Au regard des siècles, Antigone, tu auras la meilleur part.
Toute refondation réclame un nouveau récit. Avec ses héros et ses criminels. Ta désobéissance vient ébranler ce patient édifice.
-Epargne-la père! Lorsque tu as rendu ton décret, tu ignorais...
-Tu voudrais que le roi se déjuge?
-Qu'il fasse preuve de clémence. Ton orgueil de roi ne vaut pas la vie d'Antigone. Les thébains comprendront. Ils sont tous père, frère, oncle...
-Mais aucun d'eux n'est roi. Ce que tu appelles orgueil, c'est la grandeur du devoir.
Antigone se souvient de cette journée de jeux avec sa soeur Ismène. Leur monde d'enfants comme une forteresse, loin du fracas des armes. Mais les meilleures forteresses tombent... quand des frères s'entretuent.
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Le monde n'a pas de vérité préalable.
La Cité n'a d'autre équilibre que l'action des hommes qui y vivent, avec leurs usages, leurs contradictions, leurs malheurs, leurs bonheurs aussi, et leurs réussites bienfaisantes autant que leurs échecs répétés. L'Histoire, pour les tragiques, n'a pas de sens, pas de direction déterminée, ni voulue par les dieux, ni assurée par qui que ce soit.
Telle est la leçon que le théâtre de Sophocle ne cesse de redire au fil de ses pièces appréciées aux dionysies.
(Jean-François Gautier, dans le dossier en fin d'ouvrage)
Dans les polythéismes antiques, les dieux sont nombreux. Cela traduit le constat très simple que les hommes sont divers, et qu'ils orientent leurs conduites de multiples façons.
(Jean-François Gautier, dans le dossier en fin d'ouvrage)
Eschyle avait pour talent particulier de savoir montrer les tensions propres à une situation. (...)
Le cérémonial des dionysies est en effet une occasion de faire discerner par les auditeurs que tout épisode de l'histoire de la Cité mêle des conditions favorables, des circonstances défavorables, et des personnages capables, ou non, de renverser le cours des événements en faveur de leurs concitoyens.
(Jean-François Gautier, dans le dossier en fin d'ouvrage)
A l'inverse du Dieu moderne, la divinité antique ne révèle aucune vérité. Ce sont les habitants des cités qui vont à la rencontre de leurs dieux, logés par eux dans des temples dédiés ; ils y viennent pour méditer, réfléchir ou rêvasser en invoquant un nom divin, un divin hérité des anciens de la Cité, et qui guide leur imagination.
(Jean-François Gautier, dans le dossier en fin d'ouvrage)