J'ai retrouvé ce chat famélique avec plaisir pour une deuxième aventure, avec quelques éléments drôles : le Rabbin qui prépare sa dictée en français pour être reconnu par la communauté française, « et pour faire la prière en hébreu à des Juifs qui parlent arabe, ils veulent que tu écrives en français, alors pour moi ce sont des fous » et qui révise son orthographe grâce à notre chat préféré, qui lui fait faire des dictées et qui est même prêt à aller lui souffler lors de l'examen.
Notre chat veut tellement bien faire qu'il invoque le nom de Dieu, ce qui lui vaut de perdre l'usage de la parole, mais sa pensée reste toujours aussi affûtée.
Si j'ai bien aimé la légende de Malka, le cousin et de son lion qui arrangent tout sur le passage, un peu comme Zorro, et les discussions entre le chat du Rabbin et l'âne d'un vieil Arabe qui finissent par se crêper le chignon pour des raisons d'interprétation des textes, alors que leurs maîtres respectifs discutent en arabe littéraire calmement.
Idem, pour la planche qui nous montre un Musulman et un Juif qui prient Dieu, en regardant chacun dans une direction opposée, je l'ai trouvé un peu plus théorique, mais c'est le but recherché. Au passage, il donne quelques coups de griffes à la colonisation, aux différences avec les discours des plus jeunes, pleins d'arrogance, et à l'intolérance en général.
Néanmoins, j'ai beaucoup apprécié, à nouveau, la sagesse de ce chat qui dénonce, mine de rien, et avec beaucoup de bon sens, la manière dont les dogmes peuvent virer à l'absurde parfois, selon l'interprétation qu'on en fait.
Les dessins sont toujours aussi beaux. Je continue donc l'aventure avec plaisir.
Note: 8/10
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Le dessin de Sfar n’a pas changé. Toujours une merveille de subtilité, de légèreté, de contours mouvants, d’aspects changeants, d’audace dans les arrière-plans. Un style à la fois enfantin et adulte, comme le chat du rabbin, ce qui tombe bien.
Lire la critique sur le site : Bedeo
Mon maître a reçu deux lettres ce matin. Il ne les ouvre pas tout de suite. Il commence par faire sa prière.
Puis il prend son petit déjeuner.
Une des lettres vient de Paris. L'autre est tellement abîmée qu'on dirait qu'elle a traversé le désert.
Zlabya, ma maîtresse, est curieuse de connaître le contenu des lettres, et moi aussi, car les chats sont encore plus curieux que les filles.
Le rabbin met les lettres dans sa poche et sort, il dit qu'il les lira plus tard.
En fait, je pense qu'il fait durer le plaisir. Zlabya n'ose pas lui courir derrière. Moi, si.
(Le Chat du Rabbin discute avec le lion de Malka.)
- Tu as vu, les gens n'ont pas peur de toi. On dirait que c'est normal, pour eux, de voir un lion.
- Je ne vois pas en quoi ma présence est incongrue.
- Je ne sais pas. Moi, les animaux dans une maison ça me choque.
- Tiens, rends-toi utile. Dicte-moi.
- Bien ... "Daphnis et Alcimadure ..."
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est le titre.
- C'est une fable de La Fontaine qui a un titre pareil ?
- Oui.
- Choisis-en une autre.
- Bien. "Le cierge"
- C'est tout ce que tu as trouvé ? Une autre fable, vite.
- Hmf ... "Jupiter et le Passager". "Ô combien le péril enrichirait les dieux ...
- Les dieux ?
- Oui.
- Non, ça ne va pas. Trouve-moi une fable monothéiste. Avec des animaux. Des animaux normaux, dont on sait le nom.
- Bien. "Le chat, la belette et le petit lapin", ça vous va ?
- Oui.
- Non, parce que si vous voulez, je peux chercher une fable composée uniquement d'animaux cashers.
Ecoute, maître adoré, on n'a pas besoin de respecter la loi des fous.
Tu es rabbin ici depuis trente ans et ceux-là qui n'ont jamais fichu un pied chez nous veulent dire qui est rabbin ou pas. Et pour faire la prière en hébreu à des juifs qui parlent arabe, ils veulent que tu écrives en français ; alors pour moi, ce sont des fous.
-Tu sais quoi, on devrait vivre dans une grotte et juste être dans notre coin. J'apporte mes Livres, toi, tes chansons...
-Non. Un jour, Allah nous le reprocherait. Nous serions comme Jonas qui accordait plus d'importance à un arbre qu'aux gens.
-Et alors? Est-ce qu'on n'a pas le droit de dire qu'on a beaucoup fait pour les autres et qu'ils nous fatiguent et qu'on est vieux et qu'on veut être tranquilles?
-Non.
FESTIVAL OH LES BEAUX JOURS ! 8e édition
Avec Hervé le Tellier et Kerwin Spire
Lecture par Emmanuel Noblet
Depuis l'an dernier, les grands entretiens du festival rendent aussi hommage à des écrivains disparus. Ainsi, Romain Gary, de son vrai nom Roman Kacew, né en 1914 à Vilnius, en Lituanie, décédé en 1980 à Paris, dont l'oeuvre immense continue de susciter l'admiration, et de faire l'objet de nombreuses adaptations et études.
La vie de Gary est en soi un roman : arrivé en France avec sa mère en 1928, il passe son adolescence à Nice, étudie le droit à Aix-en-Provence et s'engage dans l'Armée de l'air. Entré en résistance dès 1940, pilote de chasse pendant la Seconde Guerre mondiale, il est fait compagnon de la Libération et s'engage dans une carrière diplomatique, qui le mènera notamment à New York, puis à Los Angeles. Écrivain prolifique, ses romans seront marqués par les épisodes de sa vie, par un engagement humaniste contre les barbaries modernes, les injustices et les violences, entretenant une tension entre espoir et désespoir de voir l'homme céder à ses pulsions médiocres. Romain Gary est aussi à l'origine d'une des controverses les plus fascinantes de l'histoire de la littérature française, puisqu'il fut le double lauréat du Prix Goncourt, d'abord en 1956 pour "Les Racines du ciel" et ensuite en 1975, sous le pseudonyme d'Émile Ajar, pour "La Vie devant soi", révélant ainsi la dualité et le conflit identitaire qui le hantaient.
Pour évoquer cette figure, l'écrivain Hervé le Tellier, fervent admirateur de Gary, et Kerwin Spire, qui lui a consacré deux romans biographiques, sont réunis pour un exercice d'admiration. Images d'archives, extrait de film et interview réalisée pour l'occasion ponctuent cet entretien, au cours duquel on entend Romain Gary lui-même, avec sa voix charismatique, mais aussi Joann Sfar, autre grand admirateur, qui étudia à Nice dans le même lycée que Gary et l'a maintes fois dessiné.
Un grand entretien posthume pour découvrir ou redécouvrir l'oeuvre et la vie d'un des plus grands écrivains du XXe siècle.
À lire
- L'oeuvre de Romain Gary est disponible dans La Pléiade (deux tomes) et chez Folio/Gallimard.
- Kerwin Spire, "Monsieur Romain Gary. Consul général de France – 1919 Outpost Drive – Los Angeles 28, California", Folio, Gallimard, 2022.
- Kerwin Spire, "Monsieur Romain Gary, Écrivain-réalisateur – 108, rue du Bac – Paris, VII – Babylone 32-93", Gallimard, 2022.
- Hervé le Tellier, "Le Nom sur le mur", Gallimard, 2024.
Un grand entretien posthume animé par Alexandre Alajbegovic et enregistré en public le 23 mai 2024 au théâtre de la Criée, à Marseille, lors de la 8e édition du festival Oh les beaux jours !
Podcasts & replay sur http://ohlesbeauxjours.fr
#OhLesBeauxJours #OLBJ2024
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