King Bongo n'a aucun lien avec la musique de la Mano Negra, pas plus qu'avec celle de Roy Eldridge. King, le héros de ce polar est un des meilleurs bongoceros de l'île. Enfant d'un Américain et d'une Cubaine, il est aussi blanc que sa soeur, la Panthère, sculpturale danseuse vedette du légendaire Tropicana, est noire.
Nous sommes en 1957, deux années avant la Révolution. Les barbudos se cachent dans la Sierra et l'on raconte que Castro aurait abandonné la lutte pour batifoler à Acapulco avec une Mexicaine.
King Bongo, ancien privé, vend des assurances. Le soir, il vient assister au spectacle de sa soeur, qui vit sous la coupe de Zapata, un chef de police corrompu. Mais une bombe explose au Tropicana, et sa soeur la Panthère disparait.
La quête de Bongo débute, et le lecteur se trouve plongé dans de multiples intrigues. Thomas Sanchez lui lâche tellement la bride qu'il suit avec intérêt mais sans comprendre le lien qui les unit. Ce n'est qu'à la fin du roman que l'auteur relie les pièces, et que l'on saisit le pourquoi de cette déconstruction de l'intrigue.
Malgré ce parti pris narratif qui m'a un peu déstabilisée, King Bongo nous offre une très bonne radioscopie de l'île: la capitale, flamboyante, les cités balnéaires, féériques, les cabarets et boites de légende, la Floridita, le Tropicana, les stars de cinéma, avec un portrait au vitriol d'un Errol Flynn surnommé le Mauvais Acteur, vieillissant et écoeurant, et en périphérie, les femmes exploitées de toutes les manières possibles, les enfants au ventre gonflé par la malnutrition, les familles vivant dans les taudis et se nourrissant de puces bouillies.
Le choix de la période est crucial. La Havane est encore une des places les plus glamour du monde, digne soeur caribéenne de Montecarlo. Mais les attentats se multiplient, et les Américains ne comprennent pas, tout à leurs excès, que le récréation est bientôt terminée.
Les agents infiltrés qui rêvent de renverser Batista pour mieux servir les Etats-Unis, n'ont qu'un mépris pour Cuba et ses habitants, en plus d'être des pointures en géopolitique: « De toute façon, l'île ne tarderait pas à devenir le quarante-neuvième Etat américain, et ils renverraient tous les Cubains au Mexique, d'où ils venaient ».
Sur cette poudrière, paradis des riches et enfer des pauvres, King Bongo, héritier de deux cultures, symbolise les paradoxes de l'île, et la possibilité d'incarner un juste équilibre, que le lecteur sait impossible. C'est là le meilleur atout de ce polar tropical.
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Derrière le comptoir, des barmen en veston rouge préparaient des mixtures dans de grands verres.
- Connards de mixeurs humains de merde, lâcha Lézard. Quand ils préparent ces saloperies de daiquiris bourrés de sucre, on a l'impression qu'ils vérifient des tubes à essais pour un traitement contre la polio.
Tu es tellement malin! Tu pourrais voler ses tétons à une nonne pendant la prière!