C'est le premier roman que je découvre de l'auteur-compositeur-interprète de Dyonisos ,
Mathias Malzieu. Comme beaucoup, sans avoir lu le roman , je connaissais déjà
La mécanique du coeur avec l'album. C'est un titre qui a vraiment imposé ce style frénétique du chanteur, cette écriture poétiquotidienne dans lequel un imaginaire débridée vient métamorphoser divers petits éléments de la réalité, que ce soit un lieu, un objet...
Malzieu s'est fait remarquer par beaucoup de lectrices et lecteurs grâce à
La Mécanique du coeur.
Je profite donc de la parution de ce dernier roman pour découvrir la littérature de
Malzieu dont on a dit tellement de bien.
Et bien, je suis plutôt enchanté par cette lecture.
Le chanteur de Dyonisos insuffle une véritable passion à chacune des ces pages. L'histoire est très belle, c'est une romance débridée entre un musicien immunisé contre l'amour depuis une rupture et une sirène perdue dans un Paris en proie à une grande crue.
C'est un amour baroque qui rappelle un petit peu le dernier film de Guillermo del Toro, La forme de l'eau ( inspiration dont ne se revendique pas du tout l'auteur) .
C'est un roman que nous dévorons d'une traite. le chanteur ne s'enlise pas dans son écriture, il la fait vibrer, comme une partition diablement rythmée.
Il laisse libre cours à une description agréablement poétique qui transforme une péniche en café-concert spécialisé dans les burgers fleuris, une baignoire en aquarium, une morgue en bac à légumes humains. Les émotions sont captées dans la même instance poétique. Rien ne semble être écrit dans une veine réaliste chez Mathieu comme si la moindre parcelle de fiction chez lui devait être relever avec un peu de prose poétique, avec quelques savoureuses comparaisons et autres figures de style métamorphosant le réel en imaginaire baroque.
D'ailleurs, dans ce même style, j'en profite pour vous recommander Gormenghast de
Mervyn Peake, l'un des meilleurs auteurs de l'imaginaire baroque de tous les temps (oui, rien que ça).
J'ai donc pris plaisir à me laisser emporter par ce roman, par ce flux, cette onde de la rêverie, de l'imaginaire.
Certes,
Malzieu semble quand même avoir du mal à refréner cette ardeur poétique donc parfois on tombe sur des comparaisons qui frôlent un peu le grotesque, qui sont pas forcément utiles . L'écriture de
Malzieu semble être vraiment un calque de sa personnalité un peu impulsive, du coup, parfois, on dirait qu'il jette des comparaisons à la va -vite, sans grand relief ni perspective.
Après, cela n'entame pas du tout l'entrain de ce roman.
Outre cette écriture bien affirmée, l'auteur aborde quand même quelques sujets délicats : la rupture amoureuse, le temps de crise qui s'en suit, le deuil et la colère qu'il provoque comme en témoigne le personnage de Milena, petite fée brisée, ou encore l'héritage familiale avec l'image du père. Tout ces thèmes sont transcendés par la volonté de l'auteur de nous montrer à quel point il est important de rêver, d'imaginer et enfin de créer. Son carnet de surprisiers en est l'exemple-clé.
Mathias Malzieu nous entraîne avec allégresse dans cette baignade onirique, dans ce petit océan romantique. Parfois, cette Sirène à Paris nous noie un peu sous son déluge poétique mais il faut bien avouer que c'est grand plaisir que nous buvons la tasse.