C'est avec
Reiser que j'ai appris à apprécier la satire française et l'humour de
Charlie Hebdo. J'étais jeune, cela n'allait pas tout seul. Mais jeune ou pas, il faut souvent faire un effort pour rentrer dans l'humour d'une nouvelle culture. J'ai dû lire, relire, re-relire, être dégoutée, reprendre ce livre (et d'autres de
Reiser), feuilleter jusqu'à ce que mon cerveau ait absorbé, fait les connections, a vu clair. Et alors la fête pouvait commencer.
Le
Gros Dégueulasse a été le dernier livre que j'ai eu du mal à apprécier. Comme les bourgeois, je le trouvais vraiment trop dégueulasse ! Mais là aussi, j'ai repris le livre en mains maintes fois. Jusqu'au jour où le
Gros Dégueulasse est devenu mon meilleur ami, celui qui me comprenait et que je comprenais, et qui m'a montré comment on pouvait rire des gens bien. Mais... il y a la dernière page, éloquente et bien triste.
Pourquoi les bourgeois ne peuvent-ils jamais rigoler avec ses blagues et ses farces ? Pourquoi ne font-ils jamais rien pour que sa vie soit améliorée ? Au lieu de venir en aide ou de montrer de la compréhension, ils veulent qu'on les laisse tranquilles dans leur train-train de vie de tous les jours, très banale, ils veulent fermer les yeux pour tout ce qui ne va pas bien. Comme c'est hypocrite ! Comme les blaugues et les farces du
Gros Dégueulasse sont bien méritées ! Comme je suis contente qu'il a fait ça !
En plus, ce n'est pas qu'il ne peut rien faire. Il est expert en imagination, humour, farces et blagues. Il sait faire rire les enfants, il s'entend avec eux, il est bon au baby-sitting. Et quand il fait des dialogues intelligents avec les bourgeois(es), ils restent sans réponse à ses raisonnements, hors du commun mais logiques.
Il a des capacités, il est intelligent, pourtant il n'a pas sa place dans cette société.
Quant aux dessins, j'aime bien le style, ces quelques traits laissent beaucoup de place à l'imagination tout en montrant bien la situation, et ont la capacité de vous montrer tout un monde, des caractères de personnages, de décors, en quelques traits seulement.
Quand j'ai bien pu comprendre
Reiser, j'ai fait un travail sur lui et ses livres pour mon cours de bande dessinée (études de bibliothécaire).
J'ai eu une note très élevée, bien sûr. Un grand merci posthume,
Reiser.
Reiser est mort. Ses livres, ses personnages, sont vivants, ils ont leur place dans beaucoup de bibliothèques, comme dans la mienne, et ils sont dans ma tête.