Ça commence là : ma bouche qui sans penser vraiment aux conséquences vient chercher la tienne. Se surprend à un goût déjà familier. Reconnait la substance à laquele se nourrir. N'aura de cesse ensuite de vouloir revenir pour assouvir sa faim, jamais rassasiée.
Car on ne guérit pas de ce genre de faim là. Elle va en grandissant et vous dévore toute. Elle va jusqu'aux heures floues qui séparent le jour de la nuit profonde. Elle perd le sens du temps. Le sens des convenances. Elle n'a pas de maître, et elle est déchaînée. C'est le genre de faim qui ne vous attend pas, car elle vous préexiste. Il n'y a qu'une chose à faire lorsqu'elle survient : déclarer l'impuissance, et la reddition. S'avouer d'avance vaincue. Et lui laisser la place.
Si elle ne trouve pas à se nourrir d'elle-même, elle sétiolera en grondant comme une bête.
Je n'en ai jamais vu, ce qu'on appelle la neige. Ma mère m'a raconté, c'est quelque chose de blanc, léger et vaporeux, qui fond lorsqu'on la touche. Il a neigé, une fois, quand elle était petite. Mais je connais la grêle, qui s'abat sans prévenir durant les mois d'hiver et décime les récoltes qui ne sont pas sous serre.
En réalité, je voudrais dire l'amour comme posture radicale en période de crise, globale, planétaire. L'amour comme bouclier, l'amour comme espérance, comme force de révolte. L'amour qui s'élèverait comme un grand cri de joie, de résistance aussi.
Les outils du langage viennent fixer ce qu'ils peuvent de l'expérience humaine. Souvent, c'est moins le sens des mots qui rend pleinement ce qu'ils tentent de décrire, que le rythme qu'ils prennent à l'oreille qui entend, sans même qu'on les prononce.
Et là, même séparées, leurs jeux et leur dialogue ne s'arrêtaient jamais: chacune écrivait avant de s'endormir une chanson, une histoire, un poème, quelques lignes sur une feuille qu'elles s'échangeraient le lendemain. Elles se bâtissaient ainsi peu à peu un univers de mots, d'images et de sons qui n'appartenait qu'à elles. Un univers brillant de l'éclat des petites stalactites ornant les branches des pins, frémissant des nuages de minuscules cristaux dont les arbres s'ébrouent aussitôt qu'on les frôle.
Qu’elle écrive la fin toute seule maintenant. Je deviens page blanche et ma rage est muette, elle n’aura pas un mot.
J'observe l'enfant qui a six ans et je m'étonne qu'il soit si facile d'être heureuse. Il suffit de vivre dans l'ignorance de qui a vécu là avant nous. De ce qui existait et n'est plus.
Il me reste des années passées au lit, malade, l'immense gratitude d'avoir été soigné, d'avoir été aimé, d'avoir repris des forces grâce à tes soins constants. Je n'en ai pas conçu le goût d'être puissant, mais la conscience aiguë que sans le soin des femmes, les hommes ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui, et pourtant la plupart méprisent où trouvent cela normal, puisque c'est un acquis, qu'on s'occupe ainsi d'eux, comme de leurs enfants. Je ne suis pas de ceux qui trouvent cela banal qu'une femme sacrifie son temps chaque jour de sa vie, sa santé, ses envies et souvent ses besoins les plus élémentaires, pour élever des enfants.
Le grand génie de notre époque et de ceux qui la gouvernent, c'est de nous avoir fait croire que nous vivions en paix quand ils lâchent des bombes sur d'autres continents.
[...] la conscience aigüe que sans le soin des femmes, les hommes ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui, et pourtant la plupart méprisent ou trouvent cela normal, puisque c'est acquis, qu'on s'occupe ainsi d'eux, comme de leurs enfants.