Lecture assez sympathique ces petites vignettes qui racontent les tribulations de
Nasr Eddin Hodja. Un personnage venu d'Anatolie, assez.. haut en couleurs disons !
Pour faire justice à ce drôle de bonhomme, une meilleure présentation s'impose à ceux qui n'en seraient pas familiers.
Nasr Eddin Hodja (ou le Hodja) est un personnage qui n'a rien de politiquement correct, n'a aucun sens de la morale et tourne sans arrêt tout en dérision : le commerce, les relations de couple, l'amitié, la religion, la politique, etc
Parfois c'est lui qui est ridicule, et parfois il joue de son rôle "d'idiot" tout désigné pour prendre ses interlocuteurs à leur propre piège.
Difficile de le mettre dans une case car selon les histoires il se montre tour à tour rusé, ambiguë, grossier, lubrique, stupide ou sage soufi. Oui oui oui, cette dernière affirmation peut sembler sortir de nulle part et pourtant… le Hodja questionne parfois les frontières du rationnel et de notre perception de façon assez mystique. Certains disent qu'il est "l'ombre comique de Rûmî", célèbre fondateur de l'ordre des derviches tourneurs. Mais bon, on le dit , on ne le dit pas : tout cela se passe en Turquie, pays par excellence où les frontières - et pas seulement terrestres - sont souvent abolies dans les traditions orales. Il était une fois, il n'était pas une fois …
Un personnage intéressant par sa complexité car il est plus qu'un simple Toto. Presque entre le fou shakespearien et l'ange déchu - le fait qu'on le dise fils d'un imam, et que sa femme se prénomme Khadidja n'est sans doute pas un hasard - : mais à la sauce turque s'il vous plaît !
Le reproche que je ferai à ce recueil se porterait plutôt sur la forme. Les histoires sont enfilées les unes derrières les autres sans véritable raison, alors qu'il aurait été aisé de les regrouper sous certaines thématiques pour donner un aspect moins "décousu" à la lecture. Par exemple, en les regroupant en fonction de certains personnages récurrents dans ses aventures (son âne famélique, sa femme et Timour Leng, prince et tyran Tartare).
Mais je crois que c'est l'exception française (universitaire cette fois) qui aime toujours à couper les cheveux en 4 pour se donner des airs de grands intellectuêêêêêêêls. Ce qui a souvent pour résultat de rendre les présentations et explications indigestes et barbantes à souhait. Pourquoi faire simple pour rendre les choses plus accessibles et donner ainsi envie au plus grand nombre d'en découvrir davantage ? Non, Messieurs, dames, ici c'est la France alors il faut se donner des airs sérieux.
Bref.
Pour ceux qui ne connaissent pas ou peu la culture turque, ces petites histoire permettent d'en donner un aperçu. En voyant notamment le nombre de blagues en-dessous la ceinture que font les Turcs, pas forcément crues, mais … dans tous les sens !
Et là où on peut se réjouir, c'est que ce type de personnage populaire qui tourne tous les aspects de la société en dérision, lorsqu'il est populaire, est la preuve de "bonne santé critique" et humoristique de la société.
Je suis
Nasr Eddin Hodja !