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EAN : 9782073070296
Gallimard (02/05/2024)
4.86/5   11 notes
Résumé :
"C'est tout petit, une abeille, tout petit, ça ne devrait pas mourir pour une histoire de terre qui s'assèche, ça ne devrait pas mourir, une abeille ; c'est comme un enfant malade, une mère qui ne reconnaît plus son fils, ça ne devrait pas exister, ces choses-là ; des injustices qui brisent tout à l'intérieur, qui nouent le ventre et nous laissent sans souffle. Impuissants. Comment expliquer cela à Anir ? Comment ?" Anir a dix ans. Il aime les aigles qui font de gra... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
« Autour de la ruche d'Anir, quelques cadavres. Jeddi ouvre délicatement le couvercle en palmier. C'est à chaque fois très dur, très dur de les voir comme ça ; de les prendre entre le pouce et l'index ; de toucher leurs ailes, si fines ; de ne plus entendre leur bourdonnement. C'est tout petit, une abeille, tout petit, ça ne devrait pas mourir pour une histoire de terre qui s'assèche, ça ne devrait pas mourir, une abeille ; c'est comme un enfant malade, une mère qui ne reconnaît plus son fils, ça ne devrait pas exister, ces choses-là ; des injustices comme celles-là, sur la terre, ça ne devrait pas exister, une abeille qui meurt, un enfant qui ne guérit pas, une mère aux yeux métalliques ; des injustices qui brisent tout à l'intérieur, qui nouent le ventre et nous laissent sans souffle. Impuissants. Comment expliquer cela à Anir ? Comment ? » (p.106)
A Inzerki, un petit village du Haut-Atlas, au milieu des terres rouge, ocre et blanche (trois couleurs de terre, conjuguant latérite, sècheresse et poussière, qui donnent leurs titres aux trois parties du roman), Anir, un garçon de dix ans, vit avec son grand-père, Jenni, et sa mère, Aïcha, que toute la population de la bourgade appelle la « possédée ». Aïcha vit comme une recluse, chantonnant tout le jour durant une berceuse sur trois temps, quand elle ne pousse pas des cris qui s'entendent de très loin et augmentent l'hostilité des voisins. La nuit, elle se réveille et sort de la maison pour se diriger vers le Rucher du Saint, un rucher collectif formé de cases contenant chacune la ruche d'une famille du village, se recueillant chaque fois devant une ruche d'abeilles noires, avant d'aller redonner de l'eau aux abeilles appartenant à sa famille. Anir, qui suit sa mère dans ces pérégrinations nocturnes, s'interroge sur le sens de ce manège, comme sur l'étrange folie qui entraîne l'isolement d'Aïcha et sur la fuite de son père, Omar, qui a quitté le village pour travailler à Agadir, où il menace de l'emmener avec lui, chaque fois qu'il revient au bourg.
Mais Anir veut rester près de sa mère et avec son grand-père, son mentor, qui lui apprend à aimer les abeilles et à s'en occuper, et lui raconte mille légendes locales, l'initiant aux savoirs ancestraux. Jenni lui fait ainsi découvrir les puissances de la parole, les « mots-talismans » qui permettent de guérir et réparer, comme ce « Ya-Samad » qui soigne le manque d'eau et la soif. Pourtant, le vieil homme ne peut ou ne veut pas lui en dire trop, gardien du secret du malheur familial, et il faudra un tremblement de terre pour que la vérité surgisse peu à peu du chaos…
Inspiré par un lieu réel, le village d'Inzerki et son extraordinaire rucher collectif, si l'on en croit les remerciements en fin de livre et la photo du bandeau de couverture, le roman de Zineb Mekouar séduit par son rythme, une écriture pleine de poésie et qui prend le temps d'établir de vraies correspondances entre le décor et la tragédie que vivent les personnages. le destin des abeilles, qui, loin d'être de simples utilités, deviennent de vrais protagonistes du récit, reproduit la fragilité de l'existence humaine, et le rucher, ici, est une métaphore de la société du village. Quand les abeilles meurent, quand le miel se tarit, les hommes doivent s'inquiéter et craindre leur propre disparition. On trouverait difficilement meilleure façon de nous le rappeler, tant Zineb Mekouar démontre à nouveau ici tout son talent de conteuse, cet art délicat qui nous avait déjà enchantés à la parution de "La poule et son cumin" (Lattès, 2022), son premier roman !
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« Le visage est tourné vers ce bleu sans nuages, loin des villes et du temps, dans cette vallée où l'on jurerait que plus rien ne peut naître ni mourir. »

Le silence peut être assourdissant quand il cache un secret, une catastrophe, quand il se confond parmi les prémices d'une tragédie environnementale. Ce silence c'est celui que laisse les abeilles du rucher saint d'Inzerki au Maroc, qui abrite des générations d'apiculteurs et de légendes. Ce silence c'est celui de Aïcha et de ses abeilles noires, imposé par le malheur d'une vie.

Dans ce silence, Jeddi et son petit fils de 10 ans, Anir, font gronder leur amour délicat basé sur la transmission. D'amour il est aussi question entre Anir et sa mère, celle qui n'arrive plus à se livrer ni à serrer son enfant dans les bras mais un regard peut suffire pour faire subsister l'amour qu'une mère porte à sa chair.

Ce silence s'inscrit dans une nature époustouflante où l'ocre prédomine, où la poussière blanche virevolte, où le rouge sang existe, où les racines des arbres imposent de tracer des pas précis, où l'arganier centenaire domine et accueille pleurs et rires.

Dans sensibilité profonde et puissante, Zineb Mekouar nous livre l'histoire du rucher Saint, de ce lieu qui l'a tant émue par son passé et son présent en péril. La poule et son cumin, son premier roman, est largement engagé par son histoire, son second roman ne déroge pas à ses convictions et à sa volonté d'inscrire ses mots dans une forme d'engagement.

Souviens-toi des abeilles, de leur bourdonnement qui s'éteint, de ce que demain nous réserve. Et grâce à la poésie de Zineb, nous nous souviendrons.
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Voici un roman comme je les aime : une découverte liée au hasard qui nous plonge dans un ravissement poétique.

Nous sommes au Maroc, sur les contreforts de l'Atlas, zone montagneuse où se trouve le plus vieux rucher collectif au monde. C'est une zone reculée où vivent quelques irréductibles, soucieux de préserver et surtout de transmettre cette apiculture traditionnelle. Mais nous sommes aussi dans ce premier quart du XXIème siècle où la planète se réchauffe et s'assèche plus rapidement que les prévisions des plus optimistes de nos climatologues.

Parmi ces irréductibles, il y a Jeddi le grand-père d'Anir qui lui conte l'histoire de ce rucher. le petit l'écoute avec des étoiles dans les yeux ; il ne perd pas une miette de ses conseils, de ses mots qui propagent cet héritage culturel unique «  Chaque jour, il se souvient, pour ne pas oublier, car bien que beaucoup partent pour la ville il faut se remémorer chaque père et chaque fils du village, parce que l'irrigation des terres en dépend, parce que ici chaque famille attend son tour et que les tours d'eau s'héritent. »

De son grand-père, il retient l'héritage culturel de ces terres et de cette apiculture traditionnelle. de sa mère, qu'il accompagne toutes les matins sur les chemins menant au rucher, il ressent cette terre au plus profond de lui-même sans bien comprendre les émotions qui le traversent.

Ce roman est une magnifique fable écologique autant que familiale autour de celles qui permettent la vie sur terre. Avec beaucoup de sensibilité et de poésie, l'autrice évoque des thèmes dont on devine qu'ils lui tiennent à coeur : la transmission, la famille et l'écologie. Une vraie réussite (qui me donne très envie de découvrir son premier roman « La poule et son cumin »).
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Certains romans vous envoûtent tellement que vous savez dès les premières pages que ce sera un coup de coeur, ce roman en fait partie. J'ai été ensorcelée par la beauté de ses mots et de son histoire.

Je retrouve ici la plume incroyable de Zineb Mekouar après son premier roman « La poule et son cumin » qui m'a beaucoup marqué.

L'histoire se déroule au Maroc, dans un petit village appelé Inzerki, où se trouve le plus ancien rucher collectif du monde.
Amir, 10 ans a soif d'apprendre. Il découvre avec son grand-père la beauté de la nature et à s'occuper des abeilles.

Derrière cette ode à la nature se cache quelque chose de sombre. Un lourd secret de famille. Pourquoi sa mère fredonne-t-elle cette berceuse, encore et encore. Pourquoi est-elle là sans être là ?

Un texte si puissant qui vous bouleverse. Sombre et à la fois lumineux. le choix des mots est incroyable. Les larmes ont coulé. Les personnages sont très attachants et la découverte de ce rucher fait la richesse de ce si beau texte.

Merci Zineb Mekouar pour ce si beau texte qui restera longtemps gravé dans ma mémoire.
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Nous sommes dans le sud du Maroc, près du plus grand rucher commun du monde. Depuis des générations, les familles du villages cultivent ici un miel de qualité. Mais depuis quelques années, l'eau se fait rare, les abeilles ont du mal à survivre et à produire leur miel. Pour le jeune Anir,la passion de cultiver le miel se développe, transmise par son grand-père. Mais comment faire face aux aléas de la vie et aux difficultés familiales quand on n'a que dix ans ?

Un deuxième roman remarquablement bien écrit, émouvant et fort. Un drame familial, un amour de la terre, une écriture sensible. Zineb Mekouar nous dépeint avec brio une histoire familiale dure mais belle et crée des personnages attachants que l'on ne veut pas quitter. Un roman prenant dans lequel l'intrigue est très bien construite. Une très belle lecture !

Après un premier roman très réussi (La poule et son cumin), l'autrice confirme son talent avec son deuxième livre ! Zineb Mekouar aborde des thèmes essentiels de manière à la fois délicate et engagée. Définitivement une autrice à suivre !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
L’obscurité est là. Les cris aussi. Des cris qui ne lui ressemblent pas, des convulsions qui effraient la mère, accélérant le rythme de ses pas dans cette pièce aux murs immenses. L’enfant est dans ses bras, bercé par cette mélodie qu’il aime pourtant, qui l’a tant de fois apaisé. Ses sanglots font dérailler la voix, d’ordinaire douce, en phase avec la respiration. Plus le nouveau-né se crispe, hurle, plus sa gorge à elle s’assèche ; le rythme s’affole et l’harmonie de la berceuse se brise sur les spasmes du garçon. Le temps se fige, c’est comme un orage qui ne passe pas, piégé dans cette pièce où l’air manque maintenant. Par vagues, les moments d’accalmie soulagent le petit corps qui alors se relâche. Les traits du visage se détendent et la mère essuie, une à une, les minuscules perles formées par les larmes, coincées entre les cils. Un instant, les pleurs s’estompent, laissant place à la voix qui reprend peut-être du courage puisque le son se fait plus juste. Le rythme est là, do, do, da ; grave, grave, aigu. Les paroles apparaissent :
Écoute ce chant,
Doux et chaud,
Comme le miel que font nos abeilles.
Je t’offre ces notes, le son de ma voix.
Te souviendras-tu que je chantais pour toi ?
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Le vieil homme remonte la trace de cette blessure ouverte, vers l’embranchement où elle n’a été que fissure, et avant cela craquelure, et avant cela mince interstice au niveau du sol. Là, il s’agenouille puis fait signe à Anir d’avancer, touche de l’index la fêlure, approche l’oreille : tu veux que je te confie un secret ? Anir acquiesce en suivant du regard chaque mouvement de Jeddi. L’eau. C’est le remède pour que les petites fissures ne se transforment pas en crevasses. Un instant, une ombre passe sur son regard, les dernières pluies remontent à l’année dernière, et puis une lumière : tu sais qu’il y a des mots, comme des talismans, qui guérissent? Anir écoute, une fourmi s’est détachée de la file et grimpe à présent sur ses sandales, ses jambes, l’enfant sent les picotements mais ne bouge pas, il ne veut pas déconcentrer Jeddi, parce que parfois il perd le fil de ce qu’il dit et on ne peut plus connaître la fin de l’histoire ; oui, des mots comme des talismans, que tu peux répéter mais pas trop fort, en remuant à peine les lèvres, dans un souffle, et alors des choses arrivent, ou au moins, à l’intérieur, tout s’apaise. Le grand-père s’arrête, ferme les yeux, et là, dans un murmure : « Ya-samad », c’est un mot-talisman. Si tu as soif et que tu le répètes plusieurs fois, tu auras l’impression que de l’eau se forme dans ta bouche, et ta soif sera étanchée. Alors, de temps en temps, pour aider les cicatrices de la terre, je me baisse vers ses fissures et lui murmure, à elle aussi, le mots-talisman, Ya-Samad, Ya-Samad.
(pp.44-45)
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Autour de la ruche d’Anir, quelques cadavres. Jeddi ouvre délicatement le couvercle en palmier. C’est à chaque fois très dur, très dur de les voir comme ça ; de les prendre entre le pouce et l’index ; de toucher leurs ailes, si fines ; de ne plus entendre leur bourdonnement. C’est tout petit, une abeille, tout petit, ça ne devrait pas mourir pour une histoire de terre qui s’assèche, ça ne devrait pas mourir, une abeille ; c’est comme un enfant malade, une mère qui ne reconnaît plus son fils, ça ne devrait pas exister, ces choses-là ; des injustices comme celles-là, sur la terre, ça ne devrait pas exister, une abeille qui meurt, un enfant qui ne guérit pas, une mère aux yeux métalliques ; des injustices qui brisent tout à l’intérieur, qui nouent le ventre et nous laissent sans souffle. Impuissants. Comment expliquer cela à Anir ? Comment ?
(p.106)
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Quand son grand-père raconte, il y a toujours un moment où sa voix change un peu, très légèrement mais assez pour qu’Anir le remarque. Elle devient plus grave, plus neutre aussi, et c’est comme si ce n’était plus Jeddi qui parlait, comme s’il n’était plus tout à fait seul à raconter son histoire, comme si à travers lui d’autres la racontaient, que la lignée n’avait plus de commencement ni de fin. Quand ce moment arrive, le regard du grand-père aussi change, les pupilles se dilatent et leur lumière s’en trouve renforcée ; alors le petit Anir est comme envoûté. Sans s’en rendre compte, il commence à murmurer, à répéter lui aussi, tout doucement et mot pour mot, les phrases qui sortent de cette voix et de ce regard à présent sans âge.
(p.31)
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Vidéo de Zineb Mekouar
La poule et son cumin de Zineb Mekouar aux éditions JC Lattès https://www.lagriffenoire.com/1107203-romans-la-poule-et-son-cumin.html • • • Chinez & découvrez nos livres coups d'coeur dans notre librairie en ligne lagriffenoire.com • Notre chaîne Youtube : Griffenoiretv • Notre Newsletter https://www.lagriffenoire.com/?fond=newsletter • Vos libraires passionnés, Gérard Collard & Jean-Edgar Casel • • • #lagriffenoire #bookish #bookgeek #bookhoarder #igbooks #bookstagram #instabook #booklover #novel #lire #livres #conseillecture #editionsjclattes
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