Troublant, de replonger dans cette histoire de meurtre familial.
Stupéfiant, d'apprendre encore des éléments, malgré le nombre important de reportages à thème suŕ ce drame.
Glaçant, d'être plongés à ce point dans la réalité de cette histoire non résolue, les auteurs de ce docu BD illustrant a la perfection les scènes de l'affaire.
Cette affaire, celle des meurtres de la famille Dupont de Ligonnès en plein centre ville, dans une demeure cossue
De Nantes en avril 2011.
Au cas où vous auriez manqué les actualités de ces dix dernieres années, je vous propose un rattrapage rapide : les faits décrivent une famille, un couple et leurs quatre enfants, qui, du jour au lendemain, disparaissent. Des messages dignes d'une histoire d'enfants sont partagés, signés du père de famille, Xavier, pour justifier que tous partent s'isoler aux États-Unis dans le cadre d'un programme de protection des témoins. Seulement voilà, quelques jours plus tard, les corps de sa femme et de leurs enfants seront retrouvés enterrés sous la terrasse, à l'aide de matériaux achetés par
Xavier Dupont de Ligonnès quelques jours plus tôt. Manque cet homme, encore aujourd'hui absent des radars.
"Parmi les choses étonnantes que les enquêteurs ont découvertes lorsqu'ils ont fouillé le 55 bld Schuman, il y avait ce roman d'
Harlan Coben posé sur une étagère, et au titre prémonitoire
Disparu à jamais. Dans ce livre, un homme accusé de meurtre raconte comment il a changé d'identité et comment il a pu communiquer secrètement par internet. La police le traquera durant 11 ans. Autre fait troublant, sur les dernières images de vidéo-surveillance où on l'aperçoit, le suspect tient entre ses mains, Glacé de
Bernard Minier, roman dans lequel le personnage principal évoque la possibilité d'avoir recours à la chirurgie esthétique pour ne jamais être retrouvé."
Alors il faut bien essayer de comprendre. Comprendre le déroulé du jour fatidique, comprendre le passé de cet homme, comprendre cette famille. Entrer dans la tête d'un homme au caractère bien trempé.
"Complexes
oui, je dois avoir un complexe de supériorité, si on veut appeler ça comme ça, mais il est basé sur une simple constatation : je fais partie des gens intelligents, volontaires, équilibrés, en bonne santé morale et physique, et qui réalisent des choses (construire une famille, monter une boite, faire face aux difficultés de la vie. etc). Et ces gens-là sont peu nombreux par rapport à la masse. C'est tout, je n'y peux rien."
Alors il faut tout reprendre, étaler les milliers de pièces à conviction, les témoignages, les messages effacés, les amis troubles. Il faut revivre les scènes pour voir le détail qui nous aurait échappé. Et pour cela, rien de tel qu'une représentation graphique des échanges entre policiers, entre journalistes et sources, pour dessiner les aspérités de l'affaire et les émotions des personnages au coeur même du réacteur.
Et je m'arrête sur cette qualité graphique pour souligner à quel point le rythme de cette enquête a connu de freins, d'emballements soudains, de cris et de silences. Chaque trait est d'une perfection impressionnante, tout est à sa place, et la fidélité a la description des lieux et des personnages est bluffante.
L'enquête journalistique menée par
Valerie Morice, visant à poser le squelette de ce magnifique ouvrage, respecte l'ensemble des pistes exploitées. Aucun parti pris ne vient polluer l'ouvrage, et le lecteur devra poser sa propre opinion sur l'affaire, avec les mêmes éléments en main que les enqueteurs et les journalistes.
Enfin, il faut relever la grande qualité de l'ouvrage en lui-même, cet objet litérraire magnifique, dans lequel rien n'est laissé au hasard, alternant les splendides planches de dessins de Valette, les éléments documentaires de
Valérie Morice et le scénario et la direction éditoriale d'
Olivier Petit.
Un immense merci aux editions
Petit-à-petit, qui m'ont fait confiance pour la découverte de ce docu-BD !