Citations de Catherine Zambon (22)
Je fais des histoires où il n'y a pas de garçons ni de filles. Où personne ne se rencontre jamais. Des histoire où quand ça commence on ne sait pas comment ça va finir. Des histoires où c'est pas comme dans le vrai monde pourri où on vit.
Nina : L'imagination, c'est comme la poésie. C'est un pays où tu fais tout ce que tu veux et où personne ne vient t'embêter.
J’arrive en automne à Marseille. J’ai le cœur en papillon. Je n’ai presque pas dormi. Je n’ai pas parlé. J’ai marché sur le pont du bateau. J’ai vu la nuit. Volé sur l’eau. J’ai été malade, malade. C’est mon cœur qui pousse mon ventre. Ou mon ventre qui pousse la vie. Ou la vie qui pousse le bateau. Il est nul. Il est lent. Une tortue, ce cargo. Peu importe. Je veux Marseille. Je veux Moussa. A Marseille, je vais étudier. Ou faire la coiffure. Tout est possible. Peu importe.
Aujourd'hui est un jour premier.
Aujourd'hui est un jour où je prends parole.
Aujourd'hui j'ai entre mes mains ta paix, grand-mère. Kaïna. Ou ton exil.
Aujourd'hui est un jour où je vais naître une seconde fois.
"Si tu veux savoir où tu vas, il te suffit de regarder d'où tu viens." Ce sont tes mots, ma grand-mère.
Il faut faire vite.
Moha? Moha? Il n'y a personne?
Aidez-moi, je vous en prie. Ne vous retournez pas. Ne me jetez pas de pierres. Ecoutez-moi.
Je ne sais pas comment on fait, Kaïna.
« La biodiversité nous avait attaqués. Mais on avait résolu le problème. » (p. 11)
Nina : C'est nul les princesses.
Alyan : Pourquoi?
Nina : Une princesse, elle attend longtemps un type qui viendra lui donner un baiser et après elle est enfermée toute sa vie elle fait des enfants elle lave le linge elle fait à manger elle passe son temps à se friser les cheveux à se mettre du rouge à lèvres à essayer d'être mince elle bouffe que dalle elle a l'air d'une grosse imbécile qui se croit jolie alors qu'elle est rien d'autre qu'une fille qui s'ennuie et qui ne sait même pas lire. Au mieux, elle finit sorcière.
tu partiras, Mamata. Tu as la légèreté du rêve. Tu as la parole en toi. Tu partira, Mamata. Tu feras comme mon autre petit-fils, Moussa. Il est en France. A Marseille. Et quand tu reviendras , car tu reviendras, Mamata,tu seras une femme libre.
"(...) mieux vaut un frère qu'on se choisit qu'un cousin dont on rêve".
« Si on arrête, on disparaît. Ça leur traverse l’esprit, aux béats du confinement ? Ils s’en moquent de la communauté humaine ? » (p. 30)
C'est très difficile de ne pas se faire remarquer quand on pèse plus de quatre-vingt-dix kilos à seize ans et pourtant j'ai toujours songé que ce poids encombrant n'était là que pour me dissimuler. Moi toute entière, comme si je m'auto-dévorais.
"Elle profite" est l'expression convenue pour décrire l'énormité de ma présence.
Je ne profite de rien. Je me cache. Elle est "enveloppée en est une autre comme si mon corps était un emballage cadeau. (p.8-9)
"Si tu veux savoir où tu vas, il te suffit de regarder d'où tu viens."
C'est la première fois que j'ai un corps. Un sexe. C'est obscène. Déplacé. ça me fait honte. ça me fait mal. Il n'y a plus de mots. Juste des représentations qui me paraissent sales. je me perds. Trou noir.
Fuir. La fuir. Ne pas la salir. Mon amie, ma soeur. Mon grand corps émerveillé me révulse. Le désir n'appartient pas à l'amitié. Aimer, oui. mais ça, non. (p.32-33)
Vide, une carcasse morte, inoffensive. Les grilles sont fermées, je passe devant et je crache à terre. Mon portable sonne. Je ne veux pas savoir. Je le jette dans les poubelles devant le lycée. Je crache encore et encore. C'est aussi la première fois que je crache.
Claudia : L'autoroute fera gagner du temps et de l'argent à tout le monde. Le maire a dit qu'il...
Lucie : ... qu'il fallait construire un pont, exprès pour toi, Claudia. Comme ça, tu pourras regarder les voitures passer, tu n'entendras plus les oiseaux, les automobilistes klaxonneront, et toi, ça t'occupera toute la journée!
"Tu peux aller en paix grand-mère, car depuis que je t'ai perdue, j'ai gagné un enfant, un frère et un nom. Isabelle Terner t'honore chaque jour. Mamata aussi. Et Kaïna dans mon ventre. Elle qui vit déjà une vie de femme libre sans amertume. Je sais que tu seras en paix dans ton voyage. Car j'ai déserté l'enfance."
Drôle de pays où on ne sait plus où se cacher. Où veiller. Où se tenir pour voir le monde.
La semaine dernière, il m’a emmenée au cinéma à Marseille. J’ai vu le monde à l’envers et j’ai crié. Il a dit que c’est de la « science-friction ». Il se moque de moi. Toujours. Moha est un fils de mes aïeux, envoyé par Kaïna et la Dame blanche, pour m’apprendre la ville de Marseille où je suis aujourd’hui et où je parle la vérité. Je parle la France. Tout à l’heure, Moha va revenir avec une femme des services sociaux. Une femme qui va s’occuper de mon ventre. De mon enfant.
Je ne l'avais jamais vu comme ça, mon petit frère. Je l'attrape dans mes bras, je lui fais des chatouilles. Il pleure il pleure il pleure de tout son nez et de tous ses yeux.
... j'aime pas être un garçon, je veux pas être un garçon, je veux pas fâcher papa, je crois qu'on peut revenir en arrière et me refaire autrement, donner à quelqu'un ce qui n'est pas à moi, le zizon c'est pas à moi, ça pend, c'est mou, on dirait un ver de terre, la nature elle s'est trompée, je veux être comme Nina, ma soeur. Elle est trop belle. Je veux être comme Nina, elle va avoir des seins qui poussent et ses cheveux, elle, elle a le droit de les garder, elle peut mettre du rouge à lèvres, du vernis, elle peut même jouer au foot et faire de la poésie, je comprends pas pourquoi j'ai le droit qu'au foot et pas au reste.
Rémi
Toi ? Une fille ? Faire le maçon !
Lucie
Et alors ? Tu crois peut-être que les rossignols et les hirondelles attendent leur mâle pour faire leur nid ? Lorsqu'il vivra ici, chez lui, personne n'y trouvera rien à dire.