Dans ce monde, il y a trois choses qui sont très difficiles à acquérir: le corps humain, le désir pur et le véritable maître (sadguru). Posséder ces trois trésors est une chance indescriptible. Le corps humain est la terre et le pur désir d'atteindre I'ultime accomplissement est l'eau nourricière. Le "je suis" est la graine plantée par le fermier qui n'est autre que le maître suprême. Quelle ré- colte merveilleuse lorsque ces trois facteurs sont réunis! Puis, quand il y a le discernement entre la non-essence ("je suis") et l'essence ("je" n'existe pas), peut-on récolter autre chose que la félicité suprême?
La vie profane (samsara) consiste à simpliquer continuellement dans une kyrielle d'activités. Tous les efforts que vous y déployez aboutissent inexorablement à la destruction de votre félicité naturelle. Ils vous plongent dans les douleurs et les plaisirs d'être un corps. La vie spirituelle (paramarth)} quant à elle, consiste à rechercher l'accomplissement ultime, à savoir, connaître sa véritable nature. Mais pour jouir de la connaissance de soi et s'abreuver du nectar de la félicité qui n'est ni plaisir ni douleur, il faut tout d'abord se défaire de l'identification au corps.
Mais quitter femme et enfants et toutes relations sociales pour se retirer dans la forêt n'est pas la bonne manière d'arriver au véritable détachement. L'attachement, c'est l'amour que l'on a pour propre corps, c'est lorsque ce "je suis" se prend de s'identifier au corps. C'est cette identification qu'il est nécessaire d'abandonner sur le chemin de la réalisation de Dieu. Il sagit d'abandonner I'identification aux corps physique, subtil, causal et supra-causal pour arriver à la compréhension claire et définitive que ces quatre corps ne sont pas "moi".
Le sentiment d'être le corps vous semble si naturel pour la simple raison que vous êtes persuadé que vous ne pouvez pas être Dieu. Mais si maintenant, vous répétez "je ne peux pas être le corps" au lieu de dire "je ne peux pas être Dieu", la méditation naturelle s'établira et se dé- veloppera au cœur de votre être. Bien sûr, cet état devra aussi être oublié et absorbé dans les eaux profondes de la félicité "sans pensée". C'est alors, l'expérience directe de vous-même (sakshatkar).
L'accomplissement ultime n'est lié ni au temps ni au lieu, ni aux objets; il est libre de toute séparation et distinction. Comment attribuer un prix au Brahman? C'est seulement après avoir rassemblé puis rejeté tous ces sentiments, valeurs et discriminations que cette connaissance "je suis" nous éclaire enfin. Alors, et seulement alors, on commence à entrevoir le chemin de l'accomplissement ultime. Mais tant que persistent en nous ces comparaisons, valeurs et sentiments, la Réalité sans pensée reste dissimulée. Ces sentiments et valeurs disparaîtront forcément un jour car ce qui n'existe pas n'existera jamais et ce qui existe réellement ne sera jamais "non-existant .