L'un des chef d'oeuvres du philosophe chrétien, toujours quelque part entre ciel et terre...
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ce fut un livre qui m'a beaucoup apporté en son temps
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Dialectique du désespoir - J'affirme contre les nihilistes contemporains la valeur essentielle de l'expérience du désespoir. Mais tandis que pour eux le désespoir est une fin, il est pour nous un passage, une épreuve. Le sommet de la sainteté pour un chrétien réside dans le refus du désespoir. Pour refuser le désespoir, il faut d'abord l'éprouver, le pâtir à fond, ( il est donc la valeur essentielle : Deus, Deus quare me dereliquisti ?) mais il faut en même temps le dépasser par un acte d'amour aveugle, inconditionnel (il n'est donc pas valeur suprême : in manus tuas commendo spiritus meum). Alors que les nihilistes prêchent le désespoir pur et simple, nous prêchons avec saint Paul l'espérance contre l'espoir. On ne possède Dieu, dans sa pureté surnaturelle, qu'à travers le désespoir pâti et surmonté. Plus précisément, ce que nous enseignons, ce n'est pas le désespoir, mais l'espérance sans consolations ni complicités naturelles qui, au-delà de toutes les apparences hostiles, s'appuie uniquement sur la miséricorde ineffable de Celui qui «ne donne pas comme le monde donne». C'est au fond l'enseignement de saint Jean de la Croix : pour n'espérer qu'en Dieu seul, il faut avoir désespéré de tout ce qui n'est pas Dieu.
Je n'aime pas que toi. Mais je t'aime en toute chose et j'aime toute chose en toi. Tu n'es pas l'être qui usurpe et voile pour moi le monde, tu es le lieu qui m'unit au monde. L'amour intégral exclut l'amour exclusif : je t'aime trop pour n'aimer que toi.
La terre deviendrait vite inhabitable si chacun cessait de faire par politesse ce qu'il est incapable de faire par amour. Inversement, le monde serait presque parfait si chacun arrivait à faire par amour tout ce qu'il fait par politesse.
Connaissance du bien et du mal - Il semble que l'homme n'ait appris à distinguer spéculativement le bien et le mal que pour mieux les confondre pratiquement. C'est pourquoi, au terme du cycle de la connaissance, le sage, penché sur l'abîme des causes et des effets suprêmes, ne distingue plus le bien du mal, ne juge plus. Il vomit le fruit de l'arbre de la connaissance. Le scepticisme du sage répond à l'innocence du premier homme. On sait dans quel sens j'emploie ici le mot de scepticisme : non pas dans celui d'abolition de la conscience morale et de ses critères, mais dans celui-ci : refus de porter sur les événements et les hommes des jugements définitifs.
Les médisances qui nous nuisent le plus sont celles où le médisant marie savamment le bien au mal et semble ne constater le mal qu'à regret. La divulgation du mal revêt ainsi une apparence d'objectivité douloureuse qui lui confère une force accrue de persuasion, et c'est là le sommet de l'art de médire.
Débat entre Alain de Benoist et Gustave Thibon 2-3