Préface et Notes :
Gilbert Sigaux
ISBN : 9782715214385
L'"Histoire de Madame Henriette d'Angleterre", sur laquelle s'ouvre cette édition, m'avait fait augurer le meilleur des "
Mémoires" qui suivaient. C'est que je n'avais pas retrouvé dans le style cette lourdeur, cette application à la perfection qui me dérange tant - oui, ça me dérange : cet effort me paraît si peu naturel - dans "
La Princesse de Clèves", ce roman de Mme de la Fayette porté aux nues par certains universitaires - et remis à la mode (bien involontairement) par l'agacement qu'il semble avoir produit chez un de nos récents présidents de la Vème du temps que lui-même, simple élève parmi tant d'autres, était tenu de peiner sur ce qu'il considérait comme un pensum - et que j'ai essayé déjà de lire trois ou quatre fois sans parvenir à en dépasser les premières pages. Non, même à voix haute, ça ne passe pas mais qu'importe : je ferai un dernier essai prochainement. D'ailleurs, encore perdue dans les péripéties de la vie de Madame, je me suis bien promis de le faire, persuadée que j'étais d'être passée à côté de quelque chose.
Las ! L'"Histoire de Madame ..." à peine achevée, patatras ! Voici que
Madame de la Fayette retombait dans ses errements. Ses "
Mémoires de la Cour de France pour les années 1688 et 1689" n'ont trait pour l'essentiel qu'à des reconstitutions militaires certes fort intéressantes pour le spécialiste mais que les amateurs ont en général l'habitude de trouver - comme chez l'irremplaçable
Saint-Simon - largement entrelardées d'anecdotes et de récits d'un ordre plus "civil." Mais Mme de la Fayette s'applique, détaille, s'acharne : elle peint mieux qu'un mémorialiste mâle mais elle ne peint que cela. En tous cas, c'est l'impression qu'il en reste. On sort de là pratiquement persuadé que la Cour de
Louis XIV a passé l'intégralité de ces deux années sur les champs de bataille, sans faire une seule étape à Versailles ou Marly.
Le livre refermé, on se pose évidemment la question : pourquoi pareil changement ? Eh ! bien, il faut savoir deux choses : tout d'abord, l'"Histoire de Madame ..." est une oeuvre de jeunesse à laquelle Madame participa en personne et ensuite, les "
Mémoires ..." sont de l'ère post-Clèves, époque à laquelle
Mme de la Fayette avait accédé au statut d'auteur "sérieux" et reconnu. En tous cas selon certaines normes que je continue de mon côté à déplorer parce qu'elles me semblent beaucoup trop sages, beaucoup trop raides et largement somnifères.
Pour autant, je ne vous dirai pas de passer votre chemin. Après tout, vous êtes peut-être de ceux qui : 1) tiennent "
La Princesse de Clèves" pour un chef-d'oeuvre et qui 2) s'enthousiasment pour les
mémoires exclusivement militaires. (Dans ce cas, c'est plutôt l'"Histoire" toute simple de Madame qui risque de vous paraître bien superficielle et certainement d'une trivialité achevée, en dépit de la tragédie qui la clôt.) le mieux est de lire l'ensemble même si celui-ci pêche par un certain déséquilibre. Maintenant, ces "
Mémoires", lus après "
La Princesse de Clèves", passeraient sans doute comme une lettre à la poste ... Et puis, un auteur a bien le droit d'être inégal. le problème, avec
Mme de la Fayette - mais je ne donne ici que mon opinion - c'est qu'on peut la préférer écrivain débutant et qui, selon moi, ne se prenait pas encore la tête. Eût-elle conservé la délicieuse simplicité de son "Histoire de Madame" que je compterais sans doute aujourd'hui au nombre de ses admirateurs. ;o)