Quittant l'exposition «
Van Gogh à Auvers-sur-Oise », au musée d'Orsay – autant dire l'une de ces expositions dont on se souvient pendant très longtemps –, je vois cette bande dessinée pressée entre deux colonnes de catalogues. Et là, ma chère et tendre – qui adore elle-même
Van Gogh – me l'offre. Plus tard, j'ouvre l'album et je lis…
Il y a des artistes – comme des historiens d'ailleurs – qui sentent à ce point leur sujet que leur travail s'en ressent. Tel est le cas de Samuel van der Veen, dont son
Van Gogh, le dernier tableau frôle la perfection.
Certes, l'intéressé a été aidé dans sa tâche par des pointures s'agissant du sieur Vincent, ainsi que ses remerciements le stipulent. Il n'empêche que c'est une totale réussite, tout en pudeur, choisissant par exemple le noir et blanc et des décors très épurés, comme pour ne se concentrer que sur son personnage – devenu un mythe de la peinture et aussi de l'artiste maudit. L'auteur exprime ainsi avec justesse les derniers jours de van Gogh, sans en faire trop.
Tout y est pourtant, depuis les élans enthousiastes d'un renouveau dans son existence jusqu'à l'abattement du peintre exprimé par des visions cauchemardesques, en passant par ses crises d'épilepsie remarquablement rendues en faisant vibrer le dessin.
Quant à Auvers, on devine que l'auteur y a traîné ses guêtres, ce que je peux d'autant affirmer que j'y vais régulièrement. Idem pour la chambre ou mourut Vincent, ce 29 juillet 1890. Chambre que j'ai visitée et dont l'atmosphère, encore aujourd'hui, vous happe, ce qu'a très bien compris
Samuel van der Veen.
Le texte est rare mais cependant choisi avec méticulosité, notamment par le recours à des extraits de lettres de Vincent envoyées à son bien-aimé frère Théo. Un frère qui le rejoindra dans la mort le 25 janvier 1891, puis dans la tombe en 1914, car son épouse fera transférer sa dépouille à Auvers, afin d'unir ces deux âmes complices dans l'éternité. On doit à Johanna van Gogh d'avoir été à l'origine de l'immense renommée de son beau-frère, elle qui, inlassablement, a défendu sa peinture.
Hélas, nous savons la fin de l'histoire. Tombe alors le glas : « Je voudrais partir comme ça », soupire Vincent sur son lit de mort. Nous, nous aurions aimé qu'il reste un peu plus longtemps parmi les vivants, pour poursuivre plus avant une oeuvre dont, pour ma part, je considère qu'elle est sublime, c'est-à-dire « ce qui est absolument grand », selon la définition de
Kant.
Enfin, l'auteur met longuement en scène Vincent en train de peindre ses derniers tableaux – dont l'ultime, inachevé, représentant un enchevêtrement de racines tourmentées : Racines d'arbres – qui vont devenir des monuments de l'art et sont actuellement exposés à Paris.
Vincent van Gogh a reçu ici un hommage qui est tout à l'honneur de Samuel van der Veen…