Sorti en 78, mais les planches parues dans Charlie hebdo remontent pour certaines à 75, comme celles des deux auto stoppeurs voyageurs montant clandestinement dans la caravane d'un beauf, et faisant une véritable orgie, avant de descendre, rigolards à un stop, et de demander au conducteur, si celui ci peut les embarquer...
Vous devinez la réponse de celui ci, qui va faire se plier de rire, notre couple de joyeux hippies.
C'est le regretté
Cabu qui a inventé le concept du "beauf", mais ces dessinateurs partagent le même talent, sont sortis du même moule.
Je les avais découvert tout gosse dans le journal "Pilote", un journal qui a grandi avec cette génération d'avant 68.
"Pilote", le journal d'Astérix et d'Obélix, a été le creuset de tous ces talents qui vont avoir un ton de plus en plus provocateur, inoclaste et libre. Et tenter ensuite l'aventure ailleurs, dans "l'écho des savanes", "métal hurlant", ou faire des piges pour les magazines d'infos, telle Bretecher dans le nouvel obs, avec ces "frustrés", dont descendront en ligne directe les "Bobos", que Perec déjà écoquait finalement dans ce beau livre sociologique "Les choses".
Reiser et
Cabu, donc, mais aussi Bretecher, Solé,
Gotlib,
Mandryka, Wolenski, Fred, et tant d'autres...
J'ai retrouvé cet album que j'avais acheté à sa sortie, dans une ressourcerie à l'état neuf dernièrement. Quel régal! On replonge dans ces années avec délectation. Beaucoup de nouveaux lecteurs seront surpris que
Reiser aborde des sujets de société qui leur semblaient sans doute bien plus contemporains.
La pollution, la banalisation du tourisme débouchant sur une catastrophe à venir, dans ces planches visionnaires, où
Reiser passe du présent, au futur, entrevoyant la marchandilasation du monde, dans ces vols de charters banalisés, où les riches ne savent plus comment s'affirmer pour montrer leur pouvoir et leur différence, nous fait rire jaune. Mais oui, c"était déjà nos préocupations d'alors, dans ce monde qui semblait aller déjà vers la catastrophe..
Cela date d'un demi siècle!...Ce livre derrière certaines outrances qui ne passeraient plus maintenant, tel l'humour douteux , mysogine, et homophobe est un saisissant rappel sociologique de l'état de lieux d'alors.
Reiser passait pour "libéré". Ce label qui a amené bien des dérives, Il faut bien avouer qu'il apparait parfois le "beauf" de
Cabu. le regard qu'on a sur les choses est toujours circonstanciel. Nous sommes pénétrés tous de l'esprit d'un temps.
Même si l'essentiel de l'album reste étonnament moderne, et assure le cahier des charges. Car
Reiser n'aimait pas la complaisance, n'hésitait pas à provoquer. Il est l'exemple type de la liberté assumée alors par beaucoup d'humoristes, avec ce slogan qui fera objet par la suite de bien des débats. "On peut rire de tout!"
Desproges spécifiera, "Mais pas avec n'importe qui!"....
Le domaine d'expression s'est encore raccourci. Les nouveaux dessinateurs semblent maintenant terrifiés à l'idée de l'incendie et des colères qu'ils peuvent provoquer à n'importe quel endroit de ce monde, où les gens sont sous serveillance perpétuelle. On ne peut pas leur reprocher de tenir à leur boulot et même à leur vie.....Une dessinatrice comme la talentueuse "Coco" parvient pourtant à s'arracher à la prudence de tous ces dessinateurs dessinant comme des notaires.
Reiser n'a pas connu l'avénement de l'internet, des réseaux, et de cette téléphonie ressemblant à un miroir aux allouettes. Sur la couverture, l'image de cet homme rigolard, écoutant la radio, les deux pieds dans la boue, reste étonnante d'actualité. C'est
Reiser, au paradis des humoristes, qui écoute les dernières informations de la planète terre.