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Critiques de Cécile Coulon (1794)
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Une bête au paradis

Après la mort accidentelle de leurs parents pendant leur tendre enfance, Blanche et Gabriel ont été élevés par leur grand-mère Emilienne à la ferme du Paradis, où la vie n’aurait pu continuer sans Louis, commis dévoué corps et âme à la famille. A la sortie de l’adolescence, Blanche, indifférente aux sentiments de Louis, s’éprend du jeune Alexandre, qui ne tarde pas à lui préférer la vie de la ville où il compte bien réaliser ses ambitions.





Puisant au tréfonds de personnages façonnés avec une grande acuité psychologique, l’auteur nous livre un drame passionnel intense, qui voit sa violence décuplée par une atteinte à ce qu’ils ont de plus viscéral : l’attachement à la terre.





Le récit, qu’on pressent d’emblée dramatique, enveloppe peu à peu le lecteur dans une ambiance âpre et noire, où les fulgurances du bonheur ne rendent la tragédie que plus cruelle. Tout contribue à la puissance de cette histoire pourtant simple, mais développée avec une force et une profondeur hypnotiques : le scenario implacable et tragique, les personnages si humains dans leurs déchirements et leurs excès, l’atmosphère tellement prégnante et électrique qu’elle vous prend aux tripes, l’écriture sobre et précise qui excelle à faire sentir la tendresse sous la rudesse, la fragilité sous le courage et la détermination, le désespoir derrière la violence et la folie.





Une bête au paradis est de ces lectures qui vous marquent, vous imprègnent et vous submergent, de celles qui se lisent en un souffle et vous font guetter le prochain roman de l’auteur avec impatience. Coup de coeur.


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Seule en sa demeure

Unie au riche propriétaire du lointain domaine Marchère par l’un de ces mariages arrangés si courants au 19ème siècle, Aimée se découvre un mari austère mais courtois, absorbé par l’exploitation de ses forêts du Jura. Elle apprend bientôt qu’elle succède à une première épouse, morte peu après ses noces. Troublée par l’épais silence entourant cette disparition, la jeune femme accumule les noirs pressentiments et se met à considérer son nouvel environnement sous un jour de plus en plus menaçant...





C’est d’abord la prégnance soigneusement entretenue de son cadre oppressant qui ancre cette histoire dans une angoisse diffuse. Encerclée par une épaisse forêt qui l’isole aussi sûrement qu’elle semble vouloir l’étouffer dans le silence bruissant de ses obscures futaies et de ses brouillards aveugles, la demeure des Marchère prend déjà des allures de manoir écossais ou de château des Carpates, quand on la découvre en plus le théâtre d’une tragédie scellée dans le secret du passé. La présence fantomatique de celle qui l’a devancée dans la position d’épouse devient pour Aimée d’autant plus insidieuse et troublante, qu’elle s’assortit d’un mystère que l’énigmatique comportement des hôtes du domaine a tôt fait de faire paraître suspect. C’est donc désormais avec l’obsédante sensation d’une menace incertaine que, piqué par l’intrigue, le lecteur s’achemine peu à peu vers des révélations inattendues.





Au fil des pages, viennent à l’esprit de nombreuses références de la littérature britannique du 19ème siècle, comme Jane Austen et les sœurs Brontë, avec en particulier Jane Eyre. Cécile Coulon joue avec les thèmes gothiques et sentimentaux, y associe une pointe de critique sociale et de féminisme en évoquant le mariage et la condition des femmes dans la société conventionnelle d’alors. Le ton restant moderne, sans la tournure des dialogues de l’époque, l’on se sent immergé dans l’un de ces contes contemporains en vogue, versions revisitées de grands classiques intemporels. Chez le lecteur, l’amusement en finit presque par l’emporter sur l’inquiétude et le suspense…





Si ce nouveau roman de Cécile Coulon, moins âpre et légèrement plus fantaisiste qu’Une bête au paradis, se lit peut-être avec moins de passion, il possède un charme qui, à défaut de foudroyer, se savoure avec quelques frissons d'angoisse.


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La langue des choses cachées

J’ai aimé ce court roman incandescent aux allures de conte noir.

Quel lyrisme, quel pouvoir évocateur et quelle intensité dans cette écriture! Un texte crépusculaire certes mais nimbé de poésie.

Il débute par une vision apocalyptique de l’humanité à la fois angoissante et magnifique.

Le récit, vif et empreint d’ésotérisme, devient vite intrigant voire par moment malaisant, on ne sait pas trop où Cecile Coulon veut nous mener mais on ne lâche pas pour autant son écriture hypnotique. On la suivra dans un dédale bien sombre jusqu’au tréfonds de l’âme humaine dans sa part la plus noire.

Le Fonds du Puits. C’est au sein de ce lugubre hameau isolé avalé par les ombres où le soleil ne pénètre jamais, qu’un jeune homme « le fils » possédant un don de guérisseur transmis par sa mère doit se rendre une nuit afin de soulager un enfant gravement malade. À l’origine c’est sa mère que les âmes perdues appellent mais désormais trop âgée pour se déplacer elle envoie son fils à sa place. Ce sera son baptême du feu.

Guidé par son instinct il se dirige non sans crainte vers cette étrange contrée.

Accueilli par un prêtre peu avenant tous deux traversent la nature hostile et le village sans vie jusqu’à la demeure de l’enfant malade. Une inquiétude sourde y plane, « le fils » est assailli par des visions, submergé par le mal (/mâle) qui règne en ces lieux et suinte de toutes parts. L’Atmosphère est viciée et menaçante, il perçoit des vibrations et des choses indicibles : « les choses cachées ».

Ses visions le confrontent à un drame qui se joue depuis des décennies dans cet endroit où la cruauté des hommes se perpétue au détriment de l’innocence.

Le destin va frapper à la porte et un rebondissement provoquer une lutte intérieure, « le fils » sera mis à l’épreuve et peut-être contraint de transgresser les règles édictées par sa mère… La fin est surprenante.

C’est un roman initiatique et métaphorique, un texte incantatoire sur la transmission bien sûr, mais aussi sur les conséquences de la violence dissimulée, sur la vengeance, la part d’ombre et de lumière en chacun de nous.

Poétiquement glaçant.
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Trois saisons d'orage

Les Fontaines, un village minuscule, humide et brumeux, couvert de pierre, d'eau, de terre et d'herbe. Un village sauvage au bord de trois falaises, surnommées les Trois-Gueules, dû à leur forme. Une entreprise d'extractions, Charrier frères, à la fin de la seconde guerre mondiale, redonna aux Fontaines un semblant de vie. Les fermiers côtoyèrent alors des ouvriers, des types aux visages blancs de poussière, les bien-nommées fourmis blanches. André, jeune médecin qui a déjà vu mourir beaucoup d'enfants, entendit parler des Trois-Gueules. Il quitta alors Lyon, s'y installa et répara ces fourmis blanches, changeant ainsi leur existence. Lorsqu'un soir, il se rendit au chevet d'un enfant mort, il tomba amoureux de la maison et sut que ce serait ici qu'il vivrait. C'est ainsi qu'il s'y installa, deux ans plus tard, tout en continuant à exercer au cabinet du village. Bientôt sa vie se trouva chamboulée avec l'irruption inattendue d'un p'tit bonhomme, un dénommé Benedict, un enfant qu'il eut avec Élise, un soir de déprime. Ne supportant pas cette vie à la campagne, elle laissera le petit garçon à son père...





Cécile Coulon nous offre un roman ancré dans la terre, un roman de terroir puissant habité par des personnages riches, écorchés et au fort caractère que l'on suit durant trois générations. Au coeur, les Trois-Gueules, personnage à part entière omniprésent, oppressant parfois, plombant et immuable. L'auteur tisse, au fil des pages, une trame dramatique autour de la famille de André, sur trois générations, puis tresse cette histoire avec celle d'une autre famille, non pas notable mais paysanne. Deux familles liées par un secret. Une intrigue passionnante et saisissante sur fond historique qui l'est tout autant, à savoir l'exode rural, les inégalités sociales ou encore la place des femmes. Au cœur de ces terres reculées, au milieu de cette nature capricieuse, de ces coups du sort, cette saga familiale, d'une puissance rare, agrippe le lecteur dès les premières pages. L'écriture est vivante, minérale, précise, et Cécile Coulon décrit avec virtuosité et justesse aussi bien ces paysages séculaires et oubliés que les scènes du quotidien. Un récit âpre, fort et enfiévré.

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Une bête au paradis

A la ferme du Paradis, hommes et bêtes ne sont pas à la fête. A force de malheurs et de travail au service des animaux, esprits et corps ont perdu leur humanité, se sont fondus avec la terre. A commencer par ceux d'Emilienne et de Blanche, sa petite-fille. Blanche l'orpheline qui après avoir aimé Alexandre « avec ses grandes idées, ses grands rêves et ses tout petits mots » a été trahie par lui et se venge comme un animal blessé.



La vision du monde rural de Cécile Coulon semble être celle d'une citadine très éloignée du monde qu'elle décrit. Les fermiers sont réduits à des humains sans âme dont les animaux, vaches, cochons et poules, sont les victimes. Quel éleveur affame ses cochons, se complaît à plonger les mains dans le sang des bêtes qu'il abat par nécessité, ou tue une de ses poules pour donner une leçon à une enfant ? De même, on imagine difficilement une jeune fermière qui se venge de la manière de Blanche. Dommage, car on sent qu'il n'en faudrait pas beaucoup à Cécile Coulon pour nous emporter. Comme un peu moins de phrases creuses et un peu plus d'authenticité. Mais ce n'est que mon avis, celui d'une citadine qui n'aime pas trop les romans du terroir, d'autres ont beaucoup aimé.



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Une bête au paradis

J'ai ouvert ce roman et , dés les premières pages , je me suis senti " transporté " au "Paradis " , un lieu clos situé au bout d'un chemin , juste après le panneau de bienvenue . Dés lors , plus d' échappatoire possible , si ce n'est la sortie du jeudi pour se rendre au marché vendre les productions et assurer la subsistance du domaine et de ses habitants placés sous la houlette d'Emilienne , la doyenne , gardienne de la mémoire familiale et garante de " la bonne marche " et de la transmission du patrimoine . Avec elle , Louis , un pauvre gamin recueilli et Blanche et son frère Gabriel , élevés par leur grand - mère après le décès de leurs parents .Un noyau dur , une mini - société avec ses fonctionnements propres , 4 personnages regroupés ici pour assurer la continuité . Une sorte de " Fort Alamo " où l' étranger ne pénètre que rarement , pour la " fête du cochon" par exemple . Aussi , lorsque le bel Alexandre se retrouve dans les bras , puis dans le lit de Blanche , c'est tout l'équilibre humain qui va se fissurer car Blanche , amoureuse du jeune homme , ne se résoudra jamais à quitter le Paradis . Pour Alexandre , au contraire , pour échapper à la vie médiocre qu'ont eu ses parents , le seul mot d'ordre , c'est " partir " . ...L'équation est posée , le drame peut tisser sa trame ...

Cécile Coulon possède un immense talent pour traduire l'atmosphère rurale . Les " restes " qui constituent un repas , les poules qui s'agitent dans la cour , les cris du cochon qu'on sacrifie , la carcasse qu'on jette au chien dans l'embrasse de la porte , l'odeur rance de la sueur des travailleurs , le côté " taiseux " du monde rural , le dur labeur quotidien ...Pour quelqu'un qui a connu le monde paysan , tout y est , de belles images esquissées , des images qui , loin de s'imposer , déroulent " un tapis rouge " au drame qui couve , qu'on sent venir sans toutefois vraiment savoir où , quand , ni surtout comment , même si...

Le roman commence dans le sang , le sang de la mort , le sang de la vie ....Il se terminera dans....Entre ces deux moments , une atmosphère parfois étouffante, accablante , plus oppressante que celle de la chaleur de l'été. Un huis clos écrit avec une belle plume , incontestablement . Un huis clos qui pose bien des questions quant à l'exode rural , le devenir des campagnes , l'abandon de métiers durs et mal rétribués et l'amour viscéral de la terre et de la famille qui " emprisonne " à jamais certains dans un carcan de sacrifice, souvent jusqu'au malheur ...

Les personnages , notamment ceux de Blanche et Emilienne ...Que dire ? Le matriarcat dans toute sa force et...ses faiblesses . Louis , Gabriel ....Des oppositions, des garde- fous , des protecteurs ...muselés en raison de leur caractère ou leur condition ..Des personnages forts ...Je vous laisse juges pour Alexandre ..

J'ai beaucoup aimé ce roman qui m'a vraiment " parlé " , je n'ai pas pu le lâcher et , dans ma chambre , la lumière a brillé longtemps , jusqu'au bout , en fait . Je ne saurais dire vraiment pourquoi mais j'ai encore " des papillons " dans le ventre ce matin en rédigeant ces quelques impressions . Un livre " qui prend aux tripes " , sans doute , en ce qui me concerne même s'il n'aura évidemment pas eu le même impact sur chacun ou chacune d'entre nous et ...tant mieux . Cette " jeune auteure " a bien du talent et a su me " prendre dans ses filets "( littéraires, bien sûr ) , je vais la suivre ( enfin , la suivre à travers ses romans , hein , pas dans la rue ) , j'y retournerais bien , moi , au " Paradis" , même si , chez Cécile Coulon , ce " Paradis " , il se trouve un peu près de " l'Enfer ".
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La langue des choses cachées

Cécile Coulon infuse ses histoires dans sa tête tout en courant plusieurs kilomètres chaque matin. Puis elle écrit plusieurs pages. (Info entendue sur France Inter.) Voilà qui explique peut-être cette transe hypnotique qui façonne ce court roman.

Le lecteur est propulsé dans un monde perdu, loin de toute civilisation, dans une nature rude, là où agissent des coupeurs de feu, des guérisseurs, des rebouteux. Celle qu’on nomme La Mère et son fils sont de ceux-là, ceux qui « guérissent, voilà, on les appelle pour cela, mais c’est bien autre chose que nous ne comprenons pas. Ils ont appris très tôt « la langue des choses cachées. ».

C’est le fils qui va se rendre au Fond du Puits, au chevet d’un enfant malade beau comme un ange. Pourtant, c’est la laideur qui l’entoure, la laideur et la violence des hommes torturés, des femmes violées dont « Le fils » entend les voix.

Toute l’histoire est concentrée sur un temps très court, une seule nuit, mais une nuit pleine de peurs et de mystères car la mort plane sur le hameau. Réel et fantastique se côtoient et se mêlent pour mieux nous plonger dans un certain malaise.

Ce roman surprenant nous fait entrer de plain-pied dans une atmosphère inquiétante, glaçante, et pétrie de non-dits, de légendes et de secrets. Bien qu’il soit très court, j’ai trouvé que le récit tournait en rond avec des redondances. Certes, l’écriture est virtuose, et Cécile Coulon s’y entend pour nous traduire cette « langue des choses cachée », mais cette maestria de l’écriture qui domine l’ensemble jusqu’à étouffer l’émotion m’a semblé un brin artificielle.

Je suis restée à distance de cette histoire pourtant prometteuse dont j’attendais davantage.

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La langue des choses cachées

Cécile Coulon, sans doute inspirée par le côté sombre de l'humain, cherche la langue des choses cachées. Mais dire les choses en leur attribuant des qualificatifs noirs, violents, voir mystérieux ne suffit pas toujours à les faire ressentir comme telles, à donner du corps au récit, à susciter l'émotion. Toutefois Cécile Coulon s'améliore. Depuis Une bête au paradis son style poétique s'est affirmé en même temps que son univers a pris des couleurs et du relief. Gageons qu'avec un peu plus de maturité et un peu moins d'assurance en son talent, elle arrive à quelque chose de vraiment abouti.
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Une bête au paradis

Un bon petit roman. Merci à ma collègue de bureau pour m'avoir prêté et donc fait découvrir Cécile Coulon.

L'écriture de cette auteur, dans ce roman, m'a fait penser à un mélange de Franck Bouysse et de Sandrine Collette, en un peu moins abouti, mais néanmoins prometteur.

L'histoire est simple mais efficace. Nous sommes dans un milieu très rural. Des personnages au caractère fort.

Une belle petite découverte. Je ne suis pas contre le fait de découvrir les autres romans de Cécile Coulon.
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Une bête au paradis

Cécile Coulon est une conteuse aussi douée pour l'étrange et pour la violence sous-jacente que pour l'humanisme.



La phrase est courte et précise d'autant plus que le décor, les objets et les personnages dépérissent lentement, semblant s'effacer, s'effriter.



On est emporté par la rare intensité émotionnelle avec laquelle l'auteure parle d'amour et de souffrance tout en explorant le fonctionnement destructeur de la violence et du traumatisme.



C'est une mise en abîme vertigineuse où le lecteur éprouve de la compassion pour ces êtres cabossés, désorientés, perdus- jusque dans leurs bassesses parfois – une compassion à laquelle l'auteure subtilement se retranche.



Colère et souffrance conjugués forment un couple redoutable. Cécile Coulon démontre avec brio que la passion amoureuse est la plus dévastatrice des catastrophes naturelles.





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Trois saisons d'orage

Sous la plume de Cécile Coulon, la saga familiale a des allures de tragédie grecque. Trois saisons d'orage c'est une famille de notables qui, sous l'impulsion du patriarche André, s'installe au coeur d'une contrée isolée dont le ciel mystique ne pardonne pas les passions. Sauf qu'ici les dieux ont pris l'apparence de falaises. Imposantes et menaçantes, les Trois-Gueules noient sous leur ombre ceux qui ne sont pas nés ici tout comme elles recouvrent de poussière blanche les ouvriers venus creuser leurs flancs.

Il n'en faut pas plus pour l'auteure qui, en voulant donner à son roman la force tellurique de cette vallée mystérieusement hostile, fait plier l'intrigue sous le poids d'un drame à venir. Style très démonstratif, menace floue et continue, sécheresse électrique qui annonce l'orage au sein de la famille, l'auteure se donne l'apparence d'un prédicateur.

Mais la volonté de glisser sur une tension permanente jusqu'à en épuiser la substance ne suffisent pas à animer les personnages. Même si ceux-ci sont écrasés par le destin. Pire, ils frôlent parfois la caricature. La faute à un style qui dévore l'intrigue, un goût du mélodrame qui empêche l'auteure d'articuler avec subtilité les différents éléments de la tragédie. Bien dommage car j'étais fortement séduite par l'idée de départ. Au final, tout le récit est plombé par ce qui ressemble à une forme de bégaiement, la mécanique dramatique tourne à vide, elle s'épuise d'elle même.

Première incursion dans l'oeuvre de Cécile Coulon, je ne sais pas si le roman plaît aux fans de l'auteure, en ce qui me concerne je suis restée dubitative une fois le livre refermé. C'est un livre trop épais pour ce qu'il a réellement à dire. Toutefois, et malgré tous ses défauts, c'est un récit qui a étrangement retenu mon attention. A croire que les falaises exercent aussi leur puissance sur moi.
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Une bête au paradis

«  Vous êtes arrivés au paradis. » curieuse accroche du début de ce livre qui m'a laissée sans voix , lu d'une traite, et quel livre!

Et surtout quelle écriture !!



Je ne l'aurais pas lu si quelqu'un de cher ne me l'avait pas prêté ...

L'auteure , si jeune, joue à la perfection avec les Mots, creuse son SILLON encore plus profondément que dans ses livres précédents «  Un ruban de goudron » entouré d'une nature luxuriante et surtout au bout la fameuse pancarte évoquée plus haut...



Une ferme , lieu , épicentre de toute chose , portant le doux nom de «  Paradis » où Émilienne ,une femme âgée , terrienne dans l'âme, y vit , entre son poulailler, les champs et la fosse à cochons . » Une femme d'ici qui ne meublait pas la conversation. » «  Elle ressemble à un arbre fort aux branches tordues » , brisée par les deuils , élève seule ses deux petits enfants , Blanche et Gabriel après la mort accidentelle de leurs parents.



Blanche a hérité de sa grand- mère un attachement féroce, charnel , exclusif pour la ferme du Paradis et à la TERRE qu'elle n'imagine même pas quitter un jour pour l’amour de sa vie, le bel Alexandre. ...



Lui , impatient , curieux , «  aux rêves dévorants » ne pense qu’à l’ailleurs, à « la vraie vie « réussite spectaculaire, argent vite gagné ...



Blanche , elle, se laisse dominer par les lieux qui vont faire d’elle une prisonnière , une enragée, besogneuse , fermée, de rage et d’abandon, une bête de somme, un animal sauvage....une sorcière ...



Ce roman spectaculaire , charnel, puissant , tragique, dévoile peu à peu , au fil de chapitres que le lecteur dévore les spectres et les secrets de ce lieu vendu, racheté ...

On est saisi par la rage, la détresse, le déchirement des cœurs, la violence, cette identité maudite , tordue, des orphelins qui ont grandi sans racines comme Gabriel , dévoré par la mélancolie et la tristesse des enfants fracassés ...



L’écriture très travaillée, est naturaliste, poétique , vibrante, pressée , ensorcelante dans sa noirceur .

On se bat, on aime à en mourir , on se fracasse et se caresse , on fait l’amour à s’en arracher la peau, tandis qu’on saigne le cochon dans la cour .

On pleure à sanglots déferlants ,

L’auteure force au plus profond l’âme des lieux, décrit des êtres silencieux , défigurés par leur soif de vengeance , de possession, de folie, brûlés par le désir , desséchés par leur haine et les bêtes dépecées avec autant d’adresse que d’indifférence !



Un destin familial tragique,une lignée de femmes, des êtres égarés , huit clos rondement mené au sein d’une nature immuable où l’attachement âpre à la terre, au «  Paradis » , la colère , le désir exacerbé , la vengeance , la jalousie, l’amour passionnel iront jusqu’à leur paroxysme ...

Un ouvrage FORT.

Mais où cette auteure si jeune puise t-elle pour nous proposer

Un Tel Récit ?

Je l’avais aperçue lors de son passage à la LGL .
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La langue des choses cachées

« Au milieu de cette foule aveugle, titubante, certains comprennent les choses cachées. »



Dans les dédales obscurs et les sombres parfums d’une époque reculée, « le fils » a reçu de sa mère le don de saisir le sens des choses cachées, un don qui s’accompagne du don de guérir, et qui fait de lui, celui que l’on appelle lorsque la mort rôde.



C’est la première fois que « la mère » usée par les ans, l’envoie seul au « Fonds du Puits » pour soigner un enfant atteint d’un mal mystérieux.



Après une longue marche dans les forêts, il est accueilli à la nuit tombée par le prêtre du lieu qui l’attend devant « la croix plantée dans un rocher gris ».



En entrant dans la maison, où le père de l’enfant mourant se ronge les sangs, « le fils » saisit que le mal a frappé la demeure qu’il vient de pénétrer. La table de la salle à manger lui apparaît pour ce qu’elle est : le lieu maudit des multiples viols commis par un homme violent, « d’une laideur de fond de village ».



En découvrant le fils malade, le guérisseur pense un instant qu’il est arrivé trop tard et que la mort a déjà englouti le petit être innocent.



« L’enfant est d’une beauté stupéfiante : la maladie le rend plus lumineux, sa peau semble faite d’un papier d’église (...) ; la vie résiste sur ses lèvres, la chaleur vient de là, le reste du corps s’épuise, mais « le fils » reconnaît un souffle, une force si légère qu’il faut un homme comme lui pour la reconnaître ».



« Le fils » accomplit en secret sa mission et promet à son père que son enfant vivra. Son devoir est clair, il doit à présent rentrer au plus vite auprès de sa mère. Mais la main insistante d’un autre enfant frappe à la porte de son logis de fortune. « Le fils » rompt sa promesse filiale de ne jamais laisser de trace de son passage et accepte de suivre l’enfant qui le mène auprès de sa tante qui souffre d’un mal mystérieux.



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« La langue des choses cachées » nous emporte dans un temps qui semble révolu. Un temps d’hommes cruels et durs à la tâche. Un temps qui semble coïncider avec celui de la chanson de Bob Dylan, « Shelter for the storm », qui commence ainsi :



« It was in another lifetime, one of toil and blood

When blackness was a virtue the road was full of mud

I came in from the wilderness, a creature void of form

Come in, she said

I'll give you shelter from the storm »



Un temps reculé et sauvage, où les hommes s’en remettent aux pouvoirs mystérieux de ceux qui parlent la langue des choses cachées pour venir soigner leur corps et leurs âmes meurtris.



Le style du nouvel opus de Cécile Coulon fait immédiatement mouche et nous transporte dans cette époque de peine et de sang, où la noirceur est une vertu et la route couverte de boue, qu’évoque la chanson de Dylan.



L’auteure pose le décor de son terrible récit avec une maestria qui laisse coi et nous plonge dans la psyché tourmentée du « fils » qui affronte sa première mission de guérisseur. En rompant le serment qu’il a fait à sa mère de s’en tenir à sa mission première et en suivant le jeune neveu insistant, il va plonger dans les entrailles des terribles secrets que recèle « le Fonds du puits ».



« La langue des choses cachées » n’est pas seulement une immersion dans un monde cruel, violent, mystérieux. Il nous retrace également le parcours initiatique d’un jeune guérisseur, à qui les objets content les ignominies qui se sont déroulées autour d’eux. Un jeune homme en proie au doute, qui en apprendra plus qu’il ne devrait sur les indicibles secrets du lieu où on l’a convié.



Récit glaçant, nimbé d’une poésie étrange, le nouveau roman de Cécile Coulon invente une langue brute et âpre qui nous conduit dans un monde oublié, où s’affrontent le bien et le mal, un monde sauvage qui gronde au creux de notre âme de lecteur hypnotisé par « La langue des choses cachées ».



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Seule en sa demeure

Écartant le rideau où gisent encore les mots, je quitte ce texte habité par des silences aussi dévastateurs qu'une tempête en Bretagne.

Je ne sais pas s'il faut vous laisser la porte entrouverte, ce récit a un goût totalement inachevé et c'est ce qui fait son charme envoûtant. C'est aussi pour cela que je l'ai aimé.

Ce n'est pas la première fois que Cécile Coulon m'envoûte par son inspiration, je commence à y prendre goût, le venin qu'elle distille dans les pages de ce roman ressemble à un vin délicieux et troublant, certains lecteurs initiés évoqueront les mots de baroque ou de gothique, j'évoquerai un vertige abyssal, ténébreux et sensuel. Qu'importe si cela rappelle de loin Jane Eyre ou de près Rebecca, ou peut-être l'inverse, puisqu'ici il est question d'enfermement, de possession, de peur et de sol qui s'éventre, cela m'évoque tout simplement Cécile Coulon au sommet de son art.

Je referme le livre comme une porte qui vient se sceller sur un univers étrange, en les quittant j'ai l'impression de trahir certains des personnages qui m'ont fait voyager dans leurs coeurs, Aimée, Émeline, Claude, Angelin... J'ai l'impression de les abandonner à leur sort sur cette page finale comme une porte que l'on cloue sur son huis, tandis que derrière elle, des personnages crient encore, raclent l'envers du décor avec leurs ongles, leurs griffes, leurs gestes, leur désespoir, leur chagrin... pour qu'on ne les oublie pas.

Seule en sa demeure est un roman animé par une forme d'intemporalité, alors qu'il y a un lieu, des dates, des repères qui raccrochent l'histoire à quelque chose de concret, ne serait-ce que de la boue, des branches, la pierre froide d'un seuil, la forêt au loin qui laisse passer le ciel entre ses ramures comme pour nous rassurer, nous faire croire un instant que la vie existe encore. Seule en sa demeure est un paysage presque onirique après la brume, celle qui s'estompe, faisant apparaître une maison, une demeure justement, cossue et pas forcément très accueillante, où Aimée s'apprête à vivre unie désormais pour le meilleur et pour le pire auprès de son riche propriétaire, un certain Candre Marchère. Un mariage arrangé vient de les unir comme il en existait tant au XIXème siècle puisque nous y sommes, précisément à la fin de ce siècle-là, là-bas dans le Jura... Je dis là-bas, parce que je suis totalement à l'ouest en vous écrivant ce billet...

Aimée se heurte aux silences de cette demeure, aux silences de son époux, aux silences de ce lieu comme on se heurte à des murs en essayant de tâtonner, de trouver son chemin dans les ténèbres. Aimée n'est pas la première épouse de Candre Marchère. Il est veuf...

L'endroit devient peu à peu menaçant alors qu'il n'y a pas vraiment de raison objective d'avoir peur, si ce n'est que cette peur ressemble à de l'angoisse, c'est-à-dire qu'elle, Aimée, et nous aussi avec elle, ne savons dire pourquoi nous sentons, ressentons cela comme quelque chose de plus en plus oppressant au fur et à mesure que les pages défilent sous nos yeux, que le sol tremble sous nos pas apeurés...

Et puis vient Émeline, professeure de musique, le personnage que j'ai préféré du roman... Ah ! Comme j'aimerais être initié à la musique par cette femme ! Aimée croit reconnaître en elle quelqu'un qui viendra enfin effleurer son âme, la comprendre, la sauver, l'aimer peut-être. Aimée, pas aimée...

Les pages de ce livre sont hantées par des cris d'oiseaux, par le bruit de la nuit, par le mouvement des feuilles mortes qui s'entassent sur le sol, par un goût de terre et de ronces qui abiment les seuls gestes qui voudraient s'éprendre de désir, par les non-dits et les secrets...

Pourtant j'ai cru reconnaître, dans ce texte inachevé comme l'est parfois la vie, nos vies, ce bruit de l'amour lorsqu'il s'en va, fuyant entre la terre et les feuilles mortes qui jonchent le sol...

Ce texte est un brasier, pour peu qu'on soulève la brume du paysage, comme un rideau, là où seuls demeurent les mots de Cécile Coulon...

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Une bête au paradis

Au bout de l'écriteau "Vous êtes arrivés au paradis", une ferme où vit Blanche, une vieille dame de quatre-vingts ans : "une bête" nous dit-on.

Où sommes-nous tombés?

Nous sommes vite rassurés. On remonte dans le passé en compagnie d'Emilienne qui dirige la ferme sans son mari, décédé. Sa fille Marianne et Etienne son beau-fils sont décédés accidentellement.

Très courageusement, à la dure mais pas injustement , elle élève les deux petits de sa fille, Blanche et Gabriel.

Pour lui venir en aide, Blanche abrite Louis maltraité chez lui et en échange, celui-ci l'aide comme valet de ferme à demeure.

Blanche, poursuit de bonnes études au lycée mais pas question d'abandonner la ferme, et sa grand-mère même quand elle rencontrera Alexandre.

Tout ceci paraît presque banal mais nous sommes dans un roman noir, rural, bestial parfois cruel mais l'écriture est majestueuse, imagée.

Les personnages sont très typés, aucun personnage n'est commun.

J'étais fascinée par les faits, les mots, l'ambiance.

Un excellent roman que j'ai pourtant tardé un peu à lire car je craignais l'ambiance trop rurale mais c'est bien plus que cela.

Elle est très jeune Cécile Coulon pour avoir déjà écrit tous ces romans. Ce ne sera certainement pas le dernier livre d'elle que je lirai.
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Une bête au paradis

L'univers romanesque de Cécile Coulon aime à visiter le tréfonds des personnages de ses livres et y trouver ce que l'on ne trouve peut-être pas à la surface des choses : l'âpreté, la rudesse, la brutalité du monde, l'animalité qui sommeille encore, tapi dans un coin...

Je suis sensible à ces univers, non parce qu'ils sont sombres ou glauques, mais parce que la lumière est toujours plus forte et plus belle lorsqu'elle émerge des interstices et des failles...

Ici dans son dernier roman, Une bête au paradis, que j'ai beaucoup aimé sans pour autant qu'il soit pour moi un coup de cœur, plus que jamais j'ai retrouvé son écriture, intime, celle qui vient fouiller, dépouiller, triturer, disséquer au scalpel, porter à la lumière du jour ce qui était enfoui, comme un fauve traîne et ramène sa proie arrachée à la nuit.

Pourtant, Cécile Coulon ne parle que d'une chose, essentielle, l'amour. Un sentiment capable tout autant de faire tenir debout, comme de briser, détruire, anéantir... Forcément, parlant d'amour, elle évoque aussi les choses souterraines, englouties, les effondrements...

Autour de l'amour il y a l'enfermement, ici c'est comme un huis clos, unité de lieu, de temps, d'action, comme une tragédie antique dans toute sa splendeur. Mais vous me direz : « ici, ça parle bien de paradis, n'est-ce pas ? » Le paradis fut sans doute là au début, bien avant l'histoire que nous raconte Cécile Coulon.

Au départ, sans doute s'agissait-il d'un havre de paix, un nid de plénitude. L’éden. Que s'est-il passé après ?

Nous découvrons les personnages principaux de l'histoire en ce lieu qui s'appelle le Paradis. Émilienne la grand-mère et ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel qu'elle élève à la ferme depuis le décès de leurs parents Marianne et Étienne, décédés dans un accident de voiture, dans un virage tout proche du Paradis. C'est peut-être à cet instant que celui-ci a cessé d'exister malgré la douceur du lieu.

Le monde agricole est dur, rude, on tue des bêtes, des poules, des cochons, des lapins, le sang ruisselle sur le sol, sur les mains... C'est cela la vie au Paradis.

Émilienne plus tard a recueilli Louis qui était battu par son père, elle en a fait son commis, qui fait bientôt partie de la maison, deviendra amoureux de Blanche. Mais voilà, Blanche aime Alexandre. Leur amour prend forme dans un grenier tandis qu'on égorge et saigne dans la cour un cochon.

Les femmes sont fortes ou du moins elles donnent cette illusion. Les hommes sont violents ou lâches, parfois les deux, et ne savent pas que faire de leurs mains : se battre ou continuer à les tendre dans le vide. Chacun porte des blessures et dans cet itinéraire de failles qui se rejoignent, se construit l'histoire de ce roman.

C'est cela l'univers des premières pages du livre. L'amour de Blanche et d'Alexandre donne un semblant d'existence au mot de paradis. Puis Alexandre décide de partir, assumer son avenir professionnel ailleurs, reviendra peut-être plus tard. Blanche se console dans le travail, le labeur, la dureté de la vie dans laquelle elle s'abandonne...

Un jour, Alexandre réapparaît...

J'ai aimé ce roman où des femmes sont accrochées à leur terre, où des hommes tentent désespérément de les comprendre. C'est l'histoire d'un amour absolu plongé dans le monde rural. On pourrait se demander comment l'amour peut surgir lorsque tout est âpre et sombre autour de la vie, comment fait-il, cet amour, pour se frayer un chemin dans ce dédale parfois si sombre ?

J'ai aimé l'enchaînement des chapitres, leur lente et progressive construction, chacun porte comme titre un verbe : Naître, Rêver, Cacher, Continuer, Vieillir, Avouer, Aimer encore... Ces verbes tissent une forme d'écheveau, se tendent comme des voiles de plus en plus resserrées vers le dénouement, l'aboutissement de l'histoire.

J'ai aimé l'habilité de Cécile Coulon à savoir m'entraîner dans cette tension extrême. Elle noue peu à peu les personnages dans ce décor qui se dresse progressivement comme une toile d'araignée. J'ai aimé son écriture sensuelle, charnelle, chaude et âpre à la fois.

J'avais eu l'occasion il y a quelques mois de vous évoquer son magnifique recueil de poèmes, Les Ronces, d'où j'étais ressorti griffé. Ici, de ce paradis, je reviens écorché, le cœur à vif, l'amour ne permet pas toujours de sortir indemne.
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Seule en sa demeure

Cécile Coulon nous revient avec son huitième roman faisant suite au succès impressionnant de « Une bête au paradis« , qui a obtenu le prix littéraire le Monde en 2019. « Seule en sa demeure » paraît aux éditions de L'Iconoclaste, pour cette rentrée littéraire 2021, où Cécile Coulon fait d'ores et déjà figure de « valeurs sûres » et cela depuis de nombreuses années déjà. Ici nous sommes dans la veine du roman gothique anglais se caractérisant par la présence d'un certain nombre d'éléments de décor, de personnages formant une atmosphère si particulière où la menace est sous-jacente. Cécile Coulon nous tisse ici une histoire originale à l'atmosphère inquiétante, emplie de secrets et de non-dits. le style d'écriture de l'auteure est à la fois poétique et, dans un même élan, crue, réaliste et nimbée de mystère, sans que cela ne provoque de distorsions. C'est toujours avec plaisir que l'on retrouve une auteure, une nouvelle fois inspirée, même si ce roman me paraît être un ton en dessous de son prédécesseur. Loin des errances nombrilistes de certain(e)s auteur(e)s, Cécile Coulon nous immerge dans un XIXème siècle très codifié, fantasmé avec tous les éléments propres au genre littéraire de cette époque. Tapi dans l'ombre, il y a ce personnage à part entière de la forêt d'Or et de ses hauts arbres. La riche famille Marchère possède ce domaine avec cette demeure perdue au fond de ces bois qui l'enchâsse. Une scène ouvre le livre et donne le ton de l'ambiance propre à ce roman. Jeanne Marchère, mère de Candre (le fils unique du couple Marchère), meurt dans la travée principale de la petite église du village des Saints-Frères, terrassée par une crise cardiaque tel un arbre touché par la foudre. Une nouvelle fois, le destin a frappé durement cette famille. C'est Henria, la servante, qui l'éleva, lui l'orphelin, en compagnie de son fils Angelin. A vingt six ans, Candre est orphelin et veuf, car comble de malheur, il a perdu sa première épouse. Au village, on considère Candre comme une âme pieuse et austère même s'il est immensément riche.



Candre va chercher à se remarier et c'est vers Aimée que son coeur se tourne. N'y allons pas trop vite non plus, le coeur y est pour peu de chose car c'est un mariage arrangé comme il y en avait tant dans la bourgeoisie ou la noblesse à cette période. Aimée a dix huit ans et c'est son père Amand et sa mère Josèphe qui l'ont élevé avec son cousin, l'impétueux Claude, avec qui Aimée a une très belle relation de confiance. Un personnage important ce Claude, qui va percevoir le malaise dans lequel s'enfonce peu à peu sa cousine. Elle doit quitter son foyer pour rejoindre cette mystérieuse propriété des Marchère, dans une demeure où elle sombre peu à peu dans une forme de mélancolie teinté d'un soupçon de fantastique. Là encore, l'allusion et l'hommage au genre littéraire en vogue à cette période est criante. Peu à peu on s'enfonce en compagnie d'Aimée, dans l'atmosphère suffocante de la propriété. Cette dernière est un personnage à part entière du récit. Cet isolement du domaine, cette profonde solitude d'Aimée, sa mélancolie qui peu à peu s'insinue en elle, tout concoure à rendre ce lieu néfaste. Candre est très respectueux bien sûr, mais c'est un homme dont la foi ardente régie tous les aspects de sa vie. Malheureuse, Aimée voit comme un rayon de lumière l'arrivée d'Emeline, professeure de musique que Candre a autorisé à venir en sa demeure. Je dis « sa » demeure car Aimée ne s'y sent pas chez elle. Tout l'oppresse. Et puis il y a cette bonne qui dirige tout en sous main. Qui est cette Henria ? Pourquoi ne veut elle pas présenter son fils Angelin qui semble apeuré dès qu'on l'approche et préfère fuir dans les bois ? Mais surtout, l'énigme s'est Candre lui-même, cet époux si consciencieux, doux, affable, respectueux. Qui est-il au fond ? Aimée pressent qu'en cette demeure des secrets sont enfouis et qu'il ne fait pas bon les déterrer..



La suite je vous laisse la découvrir en lisant ce roman addictif, au style affirmé et pleinement réussi. Malgré tout, il m'a manqué ce grain de folie qui m'a empêché d'être pleinement emporté par ce récit. Je suis resté spectateur de ce qui se déroulait, un peu comme si l'ambiance primait sur l'histoire en elle-même. J'ai tellement aimé son précédent roman que la comparaison m'a semblé tourner en défaveur de « Seule en sa demeure. » Mais, il est certain que même un « bon cru » de Cécile Coulon vaut mieux que nombre d'auteur(e)s surcoté(e)s. Si vous aimez les atmosphères mystérieuses à la Sarah Waters, je songe à son joli roman « L'indésirable », vous risquez d'être comblé. Les nombreux lecteurs de Cécile Coulon retrouveront sa plume avec plaisir.
Lien : https://thedude524.com/2021/..
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Une bête au paradis

Un roman léger qui ne casse pas trois pattes à un canard mais qui a le mérite de divertir, d’ouvrir une fenêtre sur une campagne rude mais si inspirante, si rafraîchissante. Une histoire de terroir comme Christian Signol les écrit si bien.

Un roman à lire l’été, allongé dans une chaise longue à l’ombre d’un figuier, bercé par le chant des cigales et rafraîchi par un léger zéphir.

Editions L’Iconoclaste, le livre de poche, 283 pages.

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Une bête au paradis

Blanche vit « Au Paradis » avec sa grand-mère, Gabriel, son jeune frère et Louis, le garçon de ferme.

Après la mort de ses parents, l’exploitation agricole devient le domaine exclusif de Blanche.

Rien d’autre ne compte pour la jeune fille que sa terre qu’elle aime plus que tout, jusqu’au jour où l’amour s’invite au Paradis sous les traits d’Alexandre, le plus beau garçon du village.

Que peut-il advenir d’un couple si l’une rêve d’une vie calme rythmée par les saisons, les soins à donner aux bêtes, tandis que l’autre ne pense qu’à partir à la ville où tout est possible ?

Quelques années et beaucoup de larmes plus tard, Alexandre revient fier de sa réussite.



Avec « Une bête au Paradis », Cécile Coulon nous livre un roman passionnant, à la fois roman du terroir, roman social et roman noir où l’on retrouve les thèmes chers à l’auteure : la condition rurale, l’exode, la force des racines et l’attachement à la terre, la dureté de la vie à la campagne et le bonheur simple que l’on peut éprouver à œuvrer au contact de de la nature.

Cécile Coulon explore aussi la complexité des sentiments humains, des meilleurs aux pires. Parce que l’amour peut devenir de la haine, parce qu’une preuve d’amour qui se fait attendre peut conduire au désir de vengeance, parce que le temps qui passe n’efface pas les erreurs commises.

J’ai retrouvé dans ce nouveau roman toute la force de l’écriture qui m’avait séduite dans les précédents ouvrages de l’auteure et cette capacité à exprimer la violence en donnant corps à des émotions et des sentiments exacerbés.

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La langue des choses cachées

La langue des choses cachées, c'est comme la douleur furieuse de plonger dans un autre monde, lorsque la présence des gens devient comme une écharde dans l'oeil.

Un jeune guérisseur est appelé par un prêtre pour venir dans un village coincé entre deux basses collines où les rues deviennent des labyrinthes, ce village s'appelle le Fond du Puits, il est venu soigner un enfant malade, dévoré par les fièvres dans cette chambre sombre comme un tombeau, c'est un enfant que personne n'a encore réussi à soigner, au chevet duquel son père veille. On appelle ce guérisseur en dernier recours parce qu'il comprend le feu qui dévore les corps, il connaît les gestes pour enlever ou y remettre ce feu.

Le jeune guérisseur aborde ce territoire avec des visions qui lui révèlent ce que d'autres ne voient pas ou ont oublié. Ici au détour du chemin il devine sur cet orbe aux branches majestueuses le visage placide de pendus, là sur cette grande table en bois censée servir des repas, gît encore le souvenir douloureux de femmes violées.

Il se retrouve brusquement en proie à un passé dévastateur entre deux familles, un passé que sa mère connaît, elle-même guérisseuse, c'est un passé qui ne passe pas, qui mêle des violences entre un homme et une femme.

Hypnotiques, bouillonnants, fiévreux sont les mots de ce court roman qui se déroule durant une seule nuit.

Ici on ne nomme pas les gens, ont dit le fils, la mère, le prêtre, l'enfant, l'homme aux épaules rouges, la femme qui tient un fusil...

Ce n'est pas ce jeune guérisseur qui aurait dû venir cette nuit-là, mais sa mère qui lui a transmis son pouvoir. Elle est désormais trop vieille pour l'accompagner, ce soir-là elle n'a pas trouvé la force de venir, alors son fils vient pour la première fois, doit s'émanciper de sa mère qui lui a tout appris sans qu'on sache comment, l'histoire ne le dit pas, il lui faut désormais apprendre à guérir par lui-même, en passant peut-être par d'autres procédures...

C'est en ce sens un roman initiatique, un roman d'apprentissage, mais le jeune guérisseur doit faire seul, il va accomplir la traversée de ce village en une seule nuit.

Il y a cette mère, la mère du jeune guérisseur, omnisciente dans le texte, bien qu'elle ne soit jamais là et c'est comme si elle devenait brusquement le personnage principal, surtout parce qu'elle n'est jamais là.

L'histoire va unir ses deux personnages, la mère et le fils, comme une une oscillation entre deux versants, dans cette mission presque divine dont ils sont investis et qui les unit dans la distance.

Le fils, personnage mutique, mais qui parle pourtant bien plus que la mère, - c'est dire, qui transgresse déjà le pouvoir par la mère qui lui avait ordonné de ne jamais parler, faire mais ne jamais dire. Apprendre la langue des choses cachées, c'est apprendre à se taire.

La parole est vaine et en même temps parle de chemins nouveaux.

Chaque lecteur peut voir ici, prendre un peu ce qu'il veut, métaphore de l'apaisement et du soin, de la mort et de la vengeance, du chagrin éternel qui unit le malheur des hommes.

Le plus important ce sont les actes de la mère et du fils, qu'on ne comprend pas et parce qu'on ne les comprend pas, on y croit plus que jamais. Ainsi, ce récit ressemble à un conte.

J'ai ressenti la crasse immonde d'un lieu en tournant les premières pages, l'innommable, la noirceur de l'humanité, des maisons qui chuchotent, des hurlements derrière les portes, c'est un lieu habité par des âmes en souffrance.

Oserais-je dire que le lieu est important dans la narration de ce récit ?

Le paysage, les endroits, sont des éléments fondateurs dans l'oeuvre romanesque de Cécile Coulon, pour ceux qui la connaissent un peu. Ici c'est un lieu habité par des personnages eux-mêmes habités par ce lieu. Prisonniers aussi...

Je crois volontiers Cécile Coulon un peu magicienne, un peu sorcière, capable de percer le ventre d'un texte de ses doigts de fée, d'aller chercher dans la lie poisseuse des mots les entrailles de l'âme humaine, de les porter dans la lumière du jour, de les métamorphoser par une alchimie dont elle a seule le secret, en une poésie baroque, intemporelle.

Raconter quelque chose qu'on ne peut pas dire, pas nommer explicitement, ne pas pouvoir en décrire les gestes, ni peindre les visages, encore moins les sentiments... La langue des choses cachées ne passent pas par des mots. le langage peine à raconter ce qui se passe ici.

Cécile Coulon est allée chercher dans ces personnages la noirceur profonde, pour dire à quel point ce fils est vital pour le village, mais à quel point ce village est vital pour le fils.

Comment voir, débusquer, démasquer ce qui n'est pas dit ?

C'est alors qu'il faut se servir d'un autre langage, celui du regard, des gestes, ce qui est dérobé, ce qui est invisible, ce qui se terre dans l'envers du décor.

La noirceur conduit le destin des hommes, elle se veut ici cathartique dans les gestes d'un jeune guérisseur dont les mains savent enlever ou laisser le feu dans un corps en souffrance/

La toute fin de ce roman envoûtant qui m'a embrasé est totalement sidérante, impossible de l'oublier ni par les mots ni par les images, ni par ce qu'elle produit dans le creux du ventre, ni par le chemin qui nous permet de nous échapper dans ce labyrinthe de rues.



« C'est ainsi que vient la mort, nous l'accueillons avec des bras pleins de fleurs, des yeux pleins de larmes, surpris qu'elle nous connaisse si bien, et qu'elle éveille en nous des amours plus fortes que la vie elle-même. »
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