J’ai lu les deux premiers volets de cette trilogie il y a un moment déjà, plusieurs années pour être précise, et je redoutais de lire ce dernier tome autant que je le désirais. J’avais peur d’être déçue, mais aussi et surtout peur de ne pas m’y retrouver après une si longue pause. J’ai finalement sauté le pas.
L’Hiver de la sorcière s’ouvre juste après l’incendie qui a ravagé Moscou. La ville a été sauvée, mais elle est cruellement endommagée, et l’identité de Vassilissa est dévoilée, elle qui se faisait passer pour un homme et qui est dotée d’étranges pouvoirs est le bouc-émissaire idéal. Le prêtre Konstantin, qui est toujours furieux contre elle, attise la vindicte populaire contre Vassia et alimente cette colère pour précipiter sa chute.
Quel bonheur d’ouvrir ce roman! Je suis absolument bluffée parce que je m’attendais à peiner à m’y retrouver dans un univers que j’avais quitté près de deux ans plus tôt et il n’en a rien été. En quelques pages, j’ai eu l’impression de retrouver de vieux amis, d’être dans un chez moi lointain et enneigé, mais chez moi malgré tout aux côtés des êtres qui peuplent ces pages. Tout est remonté instanténement : ma tendresse pour Vassia l’intrépide, mon amour débordant pour Soloveï, la douceur que m’inspire la petite Maria… J’ai reçu une bouffée d’air frais et de neige, une bourrasque de magie et je me suis calée un peu plus profondément dans mon fauteuil pour savourer encore le chemin à faire ensemble.
Ce volume est sans doute celui qui m’a le plus émue. C’est le temps des décisions difficiles, le temps de la lutte et aussi le temps de la perte. Notre Vassia doit dire adieu à des êtres qui lui sont chers et qui nous sont chers. Plus d’une fois, les sanglots ont résonné silencieusement dans ma poitrine et mon coeur s’est serré à plus d’une reprise.
Ce volume, c’est aussi celui du mythe. Vassia entre dans une autre temporalité : elle n’est plus une simple mortelle, elle devient une passeuse entre les mondes. Elle côtoie les divinités du folklore russe, elle en affronte certaines, elle use de magie, elle rallie à sa cause beaucoup de monde et elle affronte aussi les mille et unes embûches qui apparaissent sur son chemin. En effet, avant le temps du ralliement, elle doit faire face au temps de la défiance, et les divinités petites et grandes la testent, s’offusquent, s’engagent parfois de façon aléatoire. Ce voyage à travers les mondes et les âges est aussi une façon d’en apprendre sur elle, sur son passé, sur ses ascendants et de trouver son objectif, à elle. Vassia, dans ce tome, advient pleinement à elle même et se fraie un chemin dans deux mondes qui ne sont – pour aucun- tout à fait sien. J’ai particulièrement aimé le personnage de Vassia. Elle est d’une humanité terrible, pleine de doutes, de remords parfois, armée de courage et de détermination. Sa témérité confine parfois à la folie et elle se lance dans plus d’un projet qui semble perdu d’avance. Pourtant, à force d’humilité, de respect, de remise en question, en usant de son intelligence, elle parvient à faire les meilleurs choix pour elle… et pour son monde.
Vassia est une héroïne épique hors normes. Elle est une belle héroïne, loin des stéréotypes, loin d’une image lisse sur papier glacée. Vassia se fait duper, elle hésite, elle doute, elle se trompe, elle regrette et elle réessaie, encore et toujours, animée de son seul but : sauver ceux qu’elle aime. C’est une héroïne qui est capable de se sacrifier, mais qui entend malgré tout être heureuse, à sa façon, pas forcément comme la société l’attend d’elle. Vassia est une figure extraordinaire à laquelle je me suis follement attachée. J’aime le respect dont elle fait preuve pour tous les êtres, j’aime sa façon de revivifier l’invisible et de donner à entendre le murmure d’une voix de femme là où les hommes crient.
Dans ce dernier volume de la trilogie, vous trouverez moults combats : de violents affrontements, des duels, des complots, des luttes intestines. Vous trouverez une multitude de combattants : le soldat en armure, la jeune fille sur un cheval extraordinaire, les divinités du folklore russe ; vous trouverez des êtres sanguinaires, vous affronterez les vissicitudes humaines mais aussi la grandeur de certains. Tout dans ce roman offre à son lecteur de l’émotion et une humanité unimaginable. L’autrice, Katherine Arden, a fait des recherches et s’appuient sur des éléments véridiques de l’histoire russe, des batailles notamment, mais elle transcende l’histoire par sa plume et nous offre un grand roman.
Ainsi, vous l’aurez compris, je suis absolement conquise par L’Hiver de la sorcière. Cette trilogie restera parmi mes oeuvres préférées. L’écrin imaginé par les éditions Denoël est superbe, mais le contenu entre ces pages le dépasse largement. Nous avons ici un roman époustouflant qui fait souffler un vent d’aventures, qui fait se lever orages et tempêtes, zébrant le ciel d’éclairs de magie, ravageant le monde de conflits et de batailles, dont l’enjeu reste de faire triompher le bien, de sauver l’amour des siens et d’offrir une alternative où humains et tchiortis peuvent vivre en paix. Un projet titanesque dont je vous laisse vous délecter à votre tour, je ferme pour ma part ce livre avec un pincement au coeur.
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