Theodore Sturgeon, l'humaniste, nous propose ici douze de ses plus belles nouvelles grâce à une anthologie dirigée par
Marianne Leconte – qui, par ailleurs, nous donne une magnifique préface d'une trentaine de pages.
Ce qui intéresse
Theodore Sturgeon, c'est l'humain. le reste n'est qu'un prétexte pour mettre en avant ces créatures terrestres. Grâce à son don d'écriture, il arrive à rendre ces êtres, pour la plupart misérables ou simple d'esprit, attachant.
→ « L'île des cauchemars » (Nightmare island – 1941 parut dans Unknown Fantasy Fiction) (également présent dans l'ouvrage « Romans et nouvelles ».
Très belle nouvelle que ce texte. le premier cas de ce recueil est un marginal, ivrogne et complètement paresseux. C'est un marin qui se plaint de ne pas trouver de travail. Un jour, lors d'une de ses cuvées journalières, il rencontre un patron véreux. Il se retrouve coincé sur un rafiot peu ragoûtant, mais grâce à son envie d'exil, il parvînt à s'échouer sur une île. Sur ce lopin de terre, des créatures intelligentes voient en lui un sauveur, car il souhaite qu'il se débarrasse de la terreur locale.
J'ai énormément aimé cette histoire, qui même habillement Fantastique, aventure, humour.
→ « Les ossements » (The Bones – 1943 parut dans Unknown Worlds).
James H. Beard était un écrivain amateur qui a tenté sa chance en envoyant ses récits à des magazines de l'époque. C'est le directeur de Unknown Worlds qui demanda à
Theodore Sturgeon d'arranger cette histoire pour la rendre publiable.
« Ossements » est un beau texte mélangeant habillement le Fantastique et la
Science-Fiction. C'est un scientifique qui invente une radio qui permet de diffuser des images mentales à partir d'os.
→ « Largo » (Largo – juillet 1947 parut dans Fantastic Adventures).
Voilà le deuxième cas de ce recueil. Un homme timide et renfermé est doué pour la musique. Il aimerait tant séduire cette jolie femme qu'il a rencontrée. Malheureusement son handicap l'empêche de lui parler. de plus, cette demoiselle à déjà le coeur prit par un homme peu scrupuleux.
Merveille des merveilles, j'ai adoré cette histoire si douloureuse. Magnifique.
C'est aussi l'occasion pour l'auteur de nous parler de sa passion pour la musique.
→ « Cicatrices » (« Scars – 1949)
Courte nouvelle qui met en scène deux cow-boys. L'écriture est efficace est surtout appuyée grâce à un humour noir.
→ « Un don particulier » (Last laugh (rebaptisé Special Aptitude) – 1951)
Cette fois-ci, il s'agit d'une femme qui a un don particulier. Elle est entourée d'hommes cupides qui ne pensent qu'à tirer profils d'êtres jugés inférieurs – en l'occurrence d'extraterrestres, car il s'agit d'un récit typique
Science-Fiction. Bien que l'histoire se déroule sur une autre planète, le récit est très facile d'accès et est capable d'être lu par tout le monde. On notera que l'auteur argumente. le texte peut être perçu comme moralisateur. Un bon titre.
→ « M. Costello, héros » (Mr. Costello, hero – décembre 1953 parut dans Galaxy) (également édité par « Galaxy n°5 », « Us et coutumes d'après-demain, marginal n°8 »)
Encore un récit de
Science-Fiction qui sent bon les anciens textes.
Theodore Sturgeon met en avant les différences de vies et de moeurs. Ceux qui n'appartient pas à la normalité sont des exclus. Un bon, récit, pas extraordinaire, mais j'ai bien aimé dans son ensemble. C'est d'ailleurs cette nouvelle qui a inspiré la couverture, une illustration signée
Wojtek Siudmak.
→ « La musique » (The music – 1953 parut par E Pluribus Unicorn)
Très très courte nouvelle qui ne fait que deux pages sur le thème de la schizophrénie. Il s'agit d'un des deux textes que je n'ai pas aimé.
→ « Parcelle brillante » (Bright Segment – 1955 parut dans Caviar) (également connu sous le nom de « Je répare tout ») (Édité sous : « Territoires de l'inquiétude », « La grande anthologie du Fantastique – 3 », « Romans et nouvelles », «
Un peu de ton sang, suivi de Je répare tout ».
Il s'agit l'un des textes les plus forts de l'auteur. Il met en scène un homme mal dans sa peau qui n'a qu'une seule obsession, celle d'être utile. Il a pour don de tout réparer (tout arranger, dans cette version).
J'ai savouré de nouveau cette tragique histoire.
Theodore Sturgeon soigne son écriture et choisit des mots forts. Les amateurs d'hémoglobine aimeront quelque peu ces phrases sur l'anatomie humaine. Cela dit, j'ai préféré la nouvelle traduction (celle parue sous : « Je répare tout »).
→ « L'Autre Célia » (The other Celia – mars 1957, parut dans Galaxy)
Alors là, c'est un mes coups de coeur. Un simple d'esprit est très curieux. Il aime observer. Il décide un jour de rentrer dans la vie de sa voisine du dessous. S'ensuit alors une rencontre, non pas au sens physique, mais intime. Peu à peu il va s'immiscer dans sa vie pour découvrir son secret.
→ « Un crime pour Llewellyn » (A crime for Llewellyn – 1958).
Une nouvelle qui est intéressante sur le fond, mais que j'ai trouvé ennuyeuse. Il faut savoir que
Theodore Sturgeon était lui-même un homme torturé et qu'il a été marié/divorcé par 5 fois. Une blessure sentimentale qui est certainement due à son enfance. Il s'agit donc d'un récit thérapeutique.
L'histoire nous narre un homme malheureux en mariage. Il envie la vie de célibataire de ses collègues, qui, racontent leurs conquêtes amoureuses.
→ « La fille qui savait » (The girl who know what they meant – 1971).
Très beau texte plein de noirceur, quelque peu pessimiste qui ne m'a pas laissé insensible.
Un homme tombe sous le charme d'une jolie demoiselle. Celle-ci a pour don de déceler les pensées de gens.
→ « Sculpture lente » (Slow sculpture – 1970 parut dans Galaxy) (Édité dans le magazine « Galaxie 2ème série n°82 », « Nouvelles des siècles futurs » et « Romans et nouvelles »)
Certainement pour couronner sa carrière talentueuse, cette nouvelle fut récompensé par les prestigieux prix Nebula et Hugo. Pourtant, j'ai trouvé cette histoire sympathique, mais sans plus. Il s'agit donc, comme bien souvent, d'une rencontre entre un homme et une femme. Une relation particulière s'installe entre le professeur et sa patiente atteinte d'un cancer.
*
Merci à
Marianne Leconte pour cette magnifique anthologie, ainsi qu'aux différents traducteurs. J'aime la plume sensible de
Theodore Sturgeon, cet humaniste qui place la différence comme acteur majeur de ses récits.
Cette première traversé dans cette collection, me donne l'envie d'en lire d'autres notamment celles de
Philip Kindred Dick – que je trouve bien meilleur sur les récits courts, que ses classiques romans –,
Richard Matheson,
Alfred Bester et bien sûr
Clifford Donald Simak.
À noter que le présent ouvrage est parachevé par la bibliographie intégrale de
Theodore Sturgeon ou pas moins de 197 textes y sont mentionnés.
Désolé d'avoir écrit un billet aussi long, en espérant trois choses : en premier lieu d'avoir rendu – dans ma plus simple modestie – au talent de
Theodore Sturgeon, de vous avoir donné l'envie de (re)découvrir cet excellent auteur et que vous ayez pris le temps de me lire en entier.