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Citations de Adrien Bosc (148)


Et quand chacun abordait, un peu rêveur et sans y croire, à la façon d’un exercice de la pensée, ce que serait le monde d’après, Mohamed Saïl, lui, racontait un monde d’avant que la machine coloniale avait détruit. Ce qu’il nommait un modèle ancestral, toute l’organisation de village berbère, ce sens inné de l’autonomie, sans État, sans police, sans juge ni prison, sans argent, tout entier mû par l’entraide.
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"La nouvelle comète d'Air France", pouvait-on lire sur les dépliants publicitaires. Le Constellation allait supplanter les palaces flottants et inscrire définitivement l'hégémonie du ciel sur la mer. Un oiseau chromé né de la folie d'un homme, Howard Hugues.
Principal actionnaire de la compagnie Trans World Airlines (TWA), Hughes avait lancé en 1939 les études pour la construction du "Connie". Associé au constructeur Lockheed Aircraft, le magnat du cinéma et de l'aviation tentait un nouveau pari, un avion de ligne quadrimoteur pressurisé capable de franchir une distance de cinq mille six cents kilomètres d'un seul tenant. Il en dessinait les plans, à main levée, des croquis guidés par une quête d'élégance et d'érotisme, charge aux ingénieurs d'adapter l'esquisse aux règles de l'aéronautique. A la même époque, pour les besoins du film Le Banni, le cinéaste-aviateur imaginait un soutien-gorge à armatures renforcées autoportant muni d'acier et transformait la poitrine de Jane Russell en un missile pointé droit sur l'écran et les ligues de vertu.
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Les deux gars débordaient d’affection pour Simone. Ils appréciaient cette façon qu’elle avait de regarder le monde, une solidarité pas bêtement exaltée, quelque chose de tendre, de profond, sincère. Elle possédait cette qualité rare qu’ont certains êtres : dans leurs yeux et à l’écoute de leur parole surgit un mystère qu’aucune réponse ne comble mais qu’aucun questionnement ne recouvre. Son combat ne tenait ni de la posture ni de l’air du temps, mais d’une nécessité intérieure si impérieuse qu’il annulait tout doute, ne laissait place qu’à une forme immédiate d’admiration.
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Par gros temps, le pilote induit en erreur par la visibilité réduite aurait ainsi pris ces halos de lumières dispersés au sommet du mont pour une piste atterrissage. Le hasard s'est surpassé pour que l’altitude de l'appareil corresponde au sommet - à quelques dizaines de mètres, le Constellation aurait frôlé le pic. "Dieu ne joue pas aux dés", dit l'adage, le F-BAZN dans la nuit du 27 au 28 octobre a fait Yahtzee.
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Après la chute de Barcelone et des derniers espoirs de la République, la guerre d’Espagne prit fin avec l’exode des réfugiés traversant la frontière des Pyrénées. Deux cent soixante-quatre mille exilés qu’on traita en criminels, parqués dans des conditions effroyables au plus dur de l’hiver 1938. En juillet, on estimait à cinq cent mille le nombre de ceux qu’on appellerait de nos jours des migrants.
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Des trente soldats engagés de la ville de Sitges, neuf n’étaient pas revenus. Partout on parlait de vengeance et d’expédition punitive. Une nuit, on exécuta neuf fascistes, ou prétendus tels. On en fit autant la nuit suivante. Des gens s’enfuyaient. Ce qu’elle documentait à ce moment précis, interrogeant autour d’elle, c’était le principe de guerre juste – la pesanteur de la vie et cette tension vers la violence annulaient tout. Les exactions entacheraient le mouvement – la réponse à la cruauté fasciste ferait basculer les troupes dans la terreur.
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Ils traversaient des villages déserts, d’autres en liesse. Ils roulaient à bord d’une Ford noire, le toit ouvert. Elle interrogeait les paysans et Ridel et Carpentier jouaient les interprètes. Ils riaient beaucoup. C’était un trio libre qui traçait la campagne. Elle notait dans son journal des détails sur l’organisation des troupes, les effectifs, l’armement, la politique agraire et la collectivisation.
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Écrire, penser, agir sont une seule et même chose.
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Mais deux jours auparavant, au terme d’un rassemblement en soutien aux républicains espagnols, elle avait pris la décision de partir se battre. Elle était revenue à l’appartement familial de la rue Auguste-Comte avec l’empressement que ses parents lui connaissaient, celui-là même qui ne souffrait ni la contradiction ni la prudence, celui-là même qui l’avait conduite à quitter l’enseignement et la philosophie pour l’usine et devenir ouvrière presseuse, chaudronnière au four à bobines de cuivre chez Alsthom, puis fraiseuse à la manufacture Renault. On ne s’engage qu’entier, disait-elle. Il y va de la guerre comme de la lutte, du front comme de l’usine, la fraternité est un élan du cœur.
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S’abîmer en mer, ces expressions, mots et verbes marins…
S’abîmer en mer, sillonner la mer, se perdre en mer, se jeter à la mer, prendre la mer, partir en mer, mourir en mer, jeter une bouteille à la mer, noyé, envahi, emporter par la mer, estiver, écumer, courir les mers, disparaître en mer, avoir bourlingué dans les mers du Sud, acculer, aboutir à la mer, « Un homme à la mer ! » crie le capitaine, au fond des mers, vieux loup, fortune de mer, haute, pleine, basse, qui se retire, découvre, embarque, gronde, moutonne, creuse, mine, ronge, érode les falaises, qui baigne une côte, qui scintille, brasille, brille, étincelle, se calme, calmit, baisse, reflue, écume, déferle, monte et descend, mer d’huile, de glace, de sable, secondaire, bordière, intérieure, fermée, froide, tempérée, gelée, calme, agitée, forte, houleuse, étale, tropicale, la mer d’Arthur Rimbaud infusée d’astres et lactescente, les clapotements furieux des marées, les archipels sidéraux, et les îles dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : est-ce en ces nuits sans fond que l’avion s’endort et s’exile ?
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Simone Weil craignait davantage de fuir le péril et le malheur que de s’en protéger. Elle n’était pas aveugle au danger. Elle avait été exclue de l’enseignement public par le premier statut des Juifs promulgué en octobre 1940. Elle était clairvoyante et saisissait le péril – mais ce qu’elle redoutait avec une terreur autre, c’était de se trouver loin de l’Europe en feu, à l’abri, spectatrice du désastre.
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"Toute histoire est un prétexte. Ces deux dernières années, j'ai cru plus que de raison aux signes, à la bonne étoile, m'y suis perdu, seul le récit de ces vies encloses en destinée dans le carlingue d'un Constellation pouvait répondre à mes questions."
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Exactement à la même heure, ce soir du 8 novembre 1949, salle gaveau, et pour la première fois à Paris, la cantatrice anglaise Kathleen Ferrier donne un récital. Et l’incomparable voix de Klever Kaff résonne comme une messe de requiem dans la salle de concert. Magie de la synchronicité, deux femmes prodiges, réunies par la coïncidence d’une date, se répondent de profundis. L’occurrence simultanée de ces deux évènements qui ne présentent aucun lien de causalité, l’arrivée des dépouilles de F-BAZN à Paris, et le récital d’une chanteuse anglaise ce même soir, à la même heure, prend la forme d’un de ces nombreux hasards objectifs, omniprésents, invisibles à nos yeux jusqu’à leur rapprochement, tout comme ces astres scintillants dans le ciel agglomérés en constellation par l’œil et l’esprit. Des points numérotés et reliés d’un cahier de coloriage. Coïncidence forcée ou force du destin, nul ne sait, sinon qu’à ce jeu des dates les plus incroyables associations naissent. Cas célèbre du psychiatre Carl Gustav Jung, une patiente raconte le rêve d’un scarabée d’or quand, à ce moment précis, un scarabée cogne à la fenêtre – un hanneton des roses qui ouvre la porte du doute.
Kathleen Ferrier et Ginette Neveu, deux sœurs en destinée, deux carrières exceptionnelles et foudroyées, deux étoiles filantes.
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Après avoir reçu l'ultime autorisation de routine, l'avion est en approche à mille mètres d'altitude. Les informations d'atterrissage sont transmises au Constellation, la vitesse et la direction du vent ainsi que le numéro de la piste. "Roger", répond le pilote. L'alphabet radio tout comme les énoncés ésotériques de la météo marine fascine. Dogger, Fisher, hectopascal, fraîchissant secteur sud-ouest, Viking, échelle de Beaufort, barre de brisants, anticyclone des Açores, le fameux. Y répond en langage crypté : Alpha, Bravo, Charlie, Delta, Echo, Foxtrot, Golf, Hotel, India, Juliett, Kilo, Lima, Mike, November Oscar, Papa, Québec, Romeo, Sierra, Tango, Uniform, Victor, Whisky, X-ray, Yankee, Zulu. La technique et son langage, des formules assénées à coups de baguette magique. La différence entre la technologie avancée et la magie est indiscernable, hors contexte, il s'agit en somme de faire tenir des carlingues de plusieurs tonnes en lévitation.
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Je fais ce que je comprends, non ce qui m'échappe.
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A l'intérieur, à des fragments de leurs uniformes, on devine le personnel navigant. Seul le visage du troisième pilote, Camille Fidency, est intact. Comme un moulage de Pompéi, le jeune homme, dans un dernier geste de détresse, protège , d'un bras levé au-dessus du front, son regard de l'imminente catastrophe.
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Santa Maria est une île océanique, avec quelques milliers de bergers et pêcheurs isolés sur ce paquebot immobile au milieu de l'Atlantique, et ce matin du vendredi 28 octobre 1949, les avions tracent les contours d'une séparation dessinée par les diagonales des traînées de condensation.
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« Quand tu aimes, il faut revenir. Une vie à casser la boussole, à s’ouvrir aux points cardinaux, et puis, au bout du monde, le lieu commun. Quand tu aimes, il faut revenir. Une vie à jouer à cache-cache, à tromper l’ennui, à tromper la mort, et au seuil, la vieille cabane, l’origine, le trésor. Quand tu aimes, il faut revenir. Maudit, désespéré, en vrac. […] Quand tu aimes, il faut revenir. » (p. 191)
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J'avais lu, dans une coupure de presse de l'époque, une anecdote sur l'un des passagers du Constellation. Il s'agissait d'Ernest Lowenstein, propriétaire de deux tanneries, à Strasbourg et à Casablanca. On y apprenait qu'il avait divorcé un mois plus tôt à Reno et qu'il regagnait New York dans l'unique but de tenter une réconciliation avec sa femme. L'histoire me plaisait, j'imaginais un télégramme envoyé une semaine avant le départ, quelque chose comme : " Arrive de New York le 28 octobre - STOP - Constellation F-BAZN - STOP - Voyons-nous - Vous me manquez - STOP"
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Nous ne supportons plus la durée. Nous ne savons plus féconder l'ennui.
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