quel livre! J'ai vraiment été embarquée dans la recherche de l'auteur qui cherche à comprendre qui ont été son grand-oncle et ses filles. Nous rencontrons beaucoup de survivants du village de son grand-oncle, à travers le monde entier et suivons l'enquête pas à pas.



Un livre qui prend son temps, qui avance et recule, qui se pose et qui pose beaucoup de questions. Nous rentrons dans l'intimité de l'auteur, assistons à ces témoignages très émouvants.



J'ai déjà beaucoup lu sur la deuxième guerre mondiale et notamment sur ce qui est arrivé aux juifs. Mais ce récit nous permet de rencontrer des personnes qui ont vécu des choses horribles et qui ont continué à vivre.



C'est tout en pudeur, l'auteur fait bien attention à ne pas porter de jugement, c'est à la fois pesant et beau. L'auteur est un homme érudit qui s'est entouré des bonnes personnes et ses digressions tant littéraires que religieuses ou encore expliquant certaines nuances dans les différentes langues employées en font un écrivain très intéressant.



Un livre passionnant et vraiment très intéressant. Pour ne pas oublier ceux qui ne sont plus. Et puis une réelle impression d'humilité se dégage de ce livre.
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Les disparus

On ne sort pas indemne de la lecture de ce livre. L’auteur, passionné depuis tout petit par la généalogie, entreprend vers la quarantaine de remontées aux origines familiales et s’intéresse particulièrement à des proches disparus pendant la seconde guerre mondiale dans une petite ville de Galicie, à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine.

Cela va le conduire avec ses frères et soeur à voyager non seulement en Galicie, mais également en Australie, Suède, Bielorussie... à la recherche de survivant des massacres causés par les nazis et des Ukrainiens. Une quête de la vérité (comment sont-ils morts ? Qui les a dénoncés? Comment vivaient-ils ?) qui a conduit l’auteur à revoir ses liens avec ses frères, ses parents (et notamment sa mère, parce que les disparus sont issus de sa famille) et à chercher le sens de l’histoire d’une personne : est-ce uniquement les dates de naissance et de mort ? Les faits ou tout l’ensemble des petites actions et émotions en découvrant bribe par bribe leur vécu.

Ce livre m’a marqué parce que je me suis intéressé à la généalogie et que j’ai pu en mesurer la difficulté : trouver des faits, faire participer les vivants, recueillir les photos...

Deux points m’ont « émerveillé » :

D’abord, l’histoire de tout un chacun racontée par d’autres est fait de mille petits riens qui s’additionne.

Ensuite, quand on cherche, on trouve et pas forcément là où on pensait : le hasard des rencontres et des échanges crée une boucle sans fin.
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Les disparus

Les librairies, et les bibliothèques sont fermées, c’est donc le moment de puiser l’inspiration dans nos piles, bien fournies, et très anciennes. Ce mastodonte y patiente depuis 9 ans…



Ce livre est un monument ; d’abord pour ses 900 pages, puis, au fil de la lecture, pour son contenu, son ambition, sa portée psychologique sur son auteur, et pour l’Histoire. !



Daniel Mendelsohn est un américain, dont le berceau de la famille se situe à Bolechow, successivement situé dans l’empire Austro-hongrois, en Pologne, Allemagne, Russie puis l’Ukraine de nos jours, en fonction des aléas de l’histoire et de ses tragédies. Sa famille est juive. Certaines branches sont parvenues à fuir, soit aux USA, soit en Israël. La branche ainée, partie, puis revenue en Pologne, n’a pas survécu. Victimes des crimes nazi, ses membres n’ont pas de sépulture.



A la faveur de lettres retrouvées, Daniel Mendelsohn, aidé de ses frères s’engage dans une quête dont il ne mesure ni l’ampleur, ni les difficultés, ni les répercutions. Peu importe, il lui fallait le faire, pour lui, pour ses grands-parents, et pour les 6 disparus dont il ne savait rien de leur mort, ni de leur vie.



Cette quête amènera l’auteur sur tous les continents, et en particulier en Australie, en Ukraine, en Israël, au Danemark et en Pologne.



Il s’agit d’une entreprise de grande ampleur avec ses avancées, mais aussi ses culs-de sac, avec ses découvertes, et ses secrets. Au fil de ses voyages, Daniel Mendelsohn accepte de ne plus vouloir à tout prix en apprendre sur la mort des siens, mais plus simplement sur leur trop courte vie.



J’ai beaucoup aimé cette lecture, même si, parfois, je lui ai trouvé quelques longueurs ; même si son écriture est foisonnante, et se disperse de temps à autre.



Il insère dans son texte, un certain nombre de réflexions et digressions autour des textes juifs fondateurs, et cabalistiques pour certains. C’est ce qui m’a paru le plus impénétrable par moment, bien que nécessaire à bien des égards.



L’ouvrage peut rebuter, mais je le recommande vivement ; pour peu qu’on choisisse avec soin son moment pour le lire.






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L'étreinte fugitive

On découvre en lisant "Une Odyssée" qu'il s'agit du troisième volume d'une trilogie autobiographique, ce qui conduit naturellement à vouloir connaître les deux premières parties dans l'ordre. Mais si le troisième volume, récemment paru, est très réussi, combine avec habileté la réflexion, le récit et la référence classique, ces trois éléments sont encore, dans ce premier tome datant de 1999, confus, mal rattachés les uns aux autres, et surtout, la part de réflexion, d'essai sur soi-même, l'emporte largement sur celle du récit. Or l'intérêt d'une autobiographie, c'est la vie particulière de la personne qui a vécu et qui raconte sa vie à sa manière, bien plus que les généralités sur les familles ou sur la formation d'une personnalité homosexuelle aux USA dans les années 70. Des essais plus profonds, plus éclairants, ont été rédigés là-dessus, alors que rien ne remplace la saveur, la couleur, l'inflexion d'une voix personnelle et d'une vie individuelle. Mendelsohn, dans ce volume, en est encore à accorder ses instruments et ébauche confusément ce qui fera la beauté du troisième volume de sa trilogie. Malgré de brillantes idées, l'impression d'ennui a été la plus forte dans ce premier tome, comme si j'étais arrivé tellement en avance au concert que j'aurais assisté à des répétitions tâtonnantes.
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Les disparus

Les disparus. Daniel Mendelsohn

D’abord par certains côtés, cet immense récit m’a fait penser en plus modeste à un autre ouvrage, « La mémoire d’Abraham » de Marek Halter, dans lequel l’auteur se livre à une recherche incessante durant des décennies de ses racines à travers les siècles. Un magnifique livre d’ailleurs, comme tout ce qu’écrit Marek Halter. Et puis au fil des pages des « Disparus », j’ai repensé au livre de Jonathan Littell « Les Bienveillantes » qui nous livre le journal de bord d’un froid exécuteur allemand des tâches exterminatrices de l’Holocauste.

Ce long hymne à la famille, aux racines et aux collatéraux nous fait vibrer par la qualité du récit ; et la quête obsessionnelle de la vérité sur Schmiel , sa femme et ses quatre filles est une histoire ahurissante , un vrai thriller que Daniel Mendelsohn sait nous traduire avec beaucoup d’émotion notamment à la page 227 lors de la rencontre avec la vielle Olga, une ukrainienne très âgée qui a connu cette période de 1941 qui a vu les nazis déferler sur la Galicie et anéantir au bord des fosses communes avec la complicité des Ukrainiens tous les juifs après les avoir torturés atrocement. À Bolechow, quarante-huit survivants sur six mille Juifs !! En fin de récit, la rencontre fortuite au musée de Beth Hatefutsoth à Tel-Aviv de Yona est aussi un moment extrêmement émouvant.

L’évocation sépia émue du passé à Bolechow où ont vécu tous ces témoins très âgés ainsi que ceux qui ont péri est particulièrement remarquable et touchante ; la façon dont vivaient les disparus est aussi sinon plus intéressante que les circonstances de leur mort ; c’est les faire revivre un peu que de s’attacher à ressusciter ce passer heureux avant la tragédie.

L’enquête généalogique est devenue la passion de l’auteur et si le début du livre est un peu difficile d’accès en raison du nombre de personnages, le recours fréquent au petit arbre généalogique en tête d’ouvrage permet de s’y retrouver finalement. C’est une longue et difficile quête afin de retracer l’itinéraire qui conduisit à la mort Schmiel et sa famille que nous retrace l’auteur. La reconstitution historique est bien menée, avec un souci minutieux, permanent et obsessionnel du détail et au fur et à mesure que l’on avance dans cette longue lecture, les personnages et les situations se précisent. Une grande et récurrente précision lexicale semble être une des passions de Mendelsohn, notamment à la page 387 sur le mot « périr », une digression parmi tant d’autres qui ne laisse pas de mener à une réflexion sur la désinvolture avec laquelle on use des mots bien souvent. Digressions multiples disais-je, comme des sortes de tiroirs que l’auteur ouvre constamment au fur et à mesure qu’il explique une situation. Pour entrer dans la confidence et affiner sa quête, la langue yiddish a été souvent de rigueur et Mendelsohnn ne la pratiquant pas aisément, il a fallu des intermédiaires. Et c’est là qu’intervient une réflexion très intéressante de l’auteur sur tous les recoupements de témoignages auxquels il a dû se livrer pour parvenir à cerner de plus près la vérité sur les circonstances de la disparition de Schmiel, Ester et leurs quatre filles. Il existe toujours une incertitude sur la qualité des témoignages et des traductions, car ceux qui ont survécu pour témoigner étaient cachés quand cela est arrivé. Les faits ont été racontés par quelqu’un qui a appris de quelqu’un d’autre etc.…Et l’on finit par se demander qui a vu quelque chose !(voir page 475 et 547).

Les anecdotes fourmillent et j’ai retenu celle-ci : au jardin d’Eden, l’arbre du désir était un figuier et c’est avec des feuilles de figuier et non de vigne (comme on le dit parfois) qu’Adam et Eve ont couvert leur nudité.

En dernière partie, la fantastique randonnée à pied d’Adam Adler à travers l’Asie Centrale pour survivre est une véritable épopée. Un grand moment du livre.

Les paraphrases exégétiques sur le début de la Genèse concernant le meurtre de Caïn puis le Déluge et l’errance d’Abraham sont remarquables et semblent être une annonce d’un cataclysme dramatique futur tout en instaurant des interruptions, des sortes de temps de réflexion dans le récit lui-même.

En somme, un ouvrage admirable et enrichissant qu’il faut avoir lu, en mémoire de tous ces innocents qui ont péri au temps de l’Holocauste. Et pardon pour ce long commentaire que mérite en tout état de cause cette histoire magnifique.



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Les disparus

page 75… et l’énumération de personnages continue ; personnages piochés parmi la parentèle (proche et éloignée) de l’auteur, ou parmi son cercle d’amis et leur parentèle ou au gré de ses rencontres… tout cela avec un luxe de détail qui finit par me lasser. Et il reste 9/10e du livre à lire !! Je n’ai pas le courage de poursuivre la quête de cet homme à la recherche de pans inconnus de son histoire familiale impactée par l’Histoire, et plus particulièrement par la Shoah.



Alors… STOP.



PS : un critique littéraire a parlé dans Le Monde ‘’d’un livre qui se lit comme le journal de bord d’un détective’’… ce n’était manifestement pas le bon moment pour moi d’aborder ce ‘’journal de bord’’ ; je le reprendrai peut-être plus tard.

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Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée

C’est une histoire de cercles : ceux du père, mathématicien, ceux des deux voyages père/fils , en boucle dans un avion, et sur les traces d’Ulysse, ceux du voyage de retour de ce dernier qui n’arrive pas à retrouver sa terre d’Ithaque, contrarié par Poséidon, ceux de la mémoire ( raconter une histoire, c’est puiser dans le passé pour expliquer par des digressions ce que l’on veut expliquer) et c’est aussi la forme circulaire que prend souvent le langage parlé. Coup double, Mendelsohn nous indique aussi que dans la littérature grecque, on trouve souvent une composition circulaire. Puis il nous confie un des secrets de son écriture, cette même composition circulaire. Car dans « Une Odyssée, un père, un fils, une épopée, » l’auteur tisse (comme Pénélope, tiens) les liens entre un père et un fils, et les fils tendus entre cette histoire et le récit d’Homère, ainsi que les liens entre le présent et le passé, entre les morts et les vivants. Cela en régressant par boucle, en tournant les histoires et les truffant de digressions, de digressions dans les digressions, pour revenir à l’origine du récit, la boucle étant bouclée.

C’est une histoire entre un père qui méprise le peu d’intérêt que son fils a pour les mathématiques, et le mépris du fils sachant que son père qui se targue de tout apprendre a arrêté d’étudier le latin. Ce mépris mutuel devient un peu plus nuancé lorsque le père décide d’étudier dans le séminaire animé par son fils. Le père devenu étudiant déclare qu’il ne parlera pas au départ, et il se dévoile au contraire comme un élève dissipé, coupant la parole du professeur, détestant Ulysse, le menteur qui a plus d’un tour dans son sac, affirmant encore et encore que Ulysse n’est pas un héros, excédant un peu son fils…. Mais séduisant les autres étudiants. Nous sommes nous aussi étudiants (mais pas dissipés, hélas) devant le texte d’Homère, et ce qui pourrait être seulement un livre savant de philologie du grec ancien nous tient en haleine par les tours et contours de l’histoire familiale. Car Mendelsohn nous explique les différents chapitres de l’Odyssée ainsi que certaines notions grecques, comme l’arkhé kakon, le début du désastre, celui de la guerre de Troie, ou le nostos, le retour à Ithaque, et toute l’histoire de ces 10 ans passés en errance.



Ce presque affrontement, cette rivalité obscure pendant le séminaire se dissipe lorsque la vie du père s’éclaire, que cet homme si prévisible et si droit dans ses bottes avec ses sentences aboyées et ironiquement citées par le fils : son mépris de la maladie, » comme si le fait d’être souffrant était une défaillance éthique plutôt que physique », sa haine de la vantardise, de l’adultère, du mensonge et de la tricherie ( y compris la tricherie qui consiste à croire à l’aide des dieux, pourtant la moelle des récits grecs, où les dieux s’affrontent entre eux, protègent certains humains, et en sacrifient d’autres) sa volonté d’arriver dans la vie sans l’aide de personne, de penser par soi même, sa certitude que la vie doit être dure pour avoir du mérite, en un mot sa rigidité, son désir absolu d’exactitude, tous ces traits de caractère prennent une autre dimension lorsque le fils apprend que son père a étudié une grande partie de sa vie l’indéterminisme ,l’incertitude ( je pense : algorythmes). Pour Dan , le locuteur, qui a hérité d’enfants sans en être le père et sans vivre avec leur mère, lorsqu’il déclare à ses parents son homosexualité, le père dit « je connais ça » . Enfin, scène clé de la reconnaissance du père par le fils, c’est lorsque le père prend la main du fils, mort de peur mais ne voulant pas le montrer et le guide à travers la grotte de Calypso, renversant les rôles avec toute la protection et l’amour paternel. Enfin aveu fait aux étudiants de son fils, « sa mère, elle était belle » fugace déclaration d’amour destinée à une absente, devant des gamins ravis mais incapables de comprendre. Jay le père apparaît alors transfiguré à son fils Dan.

Parallèle charmant entre le lit construit par le père pour son fils, les deux seuls à en connaître le secret de fabrication, et le lit de Pénélope et Ulysse, les deux seuls à en connaître la fabrication. Les secrets qui lient un couple, dit Mendelsohn, sont construits sur ces secrets connus d’eux seuls. Et c ‘est sur le partage des plus petites choses que se fonde l’intimité la plus profonde. Même les enfants ne connaissent pas la vraie nature de leurs parents. Parallèle aussi entre le chien, le vieux chien qui est le premier à reconnaître Ulysse à son retour à Ithaque, juste avant de mourir, et le chien qui a mordu le père. Les hommes dévorent les animaux, et punis de mort pour cela et peuvent aussi être transformés en porcs, mais il y a des animaux plus perspicaces que les êtres humains.

Roman foisonnant, et aussi livre d’études, réflexion sur l’incompréhension et, parfois, la tendresse qui se faufile, découverte mutuelle subtilement racontée entre deux êtres qui n’avaient pas beaucoup communiqué jusqu’à présent, écriture somptueuse, d’autant plus périlleuse qu’elle incorpore le cours d’un séminaire universitaire sur l’Odyssée, et que jamais nous ne nous lassons de cet érudition. Il n’est jamais trop tard pour apprendre, et nous apprenons avec délectation.

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Les disparus

Daniel Mendelsohn met sa plume au service d’une quête personnelle, familiale, qui dépasse la sphère intime pour aborder des thématiques qui toucheront chaque lecteur.



Depuis son enfance, il a entendu parler du grand-oncle Schmiel Jäger, frère de son grand-père maternel, qui fut, avec sa femme et ses quatre superbes filles, "tués par les nazis". Ces souvenirs, bâtis autour de bribes de phrases parfois obscures, d’allusions mystérieuses, ont conféré à ces personnes qu’il n’a pas connues et à la fin tragique qu’ils ont connue, une dimension à la fois mythique et confidentielle. A la mort de son grand-père, dont il a tant aimé l’élégance un peu surannée, l’humour, et les nombreuses histoires familiales dont il abreuvait ses proches, Daniel découvre des lettres adressées par Schmiel à son frère, peu de temps avant le drame, devenant de plus en plus pressantes, implorant les membres de sa famille alors émigrés aux Etats-Unis de l’aider à faire sortir sa famille de Pologne. Elles éveillent un irrépressible besoin de connaître les circonstances exactes de cette tragédie.



C’est le départ d’une enquête qui durera plusieurs années, et emmènera Daniel ainsi que certains de ses frères et sœurs, à travers l’Europe et au-delà (en Australie, et en Israël), à la rencontre des derniers survivants susceptibles d’avoir connu Schmiel et sa famille, anciens habitants du shtetl polonais de Bochelow, aujourd’hui ukrainien, où la famille Jäger était installée depuis des générations. L’holocauste fera passer de quatre-mille (soit la moitié de la population de la commune) à quarante-huit le nombre de juifs qui y cohabitaient, plutôt en bonne entente, avec les polonais.



Sur la base des matériaux que constituent souvenirs, lettres, témoignages, archives, l’auteur fait part de ses découvertes avec une sorte de spontanéité, au fil des méandres tracés par ses digressions historiques et théologiques, l’évocation de la progression de l’enquête étant entrecoupée d’analyses des mythes fondateurs bibliques, qu’il met en parallèle avec la destinée de l’humanité, jalonnée de haines collectives et individuelles, de guerres fratricides, de la richesse ambivalente que procure la connaissance, entre plaisir et responsabilité. Le texte, vous l’aurez compris déjà dense, est par ailleurs enrichi de considérations plus personnelles, de l’expression des espoirs, des émotions que suscite en lui cette quête nécessaire, souvent terriblement bouleversante, parfois décourageante, frustrante. Car la tentative de capter ce qu'étaient ces membres de sa famille, pour les "sauver des généralités", leur rendre leur particularité, les sortir, enfin, des six millions de morts imputables à l’Holocauste, est compliquée par la subjectivité et les fluctuations des témoignages, par les oublis –ses témoins sont presque tous âgés de plus de quatre-vingt ans- liés à l’éloignement temporel.



L’aventure, commencée parce qu’il a voulu savoir comment ses parents étaient morts, lui permet surtout d'apprendre comment ils ont vécu…



Il traque ainsi ces petits détails qui les rendent palpables, réels (une paire de jolies jambes, la façon de porter un cartable, les amours…), qu’il essaie de ressusciter à l’aide de photos. Abordant sa démarche avec une curiosité dénuée de tout jugement, conscient du gouffre qui sépare les conditions de vie de cette "génération oisive" dont il fait partie, de celles de ces hommes et femmes qui ont côtoyé, subi la pire des barbaries, il est prêt à tout entendre : des histoires laides, de rivalité, de naïveté, de cupidité, seront toujours mieux que pas d’histoires du tout.



Ses rencontres avec les survivants de Bochelow, l’assemblage de leurs témoignages, dessinent la trame persistante du traumatisme hérité de l’Holocauste, ravivent pour certains les hontes, pour d’autres les ressentiments. Les histoires rapportées, mais aussi les remaniements, conscients ou non, dont elles sont l’objet, les silences aussi, en disent finalement aussi long sur ceux qui les racontent que sur ceux ou ce qu’elles mettent en scène. Et c’est avec beaucoup d’humilité bienveillante et de reconnaissance que Daniel les collecte, créant une proximité tant avec les morts qu’avec les vivants, mesurant au-delà de l’importance pour lui de se réapproprier une partie de son passé familial, celle de rendre justice aux victimes comme aux survivants, en se faisant leur porte-parole et le narrateur attestant de leurs vies, de leur réalité, de leur spécificité, pour éviter qu’ils disparaissent tous trop vite, qu’ils ne soient plus que les "marionnettes manipulées pour les besoins d’une bonne histoire, pour des mémoires, pour des films ou les romans du réalisme magique" détail de l’histoire, puisqu’il sait bien, lui le passionné d’anciennes civilisations, que "tout, à la fin, disparaît".



L’auteur parvient à maintenir l’équilibre entre émotion –celle qu’il suscite chez les personnes interrogées et qu’il ressent lui-même-, pudeur et sincérité. La fantaisie qui semble présider à la structure de son récit n’est qu’apparente, tout est parfaitement maîtrisé, construit de sorte que le puzzle s’assemble logiquement sous nos yeux, la moindre divagation s’insérant naturellement dans l’ensemble.



Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce texte intelligent et sensible… mais le mieux est de le lire.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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