AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782021114744
304 pages
Seuil (26/09/2013)
4.5/5   2 notes
Résumé :
De Guernica, on croit tout savoir. Chef-d’œuvre du XXe siècle, reproduit sous toutes les formes possibles, la toile est à la fois un monument artistique et un étendard historique, un emblème. Mais connaît-on vraiment son histoire ?

À l’origine, un village basque pris pour cible par Franco et ses alliés nazis pendant la guerre civile espagnole, et un peintre de génie qui travaillait déjà pour l’Exposition universelle de la même année 1937. À l’arrivée,... >Voir plus
Que lire après Guernica : Histoire secrète d'un tableauVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Guernica c'est d'abord une petite ville basque symbolique et martyre, bombardée par l'aviation allemande avec l'accord de Franco le 26 avril 1937, dont le nom est définitivement attaché au grand mural (349 X 777 cm) que Picasso réalisa à la demande du gouvernement républicain espagnol pour son pavillon à l'exposition internationale de Paris qui ouvrait ses portes un mois plus tard, le 25 mai 1937. le livre commence par rappeler le contexte politique et culturel des années 1936 et 1937. Dédicace discrète au passage de l'avocat Germain Latour à Daniel Cordier. Lecture passionnante, extrêmement bien documentée. Une sorte d'enquête, riche d'une foule d'informations, un peu touffue parfois juridiquement, dans sa deuxième moitié. Il est question à la fois d'Histoire à travers la suite des tragédies européennes pas si lointaines - guerre civile espagnole, dictature franquiste et début de la seconde guerre mondiale -, de l'engagement intellectuel et politique d'un artiste, Picasso en l'occurrence, d'art et de peinture puisque l'oeuvre "Guernica" en est le sujet principal. Intense lecture d'où se détachent une oeuvre majeure et emblématique du XXe siècle très bien analysée et le portrait en creux, nuancé, de Picasso, égratigné cependant sur l'image de son engagement aux côtés des républicains espagnols à qui il fit payer très cher son génie (en espèces sonnantes et trébuchantes), ce que révèlent les archives du dossier de la restitution du Guernica à l'Espagne, dont certaines pièces sont révélées ici et que j'ai découvertes. Alors qu'il l'avait vendue, le doute sera pourtant toujours entretenu par Picasso se comportant comme si l'oeuvre lui avait toujours appartenu et lui appartiendrait toujours. Il est vrai qu'il l'avait sauvée du désastre en acceptant en 1939 son départ pour une tournée américaine alors que la république espagnole était défaite. Mais bizarrement ni lui, ni ses différents conseils et encore moins son avocat (Roland Dumas) ne clarifièrent jamais ensuite la question de l'appartenance de l'oeuvre ; ils contribuèrent même à l'opacifier, en 1970, par une lettre commune très ambiguë (à interprétations multiples) adressée au MoMA où le tableau était en "dépôt" depuis longtemps avec l'accord de l'artiste. Incertitude juridique étonnante que les héritiers exploiteront après la mort du peintre en 1973. Picasso ne laissait pas de testament ! du coup tout le monde pouvait en revendiquer la propriété.

1981 : centenaire de la naissance de Picasso. le retour compliqué, dans une discrétion voulue, du "Guernica" à Madrid, le 10 septembre, fera dire le lendemain au ministre de la culture espagnol dans El Pais : « C'est le dernier exilé qui revient aujourd'hui en Espagne ».

La biographie de Picasso croise ici le Droit et interroge massivement sur l'artiste dans ce dossier plus particulier de la restitution de l'oeuvre à son destinataire initial, le peuple espagnol, telle qu'il l'avait exprimée. Aspects insoupçonnés et peu connus de la mémoire à tout le moins oublieuse de Picasso et d'une forme de vénalité présidant à la création du "Guernica" que dévoile Germain Latour sur les bases d'une documentation fouillée. Les déclarations de Picasso, pour sincères qu'elles furent et bien qu'abondamment documentées, ne suffirent pas à désarmer ses héritiers sourcilleux de leur droit moral ou en mal de reconnaissance. de même que ses ambiguïtés fondèrent l'attitude plus qu'attentiste et ambivalente du MoMA. Après la mort de Franco en 1975, (dont l'entourage avait échoué dans une tentative de récupération culturelle de l'oeuvre de Picasso), et malgré le rétablissement des libertés publiques, condition fixée par Picasso pour le retour du tableau en Espagne, le dossier était loin d'être réglé. le gouvernement d'Adolfo Suarez, résolu à dépasser le conflit des mémoires antagonistes, réussira mais non sans mal à faire taire toutes les polémiques en retrouvant une partie des documents égarés de 1937 formalisant les droits espagnols sur "Guernica". L'immersion est totale dans les arcanes et les manoeuvres diplomatiques ou institutionnelles et privées entre le représentant officiel espagnol, Rafael Fernandez-Quintanilla, la direction du MoMA, Roland Dumas et les héritiers de Picasso. Six ans seront nécessaires pour débloquer la situation et trouver un accord. Guernica qui porte le témoignage exceptionnel d'une époque et celui d'une oeuvre d'art de portée universelle méritait bien ces pages éclairantes, fortes de leurs archives troublantes inédites.
Commenter  J’apprécie          160

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Au début du mois de juin, devant son travail qu'il a mené sans désemparer depuis l'origine Picasso considère qu'il est arrivé au bout du bout de ce qu'il était en mesure de réaliser.Il convie certains de ses proches dans son atelier pour leur montrer "la chose". laissons un des témoins nous raconter l'événement, il s'agit de Juan Larrea, un des membres de la délégation espagnole en charge du pavillon espagnol qui était venu solliciter Picasso pour la réalisation du mural. "Guernica ! s'exclame quelqu'un. peut-être fut-ce Paul Eluard qui composait alors son [poème] Victoire de Guernica. peut-être fut-ce Christian Zervos, le directeur de Cahiers d'art. Peut-être les deux ensemble comme porte-parole d'une voix du peuple qu'immédiatement Picasso fera sienne. C'est ainsi que je l'ai entendu prononcer que l'on donnera au tableau ce titre. Guernica ! De cette manière, voce populi, le nom de la ville basque s'est trouvé incorporé à l'histoire des arts pour occuper une place qui ne démérite en rien de celle réservée au Jugement dernier de Michel-Ange, au Radeau de la Méduse de Géricault, à La Porte de l'Enfer de Rodin, et bien d'autres témoignages impressionnants que l'imagination plastique a conçu quand, éreintée par la Réalité, elle est passée de l'illustration plus ou moins éloquente des événements occasionnels à la révélation transcendantale que peuvent contenir ces oeuvres." (p. 76)
Commenter  J’apprécie          50
On le comprend mieux maintenant : dès la fin des années 1930, le MoMA constitua une chance exceptionnelle pour le tableau comme pour les amateurs d'art. Il avait fallu la conjoncture de plusieurs éléments pour que Guernica parte aux Etats-Unis. Le plus déterminant n'avait pas été les risques croissants de déclenchement de la guerre sur le théâtre européen, mais bien la demande du Comité national américain d'aide aux réfugiés espagnols. Cette demande de prêt avait été formulée de manière tout à fait officielle, en respectant scrupuleusement les règles protocolaires. C'était une des deux Espagne, celle qui était désormais contrainte à l'exil, qui avait réclamé son bien pour venir en aide à une République aux abois. (p. 128)
Commenter  J’apprécie          100
Et parce que l'histoire mériterait un jour, dans la tradition des Annales, d'être revisitée par un ou plusieurs historiens sous le prisme de l'ironie, qu'il me soit permis de relever un dernier détail, lui aussi passé sous silence, relatif au début de de l'exposition du tableau en Angleterre. Guernica arriva à Londres le... 30 septembre 1938, c'est-à-dire le jour même où, à quelques milliers de kilomètres de là, Lord Chamberlain, Edouard Daladier, Adolf Hitler et Benito Mussolini signaient les tristement célèbres accords de Munich qui avaient inspiré cette fameuse phrase à Winston Churchill, dans une tribune publiée dans The Times du 7 octobre 1938 : "Ils avaient à choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur et ils auront la guerre." (p. 115)
Commenter  J’apprécie          30
Et c'est ainsi qu'au mois de septembre 1939 le MoMA était en mesure de présenter cette grande rétrospective et d'y accueillir comme pièce maîtresse le Guernica aux côtés des Demoiselles d'Avignon. A partir de cette date, le tableau passera du statut d'icône républicaine à celui d'oeuvre d'art majeure du XXe siècle. (p. 122)
Commenter  J’apprécie          30

autres livres classés : guernicaVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Germain Latour (1) Voir plus

Lecteurs (14) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1750 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}