Maximum R&B !
J'ai dévoré ce livre et pourtant, je ne suis pas un inconditionnel des Who.
Mais il faut dire que cette autobiographie de 516 pages va au delà de l'histoire des ex-The Detours et se présente aussi, comme une longue confession/introspection de
Pete Townshend.
Son enfance apparaît clairement comme la source de ses problèmes comportementaux. Les dissensions entre ses parents, son séjour chez sa grand-mère sont un régal pour psychiatre (même si au fond, le sujet récurrent de l'abus sexuel est évoqué de manière assez sybilline -que lui a fait exactement sa grand-mère Denny ? Qui était l'"oncle" sourd d'une oreille, avec une moustache à la Hitler ? Pete est-il monté à l'arrière de cette voiture clinquante ? Qui a "Fiddle about" ?...). Seule une séance sous les douches lors d'un stage de scout marin est explicite.
Quoi qu'il en soit, comment s'étonner que cette enfance livre un jeune homme bourré d'énergie et de colère, mal à l'aise avec les femmes, peu sociable et enfermé dans son monde musical et dans ses divers home-studios ?
Au delà de ça, les anecdotes livrées sont toutes intéressantes (il découvre le rock via Bill Haley mais trouve qu'Elvis est un "ringard, un crétin à la voix traînante qui fait des chansons sur des chiens") et on croise au fil des pages, tout le gratin du rock.
Townshend ne fait pas mystère de ses admirations pour les Stones (il pique le truc du moulinet avec le bras, à
Keith Richards et rêvait de coucher avec Jagger "visiblement bien monté"), pour les Beatles (jugés au dessus de tout le monde, convaincus de leur puissance), pour les Kinks (il loue le jeu de Dave Davies et le talent et la beauté de Ray), pour Hendrix, John Sebastian, les Everly Brothers, Steve Cropper, Keith Jarret...
Sans surprise, il évoque le choc créé par les sorties de "Sergent Pepper's" et "Pet Sounds". Plus étonnant, il insiste sur l'importance au sein des Pink Floyd débutants, de
Roger Waters (d'un autre côté, leurs traumatismes font écho) : "présence incroyable", "remarquablement beau"...Townshend est peut être bi, mais il a des goûts curieux !
Clou du compliment original pour son jugement sur
Yoko Ono lors du "The Rolling Stones Rock'n Roll Circus" : "Yoko a été brillante, hurlant avec John...et son rôle d'artiste irritante n'était pas sans lien avec mon travail d'auto destruction avec les Who".
On découvre également un
Jim Marshall encore débutant (Townshend va conseiller ses amplis à
Jimi Hendrix) ou un Mc Laughlin vendeur de guitares (qui conseille lui, à Townshend, un ampli Fender pro Amp).
Une information étonnante : les Who (et même Towshend qui touchait pourtant des droits d'auteur) tirent la langue financièrement, jusqu'à Tommy (surtout le film) où là, tout bascule.
J'ai trouvé que le parcours des Who était bien relaté et j'y ai retrouvé tout ce qui m'attire : l'énergie brute, des chansons parmi les plus importantes du rock, l'assemblage de talents incroyables, l'introspection de Townshend....
J'y ai aussi retrouvé toutes mes réserves vis à vis d'eux.
S'ils sont d'extraordinaires producteurs de tubes, leurs albums conceptuels m'apparaissent souvent fumeux, tout comme le concept d'Autodestruction issu de ses années d'école d'Art brandi en permanence par Townshend.
Leurs gimmicks (les moulinets de micro, les cassages de guitare, de batteries, de chambres d'hôtel...) -et Townshend en est pleinement conscient- sont futiles et vains (mais au fond, comme le Rock lui même, non ?).
Plus gênant à mon sens : l'absence d'amitié ressentie entre les membres du groupe. Si leur cohésion musicale est impressionnante, on reste surpris de leur distance les uns vis à vis des autres.
Enfin, je trouve toujours aussi difficile de s'intéresser aux personnalités rien moins qu'attirantes de Daltrey -cockney bagarreur- ou de Keith Moon passé du stade d'amuseur à fou furieux.
Bref, un livre formidable aussi instructif sur l'époque que sur un des acteurs les plus importants et intéressants du rock.
Indispensable.