L'éditeur ose une comparaison entre ce polar et ceux de Philip Kerr. Effectivement Kerr a situé certains ouvrages de sa série policière mettant en scène Bernie Gunther dans l'immédiat après guerre, dans cette période où l'Allemagne n'est que ruines, marché noir et chasse aux anciens nazis. Effectivement les deux héros, Bernie d'un côté et Frank Stave de l'autre ont été opposants au nazisme (un plus discret que l'autre malgré tout). Mais, globalement, la comparaison s'arrête là.
Rademacher propose une vraie enquête criminelle à Hambourg durant l'hiver 1947. Des quartiers entiers ne sont que des champs de ruines, où rôdent des pilleurs tentant de glaner quelques objets à revendre. C'est au milieu de ces décombres qu'un premier cadavre, celui d'une femme nue, étranglée, est découvert. Que faisait-elle là ? Qui est-elle ? Pourquoi ne figure t-elle pas dans la liste des disparus ?
Il est vrai que la période est confuse : des familles entières ont péri sous les bombes, les déportés des camps nazis essaient de trouver des navires vers la Palestine, les prisonniers allemands reviennent des camps soviétiques… le tout dans un froid glacial qui interrompt les quelques mouvements de trains. L'électricité est souvent coupée. le charbon manque. le rationnement ne permet pas de survivre.
L'inspecteur en chef Frank Stave, promu par les nouvell
es autorités, car il avait été mis à l'écart sous le nazisme, est chargé de cette enquête. On lui adjoint un flic issu des moeurs, Lothar Maschke, et McDonald, un lieutenant des forces d'occupation anglaises, pour lui faciliter les relations avec les militaires britanniques qui patrouillent en ville.
Stave, qui a perdu sa femme dans un bombardement, et dont le fils engagé dans la Wehrmacht à la fin de la guerre a disparu, s'engage à fond dans la recherche du ou des tueurs. Sans résultats. Un deuxième cadavre apparaît dans les mêmes conditions que le premier, sans doute tué au même moment : un vieil homme. Deux cadavres que personne ne réclame.
Le début du livre – environ les cent premières pages – est assez désespérant. le lecteur est confronté à la misère de l'après guerre, au vague sentiment de culpabilité d'une partie de la population allemande, au froid qui saisit tout, et à l'absence de tout indice utile aux investigations. Un surplace qui s'éternise.
La suite s'améliore. le contexte étant (largement) posé, Stave va suivre les fausses pistes qui se présentent à lui. Un travail de vérification, qui n'aboutit pas, mais qui permet d'écarter certaines hypothèses. Malgré les affiches des portraits des victimes placardées partout, nul ne réclame les corps.
La pression va monter avec une troisième victime. La presse s'en mêle. le nouveau bourgmestre veut des résultats. Pourtant que sont ces trois morts dans une ville où chaque jour des malheureux meurent de dénutrition ou du froid ? Et que dire de ces trois victimes face aux millions de morts li
és au nazisme ?
Le rythme de l'intrigue s'accélère et, petit à petit, un lien avec la seconde guerre mondiale se fait jour. Rademacher a su utiliser un vrai fait divers qui s'est produit à Hambourg à cette époque (et dont l
es auteurs n'ont jamais été identifiés) pour le relier habilement avec un épisode terrible de l'Histoire.
Ce final est réussi, même si l'auteur des faits se devine assez tôt dans le roman.
Ce premier tome d'une série criminelle, bien documenté et ancré à Hambourg, est de qualité et incite à en poursuivre la lecture.