Je ne connaissais aucune de ces deux autrices. le livre était posé en évidence sur la table des nouveautés à la bibliothèque, c'est comme cela qu'il est arrivé dans ma liste de lectures.
J'ai été tentée par le processus d'écriture : deux autrices se rencontrent à l'occasion d'un salon du livre, nouent une relation amicale et se proposent d'écrire à quatre mains, l'une initiant le premier chapitre du livre, l'autre lui répondant et ainsi de suite.
L'idée de départ une rupture amoureuse, s'ensuivent deux narrations. Deux façons de vivre une même histoire.
Fanny Chiarello est la « quittée », elle écrit au nom de Jenny.
Wendy Delorme est «
l'évaporée », elle écrit au nom d'Eve.
Il y a le rat des villes, Eve, et le rat des champs, Jenny. Toutes deux vivent d'écriture, la première est journaliste, la seconde romancière.
Elles vont vivre une histoire amoureuse passionnelle mais des blessures anciennes et profondes les empêcheront de concrétiser leur union, Eve n'arrive pas à tout quitter pour s'installer à la campagne, Jenny est trop viscéralement attachée à la terre pour la quitter. Elles se retrouvent donc alternativement chez l'une ou chez l'autre, Eve tente de faire aimer Paris à Jenny, le quartier où elle est venue se réinstaller dès sa majorité, le quartier où elle a vécu avec sa mère jusqu'au décès brutal de celle-ci.
Globalement l'histoire n'est pas très consistante, il s'agit surtout d'un texte parlant des états d'âme de chacune.
Je l'aime mais je la quitte, mais pourquoi m'a-t-elle quittée alors que je l'aime tant ? Et les pages se succèdent, très belles, bien écrites, profondes et sensibles mais aussi extrêmement nombrilistes. J'aime les livres dans lesquels ils ne se passent rien, où la psyché est fouillée et où la langue est belle. Ce livre avait donc tout pour me plaire.
Faire parler un personnage, puis l'autre, puis revenir au premier, chapitre par chapitre, est un processus connu, un page turner efficace puisque l'on a envie de savoir ce qui arrive à l'un, puis à l'autre … Je le rencontre souvent dans mes lectures. Ce qui est différent ici c'est que les textes sont écrits par deux personnalités et deux univers radicalement différents mais pas incompatibles, plutôt complémentaires (dixit
Fanny Chiarello).
J'ai été très déstabilisée par la lecture des premiers chapitres. Les deux styles d'écriture qui se succèdent rapidement, l'une brouillonne et verbeuse, l'autre directe et percutante, c'était confus. Jusqu'à ce que je prenne le parti de choisir ma lecture, et de me concentrer sur le personnage de
l'Evaporée en premier lieu, annihilant par ce choix le supposé intérêt de l'échange épistolaire et le choix narratif des autrices.
J'ai beaucoup apprécié la plume de
Wendy Delorme et l'histoire d'Eve. Jenny quant à elle m'a rapidement insupportée.
Est-ce le fait que les textes soient écrits par deux personnes différentes ? Ou est-ce simplement parce que j'éprouve plus d'empathie pour un personnage que pour l'autre, comme cela arrive dans chaque roman ?
Il faudrait pour confirmer mes suppositions que je lise un texte de chacune, indépendamment.
L'évaporée est catégorisée « littérature queer », une découverte également pour moi. Queer en anglais signifie l'inverse de rectiligne, donc tordre la forme, sortir de la rectitude, écrire en brèche, se griffer parfois aux ronces à travers champs et oser emprunter des chemins de traverse, dont on ne sait pas toujours où ils nous emmèneront.
C'est finalement exactement ce que je ressens en refermant le livre. Sortir des sentiers battus sans vraiment savoir où l'on va, mais faire en sorte que l'ensemble forme un texte cohérent malgré les différences de style et le peu d'épaisseur de l'histoire quasi inexistante.
Une lecture différente qui restera probablement un moment dans ma mémoire, plus par la découverte de la littérature queer et par l'inégalité de la qualité de l'écriture à quatre mains que par la banalité du sujet proposé.