Poussés par un sens inné de la direction, les bisons empruntaient toujours l'itinéraire le plus court et le plus direct, à l'écart des collines d'escalade difficile, des zones marécageuses et des lacs Derrière eux s'allongeait une "trace", première piste naturelle que l'Indien d'abord et le Blanc ensuite suivirent en toute sécurité comme celle des points d'eau et des passages aisés. Parvenue dans la région des pâturages, la formidable masse animale s'y étalait, disloquée en groupes d'importance variable, broutant lentement mais sans excès une herbe nourrissante génératrice d'une graisse qui s'accumulait dans la bosse dorsale de la bête comme en une réserve. Tout occupé à paître, le bison semblait privé de sens, aveuglé par sa crinière frontale tombant sur ses yeux mais, par contre, doté d'un sens olfactif très subtil par lequel il éventait aisément le chasseur maladroit. Chaleur et moustiques conjuguaient leurs tourments contre lesquels il se défendait par l'usage des bains de boue. Fouissant un sol humide à l'aide de ses sabots et de ses cornes, l'animal creusait un vaste entonnoir où l'eau s'accumulait et dans lequel il se vautrait à plaisir pour en ressortir caparaçonné de boue protectrice. Ainsi, en certaines contrées, la plaine offrait-elle le spectacle d'un paysage perforé d'un nombre infini de souilles (swalows) de diamètre variable et tapissées d'une boue craquelée.
Les chasseurs blancs recherchaient particulièrement ces signes de la présence du bison alors que les Indiens préféraient l'attaquer dans le champ libre de la plaine ouverte à la galopade de leurs chevaux.
Dans son Histoire de la conquête du Mexique (publiée en 1691), Antonio de Solis présente sous un aspect composite l'étrange et lourd quadrupède nommé Cibolo par les Espagnols puis Buffalo par les Anglais-Saxons: "C'est un mélange de plusieurs animaux: il a la bosse du chameau, la crinière, la queue et les flancs du lion, les cornes et les sabots du boeuf." Par la suite, tous les voyageurs des Grandes Plaines, son habitat d'élection et son dernier refuge au terme d'une lente régression depuis les contrées orientales, exprimèrent leur étonnement devant la puissante et massive silhouette du bison, survivant attardé du bestiaire préhistorique.
Sans doute, tout chamane ou tout medicine-man indien pactisait-il professionnellement avec les puissances du Grand Mystère, c'est-à-dire Wakanda. Il attendait de lui la confirmation de ses pouvoirs particuliers mais sans engager autre chose que son art dans le cadre de sa propre tribu et de sa spécialité. Le véritable prophète, quant à lui, surgissait d'un homme quelconque particulièrement inspiré par une vision dont la nature exceptionnelle concernait la communauté indienne en sa totalité.
L'indien des Plaines vivait du bison, se vêtait et se chaussait de sa peau, s'abritait par elle, organisant ainsi son existence autour de l'animal providentiel trônant en sa mythologie comme un dieu de la nourriture, de la fécondité, de la puissance et du courage impétueux.
Du Canada anglais au Grand Lac Salé situé sur la lisière septentrionale des possessions espagnoles (fixée au 42e parallèle nord depuis 1819, année de la vente par l'Espagne de la Floride aux Etats-Unis), du front oriental des Rocheuses au Pacifique, s'étendait le pays des fourrures.
Au-delà le Mississippi et les Plaines centrales, l'estuaire de la Columbia, sur la côte du Pacifique, pouvait constituer le point d'accès direct au marché chinois de Canton où les pelleteries se payaient à prix d'or.