L'horreur de la première guerre mondiale racontée année par année par
Jacques Tardi et complétée brillamment par l'historien
Jean-Pierre Verney.
« La mobilisation n'est pas la guerre. Dans les circonstances présentes, elle apparaît, au contraire, comme le meilleur moyen d'assurer la paix dans l'honneur. »
Ainsi parlait le 2 août 1914, le président de la République, Raymond Poincaré.
Quelques jours plus tard, les « petits soldats français » étaient sur les routes, « sous un soleil de plomb », pour défendre la mère patrie. Dans leurs pantalons rouges, ils partaient la fleur au fusil avec un esprit revanchard ; mais « cette fois ils étaient prêts » et ils « avaient confiance ». « Puisque les si lourds Teutons recommençaient leurs bêtises (comme en 1870), on allait leur faire bouffer leurs casques à pointe en cuir bouilli. »
Les malheureux allaient rapidement déchanter et côtoyer la mort de très près. Ce conflit, qui devait être de courte durée, quelques semaines seulement, juste une formalité (tous les combattants seraient de retour dans leurs familles pour les fêtes de Noël, on en était certain) allait s'éterniser et faire des millions de morts.
Avec un ton acide, mais sans dialogue ni véritable scénario,
Tardi s'emploie à recréer l'effroyable quotidien des soldats de toutes origines, bringuebalés, manipulés, bernés par des officiers qui les mènent à une incroyable boucherie. Il dénonce l'absurdité de ce conflit meurtrier et le summum de la bêtise humaine. Cette bd est conçue comme un journal de marche écrit dans un langage familier voire argotique par un simple fantassin parisien. (Pour une meilleure compréhension de ce langage de troupe cocasse et imagé, on peut trouver un lexique en fin d'ouvrage…)
Tardi énonce des faits historiques et des situations effroyables avec réalisme, et de surcroît il joue avec les couleurs et les contrastes pour mieux nous intégrer dans le conflit. Alors que le récit commence et que tout espoir est permis, les images sont colorées, jaunes comme les blés, vertes comme les champs et les forêts, bleues et rouges pour les uniformes militaires… Au fur et à mesure de la progression de la guerre et des combats sanguinaires, on migre dans des nuances de gris, de noir et de bistre puis brusquement une explosion de rouge, comme le sang qui gicle des corps. Des illustrations impressionnantes qui mettent mal à l'aise mais traduisent parfaitement l'atrocité des conditions de vie et des champs de bataille.
Tardi a fait paraître cette bd en 2008 pour la commémoration du 90ème anniversaire de la Grande Guerre (la « der des der » espérait-on); elle est maintenant considérée comme un classique du genre et devrait être étudiée dans les collèges et lycées en complément des traditionnels manuels d'histoire, car elle illustre de manière efficace les causes et le déroulement de ce conflit meurtrier, cette « Putain de guerre. »
#Challenge illimité des Départements français en lectures (26 - Drôme)