C'est à l'écoute des mots grecs que nous emmène
Yannis Kiourtsakis avec ce brillant essai sur
La Grèce : toujours et aujourd'hui. Il y parle "d'homogénéisation mécanique de nos vies" et d'effacement de "la diversité des cultures". Il nous rappelle aussi ce qu'a été la Grèce dans l'histoire, mais aussi l'importance du langage et du dialogue des cultures. En ce sens, sa manière de prendre le temps de penser - et en cela de penser dans le temps - la crise actuelle, rappelle un peu un autre livre, sur l'Espagne lui, qui s'intitule
Tout ce que l'on croyait solide, d'
Antonio Munoz Molina, qui dénonçait de manière assez équivalente cette forme de totalitarisme larvé de la finance sur une société spectaculaire où des publicitaires nous vendent des
feux d'artifices quand il n'y a pourtant plus rien à voir...
Yannis Kiourtsakis prend en exemple le village de Skyros, village anciennement homérique, maintenant dominé par une architecture moderniste disgracieuse et anarchique qui a presque entièrement remplacé la petite cité d'antan. Il nous parle aussi de sa responsabilité, en tant qu'écrivain, qui consiste à "résister à l'enfermement dans le temps présent", qui est la tyrannie de l'actualité, cette même actualité dont Bakhtine disait que "prise hors de sa relation au passé et à l'avenir, perd son unicité, s'émiette en phénomènes isolés, en devient le conglomérat abstrait" - car c'est bien là le problème : le Grec d'aujourd'hui serait-il celui qui a la nostalgie de la Grèce, comme le disait déjà
Milan Kundera de l'Européen? Ce livre n'est pas simplement, ou seulement, un excellent essai, c'est carrément un livre nécessaire, car il crée de la pensée, et, même s'il a été écrit en français, il nous rappelle aussi ces mots de
Yourcenar qui disait : "Presque tout ce que les hommes ont dit de mieux a été dit en grec."