❝Venise, voilà son secret, est un amplificateur. Si vous êtes heureux, vous le serez dix fois plus, malheureux, cent fois davantage. Tout dépend de votre disposition intérieure et de votre rapport à l'amour.❞
— Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise
La couverture au cartonnage épais d’un rouge lumineux, ses lettres dorées et son médaillon central, est un écrin superbe et l’intérieur, avec ses lourdes pages de papier glacé, un voyage merveilleux vers la Sérénissime. Vous allez dire que l’idée de faire dialoguer textes et toiles n’est pas neuve. Certes. Mais rarement dans des livres aussi beaux et abordables (moins de 30 €) que ceux des éditions Hazan, auxquels il m’est difficile de résister.
Au hasard des pages, on rencontre des écrivains tombés sous le charme de la ville, et des peintres qui y ont vécu et dont les tableaux l’ont immortalisée et magnifiée. Lord Byron ; Goethe et son Voyage en Italie ; Marcel Proust et Albertine disparue ; William Shakespeare et son Marchand ; Philippe Sollers, sa Fête et son Dictionnaire amoureux ; Thomas Mann et la Mort ; Henry James et les Papiers d’Aspern ; George Sand et ses Lettres d’un voyageur ; Goldoni ; Taine ; Ruskin ; Larbaud, etc. en dialogue avec les tableaux des incontournables Turner et Canaletto, mais aussi Tiepolo ; Véronèse ; John Singer Sargent ; Bernardo Bellotto ; Luca Carlevarijs ; Monet ; Renoir ; Bolington, etc. Il est impossible et non souhaitable d’en donner ici la liste exhaustive — à la fin du livre, se trouvent la biographie ainsi que les cartels des oeuvres.
La sélection est toute subjective — la meilleure qui soit donc —, qui va du XVIe siècle à nos jours. Le choix des textes et des oeuvres est un bonheur pur pour évoquer la ville et son atmosphère. Les mariages ne sont pas faits de hasard, ils ont été pensés pour que le texte par surimpression enrichisse l’image, et inversement. Une promenade inspirée, renouvelée (oui, c’est encore possible) dans une ville-légende — appellation que je préfère à ville-musée — telle que promise par Adrien Goetz dans la préface.
Le livre est découpé en cinq parties —Venise sérénissime ; Splendeurs vénitiennes ; Venise romantique ; Venise nocturne ; Venise instantanée – introduites par un texte court, mais essentiel, d’Adrien Goetz, de l'Académie des beaux-arts, docteur en histoire de l'art et Maître de conférence à la Sorbonne, que beaucoup de lecteurs connaissent grâce à la série de ses Intrigues à publiée chez Grasset et au Livre de poche, où l’on prend plaisir à courir après Pénélope et Wandrille de Venise à Giverny, de Versailles à Brégançon, de Bayeux en Égypte.
Chacune des parties raconte une Venise. La focale s’agrandit quand, prises toutes les cinq, elles offrent une vue d’ensemble de la ville dans le temps et l’espace, entre terre et mer, de sa lagune et de ses îles, sans épuiser un sujet par définition inépuisable puisqu’il se nourrit sans cesse d’imaginaire.
Une manière originale et la plus belle des façons de (re)découvrir une ville dont le nom seul fait rêver.
Voici ce que Guy de Maupassant écrit à Venise, le 8 mai 1885 :
❝Venise ! Est-il ville qui ait été plus admirée, plus célébrée, plus chantée par les poètes, plus désirée par les amoureux, plus visitée et plus illustre ?
Venise ! Est-il un nom dans les langues humaines qui ait fait rêver plus que celui-là ?
Il est joli d’ailleurs, sonore et doux ;
il évoque d’un seul coup dans l’esprit un éclatant défilé de souvenirs magnifiques et tout un horizon de songes enchanteurs.
Venise ! Ce seul mot semble faire éclater dans l’âme une exaltation, il excite tout ce qu’il y a de poétique en nous, il provoque toutes nos facultés d’admiration Et quand nous arrivons dans cette ville singulière, nous la contemplons infailliblement avec les yeux prévenus et ravis, nous la regardons avec nos rêves.
Aucun coin de la terre n’a donné lieu, plus que Venise, à cette conspiration de l’enthousiasme.❞
Cette conspiration de l’enthousiasme…
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