L'amour est traditionnellement une source inépuisable d'énergie et d'espoir, mais dans l'Allemagne de l'Est ses élans se colorent d'une tonalité grave et méditative à la veille de l'édification du Mur de Berlin. En particulier pour Rita, jeune femme à peine sortie de l'adolescence qui aspire au bonheur, à la vérité et à la solidarité comme le claironne le parti, aux côtés de Manfred qui lui rêve d'ailleurs.
Pleine de jeunesse et de fraicheur, Rita découvre âprement la dureté de la vie lorsque celle-ci anéantit « d'un trait de plume les plus grandes espérances d'un individu », Manfred. La réalité du monde du travail, la prégnance des relations sociales et le dogmatisme forcené bouleversent douloureusement la conscience de la jeune femme au point de réduire de manière lancinante le cercle de ses certitudes.
Dans ce récit marqué par les blessures intimes, le lecteur est face à un désordre d'impulsions et d'images qui s'agitent dans la mémoire d'une jeune fille se construisant douloureusement. A la sècheresse de la phrase succède la rondeur des mots, l'écriture s'assouplit au fur et à mesure de la « guérison » de Rita, le temps faisant son oeuvre pour guérir les bleus à l'âme. le style n'a rien d'enjôleur, il s'étire dans la douce fatalité, la monotonie.
C'est aussi une succession d'images fugitives qui dresse le portrait d'une société soucieuse, fébrile parfois exaspérée face à l'édification annoncée du rideau de fer. L'auteur parvient à relier tout en finesse l'intime à l'universel, délivrant une compréhension inédite et sensible de ces années charnières de l'Allemagne de l'Est. Dés 1960, date de l'action du roman, l'auteur dessine la division de l'Allemagne comme une ombre abattue sur la RDA, voilant le ciel des espérances individuelles.
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Un roman que je veux à tout prix relire. J'espère que je pourrai changer la note que je lui ai attribué. J'ai lu ce livre quand j'étais en seconde et nous l'avons étudié pendant trois mois. Il va de soi qu'à la fin nous ne pouvions plus le voir en peinture. Pourtant le thème est vraiment intéressant, il traite d'une période historique qui me passionne.
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ROMAN ALLEMAND VERSION FRANCAISE
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Si le livre a eu autant de succès, à l'Est comme à l'Ouest, c'est qu'il pouvait être considéré aussi bien comme une justification du Mur que comme une condamnation de l'utopie socialiste. Ce fut toujours le talent de Christa Wolf de savoir, dans la sincérité de ses engagements, déployer un art de la nuance.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Des révolutions ? Pourquoi pas ? Mais faîtes-nous grâce de vos illusions… D’ailleurs vous devriez bien le savoir : la révolution dévore ses propres enfants.
"Der Himmel wenigstens können sie nicht zerteilen" sagte er spöttisch. "Doch" sagte sie leise. "Der Himmel teilt sich zuallererst."
Depuis une heure les Russes ont un homme dans l'espace ... « Pendant un moment je redevins fils de paysan. Le ciel totalement noir ressemblait à un champ fraîchement retourné et les étoiles étaient les graines semées. »
Cela s'est-il reproduit ensuite ? Et le revivrai-je jamais ? Les deux moitiés de la Terre s'emboîtaient exactement l'une dans l'autre et ils se promenaient à leur confluence, comme si de rien n'était.
Christa Wolf (1929-2011), dans le puits du temps : Une vie, une œuvre (2013 / France Culture). Production : Matthieu Garrigou-Lagrange. Par Christine Lecerf. Réalisation : Charlotte Roux. Diffusion sur France Culture le 9 novembre 2013. Photographie : Christa Wolf im Jahr 1971. (dpa / picture alliance). Née en 1929, en Prusse orientale, aujourd’hui territoire polonais, Christa Wolf est précipitée dès l’origine dans le paysage tourmenté de l’histoire allemande. Comme beaucoup d’enfants, elle s’enthousiasme pour le Führer. Comme beaucoup d’adolescents, elle participe avec fierté à la naissance de la nouvelle Allemagne de l’Est. Et comme bon nombre d’intellectuels antifascistes qui croient à l’idéal socialiste, elle s’engage au parti communiste dès 1949.
Mais Christa Wolf n’est pas tout à fait comme tout le monde. Elle écrit : sur la déchirure de l’Allemagne dans “Le ciel partagé” (1963), sur ses propres dénis dans “Trame d’enfance” (1976). Elle creuse l’oubli, rumine un passé qui ne passe pas. À partir de 1976, à la suite de son soutien au chanteur Wolf Biermann, Christa Wolf n’est plus une femme libre. La Stasi l’espionne. On refuse qu’elle quitte le parti. Plus on cherche à la museler et plus l’écrivaine s’échappe par l’écriture dans les strates du temps. Elle trouve refuge auprès des premiers romantiques allemands qui, comme elle, n’avaient “Aucun lieu. Nulle part” (1979). Dans “Cassandre” (1983) ou “Médée” (1996), elle s’inspire de ces « femmes sauvages » de la mythologie grecque qui avancent comme elle, tête haute, la parole vibrante. On se presse à ses lectures. On rêve l’esprit éveillé.
Peu après la chute du mur, l’icône de la littérature est-allemande est injustement accusée d’avoir travaillé pour la Stasi. Dans “Ce qui reste”, elle écrit : « N’aie pas peur, dans cette langue, que j’ai dans l’oreille, pas encore sur les lèvres, j’en parlerai aussi un jour. » Brisée mais non vaincue, Christa Wolf entreprend alors dans “Ville des anges” (2011) une lente et ultime descente au « fond du puits ».
Le corps perpétuellement en alerte, Christa Wolf luttait depuis des années contre la maladie. Elle est morte à l’âge de 82 ans.
Avec :
Jana Simon, journaliste, petite-fille de Christa Wolf
Nicole Bary, traductrice et éditrice de la revue “LITERALL”
Pierre Bergounioux, écrivain
Günter Grass, écrivain (Archives)
Marie Goudot, auteur de “Cassandre”
Alain et Renate Lance, traducteurs de l’œuvre de Christa Wolf
Erika Tunner, germaniste, spécialiste du romantisme
Irving Wohlfarth, germaniste
Et la voix de Christa Wolf
Textes lus par Blandine Molinier et Aurélia Petit. Avec la voix de Jean-François Néollier.
Extraits de films :
“Le ciel divisé”, de Konrad Wolf, adaptation de Christa et Gerhard Wolf, DEFA, 1964
“Le tambour”, de Volker Schlöndorff, 1979
“Christa Wolf. Ein Tag, ein Jahr, ein Leben”, de Gabriele Denecke et Gabriele Conrad, ARTE, 2004
Source : France Culture
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