"Jésus-Christ n'en avait que douze, vous savez, et l'un deux était un agent double".
Vivre aux crochets de l'intelligence de ses subordonnés, ma foi c'est peut-être comme ça qu'on est un chef aujourd'hui.
il ne change pas souvent d, idées, car il n'en pas des masses.
Nous ne pouvons pas bouger. Nous ne pouvons pas enquêter parce que tous les instruments d’investigation sont dans les mains du Cirque, et peut-être dans celles de la taupe Gerald. Nous ne pourrons pas surveiller, écouter, ni ouvrir le courrier. Pour faire quoi que ce soit de tout cela il faudrait le secours des lampistes d’Esterhase, et Esterhase, comme tout le monde, doit être tenu pour suspect. Nous ne pouvons pas interroger, nous ne pouvons pas prendre de mesures pour limiter l’habilitation de telle personne aux secrets les plus délicats. Prendre l’une de ces mesures, ce serait courir le risque d’alerter la taupe. C’est la plus vieille de toutes les questions, George. Qui peut espionner les espions ? Qui peut dépister le renard sans courir avec lui ?
Il n'y a qu'une seule raison de faire quelque chose. Et c'est parce qu'on en a envie.
Posséder une autre langue est posséder une autre âme. c'est un grand roi qui a écrit ça, Charles V. (p.74)
En cet instant, Guillam ne se sentait pas seulement trahi mais orphelin. Ses soupçons, les rancœurs qu’il avait si longtemps reportées contre le monde réel – contre les femmes de son existence, contre ses tentatives d’amour – se retournaient maintenant sur le CIrque et sur la magie défaillante qui avait si longtemps constitué sa foi. De toute sa force, il poussa la porte et bondit dans la pièce, pistolet au poing.
Comme une vieille maladie, sa colère l'avait pris par surprise. Depuis sa mise à la retraite, il en niait l'existence, évitant soigneusement tout ce qui pourrait la déclencher : journaux, anciens collègues, ragots comme ceux que colportait Martindale. Après toute une existence passée à vivre sur son intelligence et sa remarquable mémoire, il s'était consacré tout entier à l'art d'oublier.
"[...] Je ne sais vraiment pas comment le décrire. Il a le talent, Fan. Maintenant, je suis sérieux.
Il a cette tranquillité pesante qui en impose. Il a littéralement les pieds sur terre. Un de ces petits garçons silencieux et réfléchis qui dirigent l'équipe sans que personne s'en aperçoive. Fan, vous savez comment il m'est difficile d'agir. Vous devez me rappeler tout le temps, me rappeler intellectuellement, qu'à moins de goûter aux dangers de la vie, je n'en connaîtrai jamais les mystères. Mais Jim agit d'instinct... Il est fonctionnel... Il est mon autre moitié, à nous deux nous ferions un homme admirable, sauf qu'aucun de nous n'a d'oreille. Et, Fan, vous connaissez cette sensation qui vous prend quand il faut absolument qu'on aille trouver quelqu'un de nouveau, sinon le monde va s'écrouler sur vous ?
[...]
Alors il me gratifie d'un large sourire placide et nous nous approchons du grand Khlebnikov, nous serrons un moment sa petite patte, et puis nous revenons à petits pas jusqu'à ma chambre. Où nous buvons. Et buvons. Et, Fan, il buvait tout ce qui lui tombait sous la main. Ou peut-être que c'était moi, je ne me rappelle plus. Et quand l'aube est venue, savez-vous ce que nous avons fait ? Je vais vous le dire, Fan. Nous sommes descendus gravement jusqu'aux Parcs, je me suis assis sur un banc avec un chronomètre, le grand Jim a passé son survêtement et a couru vingt tours. Vingt. J'en étais tout épuisé.
Nous pouvons venir nous trouver n'importe quand. Il ne demande rien de mieux qu'à être en ma compagnie ou en celle de mes divins et malicieux amis. Bref, il m'a nommé son Mephistopheles et je suis grandement amusé par ce compliment. Oh ! J'oubliais, il est vierge, il a environ deux mètres quarante, et il sort de la même usine qui a construit Stonehenge. Ne soyez pas inquiet."
Il contempla ses petites mains potelées, en les regardant trembler. Trop vieux ? Impuissant ? Effrayé par la poursuite ? Ou effrayé de ce qu'il pourrait découvrir à son terme ? "Il y a toujours une douzaine de raisons pour ne rien faire", se plaisait à dire Ann - c'était à vrai dire son excuse favorite pour nombre de ses écarts de conduite. "Il n'y a qu'une seule raison de faire quelque chose. Et c'est parce qu'on en a envie." Ou parce qu'il le faut ? Ann le niait furieusement : la contrainte; disait-elle, n'est qu'un autre mot pour faire ce dont on a envie ; ou pour ne pas faire ce qu'on craint.