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Frédéric Thomas (Autre)
EAN : 9791039900690
Syllepse (01/12/2022)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Un traité régulant les activités des entreprises transnationales en matière de droits humains est en cours de négociation au sein de l'ONU. Alors que se multiplient les mesures nationales imposant un «devoir de vigilance» contraignant aux entreprises, une directive européenne allant dans le même sens est discutée. Autant de signes de la volonté des États, sous la pression des mouvements sociaux, de (re)prendre quelque peu le contrôle. La remise en question du pouvoi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Faire pencher l'équilibre institutionnel en faveur des victimes

Dans son éditorial, publié avec l'aimable autorisation des Editions Syllepse, Frédéric Thomas discute des lois sur le « devoir de vigilance », du contrôle du respect des droits humains et environnementaux par les entreprises, de la fin de l'impunité, de l'asymétrie de pouvoir entre multinationales et organisations sociales.

L'auteur souligne, entre autres, la situation au Qatar (coupe du monde de football), l'imbrication des entreprises privées et des pouvoirs institutionnels, l'absence de définition du « droit » des multinationales, les piliers du devoir de vigilance : « le devoir des États de protéger les droits humains et de prévenir la violation de ces droits par des tiers ; la responsabilité des entreprises de respecter ces droits ; et la nécessité pour les personnes affectées par les activités des entreprises d'accéder à des mécanismes de réparation ».

Il revient sur l'exemple du Rana Plaza [voir par exemple : https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2019/05/04/rana-plaza-des-droits-pour-les-peuples-des-regles-pour-les-multinationales/], l'absence de dispositifs contraignants, la soi-disant auto-régulation des entreprises, la « contribution » des entreprises et les effets de leurs interventions, « Ainsi, force est de constater le caractère généralisé, et même systématique, des violations des droits humains qui y sont commises par les entreprises, le plus souvent en collusion avec les gouvernements sur place, et l'indifférence ou le soutien implicite des États où elles ont leur siège », la division du travail issu du colonialisme, les effets de la globalisation néolibérale.

Par ailleurs, les impacts climatiques sont toujours exclus de l'obligation de vigilance des entreprises. Les dirigeants savent utiliser les écarts de réglementation ou les failles des dispositifs législatifs pour renforcer leur impunité au nom du libre marché et du soi-disant droit des affaires (et son corollaire le secret des affaires). Sans oublier les accords de libre-échange et la monstruosité anti-démocratique que représentent les tribunaux d'arbitrage privé.

Frédéric Thomas souligne notamment l'asymétrie des pouvoirs entre les entreprises et la plupart des pays du sud, « Cette asymétrie juridique se nourrit et prolonge l'inégalité des rapports sociaux », l'absence de droits des salarié·es, « près de neuf pays sur 10 (87%) viole le droit de faire grève », que les violations des droits ne peut être considérés comme des accidents mais comme « les conséquences d'un modèle économique ».

Sommaire
Points de vue du Sud
Éclairages nationaux
Sikho Luthango : Afrique du sud : lacunes de gouvernance et obligations extraterritoriales
Jean-Pierre Okenda : Extraction minière et devoir de vigilance en république démocratique du Congo
Maha Abdallah : Colonisation israélienne, entreprises européennes, droits palestiniens
Observatoire des droits humains et de la paix de l'IPC : le besoin d'un devoir de vigilance dans l'extractivisme en Colombie
Questions transversales
Humberto Cantú Rivera : Entreprises et droits humains : les voies de recours juridique
Asia Floor Wage Alliance : Les violences de genre tissées par l'industrie textile
Anita Gurumurthy, Nandini Chami : Encadrer les multinationales du numérique
Andrés Ángel, Fabiola Vargas, Johanna Sydow, Juan Espinosa, Pavel Aquino : Les défis du devoir de vigilance environnementale en Amérique Latine
Brid Brennan, Gonzalo Berrón : La lutte pour un traité contraignant pour les multinationales

Quelques éléments choisis subjectivement parmi les différentes analyses et les différents textes.

* Sikho Luthhango souligne, entre autres, que « Seul un instrument juridique contraignant autorisant à poursuivre les multinationales dans leur pays d'origine permettra d'améliorer l'accès des victimes à la justice », une obligation extraterritoriale qui existe dans certains pays.

* Jean-Pierre Okenda analyse la gestion prédatrice par l'élite et les multinationales en République démocratique du Congo. « L'article est structuré en trois points clefs : la gouvernance défaillante, avec un accent sur la corruption et les pertes de revenus ; l'extraction minière et les violations des droits humains ; les limites et défis des initiatives en matière de « devoir de vigilance » ».

* J'ai particulièrement apprécié l'article : Colonisation israélienne, entreprises européennes, droits palestiniens, colonisation-israelienne-entreprises-europeennes-droits-palestiniens/, publié avec l'aimable autorisation des Editions Syllepse. « La politique israélienne vis-à-vis du territoire et du peuple palestinien fait régulièrement l'objet de condamnations internationales. Cela n'empêche pourtant pas de nombreux États et entreprises, en particulier en Europe, d'entretenir des relations économiques étroites avec l'État d'Israël et ses colonies de peuplement illégales ».

Maha Abdallah discute, entre autres, de la poursuite de la Nakba, « faite de dépossession, de fragmentation, de persécution et de nettoyage ethnique », d'accaparement de terres, de politique de peuplement et de la construction de colonies israéliennes (illégale en regard du droit international), de l'implication d'entreprises « dans la colonisation, l'occupation et l'apartheid », d'entrave au droit des Palestinien·nes à l'accès à l'eau, des relation entre l'Union Européenne et Israël « en faveur de la colonisation », de non respect des arrêtés de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), de la livraison d'armes…

Il faut l'affirmer haut et fort, il ne s'agit pas seulement de violations des droits humains des Palestinien·nes mais de crimes de guerre et de la complicité de l'Union européenne, d'Etats et d'entreprises privées à ces crimes.

Je rappelle aussi l'importance de la campagne BDS [Boycott, désinvestissement et sanctions] et des résultats concrets obtenus dans certains pays.

* L'Observatoire des droits humains et de la paix de l'IPC aborde les conséquences de l'extractivisme en Colombie, « les terribles effets environnementaux et socio-économiques de l'exploitation des mines alluviales sur les communautés locales en générale, et les familles de pêcheurs en particuliers », le climat de violence généralisée, les « acteurs armés non étatiques »[le développement de milice armées privées doit être reliée aux politiques néolibérales de destruction des institutions collectives et aux politiques d'agression et de contrôle de territoires – par exemple le groupe Wagner], la chaine d'approvisionnement et l'exportation d'or, l'absence de normes internationales contraignantes pour les entreprises, « il importe d'élaborer des réglementations internationales qui obligent les entreprises des pays exportateurs à garantir le respect des droits humains tout au long de la chaine d'approvisionnement ».

* Humberto Cantu Rivera analyse les voies de recours juridique, les obstacles « d'ordre juridique, cognitif et pratique ».

* Asia Floor Wage Alliance aborde les violences de genre dans l'industrie textile, « Cet article détaille les nombreuses formes de violence de genre subie par les travailleuses de la mode, soit parce que ce sont des femmes, soit parce qu'elles sont surreprésentées dans ces secteurs de production ou encore parce que les barrières de genre les découragent de demander de l'aide », les chaines d'approvisionnement, la féminisation de la crise du covid-19 (dont le sexisme dans les vols de salaires pendant la pandémie), le travail informel, le complexe « trauma-industriel de l'industrie textile », l'OIT et la ratification des conventions, la liberté d'association et de négociation collective, la responsabilité conjointe de la chaine des employeurs, la nécessité « d'une architecture mondiale pour la protection sociale et d'un nouveau contrat dont le coeur est la protection contre la perte d'emploi ».

* Anita Gurumurthy et Nandini Chami abordent les multinationales du numérique, « Les pratiques frauduleuse et les violations des droits humains commises par ces méga-entreprises « intelligentes » exigent néanmoins de s'attaquer à l'obsolescence des réglementations et d'oeuvrer à une gouvernance numérique mondiale démocratique qui garantisse une capacité d'action aux pays du Sud »

* Dans les deux derniers textes sont examinés les dommages environnementaux, l'impunité des entreprises, les normes insuffisantes, les réglementations laxistes, la participation citoyenne et communautaire aux études d'impact, l'élaboration d'un traité contraignant pour les multinationales…

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Quelques autres éléments pourraient être discutés.
Le premier concerne les normes comptables internationales et la nécessité d'abandonner en Europe les normes IFRS donnant une image des entreprises peu prudente et peu utile aux différents acteurs (à l'exception des actionnaires). Les notions de risque et de provisions pourraient être revues afin de renforcer la traduction comptable des responsabilités et des réparations éventuelles. Sans oublier l'abrogation du « secret des affaires » et des tribunaux d'arbitrage privé (cadre institué de la violation des choix démocratiques au bénéfice des actionnaires)
L'irresponsabilité (la responsabilité limité aux apports) des actionnaires devrait être modifiée, en particulier pour les actionnaires pesant sur les décisions des entreprises. Rien ne justifie que les actionnaires décisionnaires ne puissent être poursuivis en justice après leur choix ou leur consentement au viol des droits humains.
Enfin, les organisations syndicales en France et dans les pays des sièges sociaux ne peuvent rester silencieuses, sous prétexte de préserver les emplois. Au contraire le combat pour les droits des salarié·es est coextensif à celui du respect des droits humains ici et ailleurs. le droit de contrôle des activités et des responsabilités (ce qui implique que les documents soient publics) par les salarié·es est partie intégrante du combat syndical. Il y a des silences qui relèvent de la complicité…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
La politique israélienne vis-à-vis du territoire et du peuple palestinien fait régulièrement l’objet de condamnations internationales. Cela n’empêche pourtant pas de nombreux États et entreprises, en particulier en Europe, d’entretenir des relations économiques étroites avec l’État d’Israël et ses colonies de peuplement illégales
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Les pratiques frauduleuse et les violations des droits humains commises par ces méga-entreprises « intelligentes » exigent néanmoins de s’attaquer à l’obsolescence des réglementations et d’oeuvrer à une gouvernance numérique mondiale démocratique qui garantisse une capacité d’action aux pays du Sud
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Cet article détaille les nombreuses formes de violence de genre subie par les travailleuses de la mode, soit parce que ce sont des femmes, soit parce qu’elles sont surreprésentées dans ces secteurs de production ou encore parce que les barrières de genre les découragent de demander de l’aide
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Ainsi, force est de constater le caractère généralisé, et même systématique, des violations des droits humains qui y sont commises par les entreprises, le plus souvent en collusion avec les gouvernements sur place, et l’indifférence ou le soutien implicite des États où elles ont leur siège
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le devoir des États de protéger les droits humains et de prévenir la violation de ces droits par des tiers ; la responsabilité des entreprises de respecter ces droits ; et la nécessité pour les personnes affectées par les activités des entreprises d’accéder à des mécanismes de réparation
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Vidéo de Frédéric Thomas
Rencontre autour de la collection Anthropocène/Écocène (Seuil) présentée par Christophe Bonneuil (histoire), avec Geneviève Azam (économie), Aurélien Berlan (philosophie), Jean-Baptiste Fressoz (histoire), Célia Izoard (philosophie) et Laure Teulières (histoire). Si l'écologie a peu avancé dans les institutions depuis octobre2013, elle phosphore et bouillonne dans le champ des idées et des mobilisations. Ce débat permettra de prendre la mesure des perspectives ouvertes et du chemin parcouru. Pour fêter les dix ans de la collection Anthropocène (Le Seuil) et la naissance de la collection Écocène, son directeur, Christophe Bonneuil, réunit plusieurs autrices et auteurs qui ont contribué aux réflexions.
Christophe Bonneuil est directeur de recherche en histoire au CNRS et enseigne à l'EHESS, à Paris. Ses recherches portent sur les rapports des sociétés à l'environnement depuis le 19e siècle. Il anime la collection « Anthropocène » aux éditions du Seuil. Bibliographie : L'évènement Anthropocène. La Terre, l'histoire et nous, coécrit avec Jean-Baptiste Fressoz, Seuil, 2016. Gènes, pouvoirs et profits, coécrit avec Frédéric Thomas, Quae, 2009. Une autre histoire des « Trente Glorieuses », coécrit avec Céline Pessis et Sezin Topçu, La Découverte, 2013.
Geneviève Azam est économiste (UT2J), spécialiste des échanges non marchands, des liens entre écologie et économie. Elle fait partie du conseil scientifique d'Attac France, organisation altermondialiste. Elle est également directrice de publication de la revue Terrestres. Bibliographie : Lettre à la Terre - Et la Terre répond, le Seuil, 2019. Simone Weil ou l'expérience de la nécessité, le passager clandestin, 2016, avec Françoise Valon. Osons rester humain, Les liens qui libèrent, 2015. le temps du monde fini. Vers l'après capitalisme, Les liens qui libèrent, 2010.
Jean-Baptiste Fressoz est Historien des sciences, des techniques et l'environnement (EHESS). Bibliographie : Sans transition. Une nouvelle histoire de l'énergie, Seuil, 2024. Célia Izoard est traductrice et journaliste à Reporterre, où elle publie des critiques de la technologie moderne. Bibliographie : La Ruée minière au 21e siècle. Enquête sur les métaux à l'ère de la transition, le Seuil, 2024.
Aurélien Berlan est philosophe à l'université de Toulouse Jean-Jaurès. Il travaille sur les théories critiques de la modernité et le concept d'émancipation, notamment dans une perspective sociale et écologiste. Bibliographie : Terre et liberté. La quête d'autonomie contre le fantasme de délivrance, La Lenteur, 2021. Avec G. Carbou et L. Teulières, Greenwashing. Manuel pour dépolluer le débat public, le Seuil, 2022.
Laure Teulières est historienne contemporanéiste à l'université de Toulouse Jean-Jaurès. Ses recherches portent sur les imaginaires sociaux et l'histoire du fait migratoire et plus récemment sur l'écologie politique à travers l'Atécopol (Atelier d'écologie politique). Bibliographie : Greenwashing. Manuel pour dépolluer le débat public, ouvrage collectif, Seuil, 2022. Immigrés d'Italie et paysans de France (1920-1944), PUM, 2012. Histoire des immigrations en Midi-Pyrénées, 19e-20e siècles, Loubatières, 2010.
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