Au printemps des monstres de
Philippe Jaenada
Je ne connaissais absolument pas
Philippe Jaenada avant de lire ce livre
Au printemps des monstres. Ai-je été attiré par la couverture d'une jeune femme énigmatique pointant un stylo vers un chat noir ! Peut-être, mais plus sûrement par sa quatrième page de couverture commençant par : « Ce n'est pas de la tarte à résumer cette histoire. » celle-ci est vraie ! Celle d'un petit garçon Luc Taron qui au printemps 1964 à Paris suit ou est enlevé ? Vous le découvrirez en lisant ce livre, et dont on retrouve son corps dans une forêt de la banlieue parisienne. Les premières investigations laissent penser qu'il a été assassiné sans raison. Mais c'est alors qu'un individu « enragé » inonde les médias, la police de lettres de revendication signée par des X suivis du nom de L'Étrangleur.
Non content d'inonder pendant plus d'un mois médias et police, il adresse même aux parents de Luc Taron, et plus particulièrement à son père Yves, des mots ignobles, diaboliques, cruels. Arrêté, L'Étrangleur se révèle être un jeune homme banal, infirmier de son état . Il avoue spontanément être l'auteur de ce meurtre. Il s'appelle Lucien Léger et son nom va être repris sur toutes les ondes et faire la une des médias. Incarcéré il est mis hors d'état de nuire à l'écart de la société. Fin d'une histoire sordide. Mais comme le dit
Philippe Jaenada : « Si cette histoire était aussi simple, je n'aurai pas passé quatre ans à écrire ce gros machin , ce livre ! ( je ne suis pas fou ).
Le procès de Lucien Léger se déroulera du 3 au 7 mai 1966 devant la cour d'assises de Seine-et-Oise. Alors condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, il déclare au président de la Cour d'Assises : « Monsieur le Président, vous venez de commettre une erreur judiciaire ! Je suis bien l'auteur des 56 messages signé L'Étrangleur, mais je n'ai rien avoir avec le meurtre de Luc Taron. » Pourtant il sera bien condamné définitivement , sans réelle preuve, sans témoin, sans mobile.
Je vous l'ai dit en préambule je ne connaissais absolument pas
Philippe Jaenada et je dois vous avouer que j'ai eu un peu de mal, non pas à entrer dans l'histoire de ce roman , mais dans la façon que
Philippe Jaenada l'a écrit. En effet vous n'aurez pas le choix que de suivre toute cette affaire, et je vous invite absolument à lire
Au printemps des monstres, sans goûter à l'envie toutes les digressions que vous allez rencontrer dans ce pavé de près de 750 pages.
Oui,
Philippe Jaenada commente et parsème son récit de ses propres réflexions, décrit très précisément des situations, présente des lieux aussi bien qu'un cartographe , nous permet de rencontrer son médecin en nous livrant ses ennuis de santé, revient sur ses souvenirs d'enfance et place des saillies ironiques que j'ai beaucoup apprécié.
Ce livre et c'est là que je tire un grand coup de chapeau ( restez couvert me dirait-il )permet au lecteur par son extrême minutie à relire, relier, démontrer, s'étonner, confronter les différents éléments de cette affaire judiciaire hors norme. Où dans cette société naissante, tout est trouble, factice, ou tout le monde ment, triche,ou ce que l'on savait écrit-il « les pervers, les fous, les odieux, les monstres ne sont pas souvent ceux qui sont désignés par la justice ni par les hommes. » Philippe Jeanada aux cours de ses enquêtes va déboulonner tous les personnages de leur piédestal.
Tous ne sont pas blancs bleus et loin s'en faut. « Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre ».
Dès ses premières investigations,
Philippe Jaenada nous démontre, et là on peut s'étonner quoi que, que des investigations menées par les services policiers, de la justice magistrats du siège ou mêmes les avocats de la défense ont laissé des zones troubles ( et c'est un euphémisme ! ) qui n'ont pas été suffisamment éclairées, voir abandonnées, pour des raisons qui échappent à l'entendement.
Du côté de la victime ou des victimes, vous l'apprendrez, c'est un festival ! le vernis de la famille modèle, craque au fils des chapitres. L'accusé ment pour protéger le véritable auteur des faits, mais pourquoi ? L'épouse Solange collectionne les internements psychiatriques. Des résistants de la dernière heure drapée dans leur haute idée qu'ils se font de leur personne se trouvent démasqués mais pour d'obscures raisons, protégées, par une justice aux ordres ? Les avocats et les juges défendent et instruisent en ne se compliquant vraiment pas l'existence. Les médias profitent de ce fait hors norme, ( cela fait du papier ) sans chercher à contredire une opinion acquise à leur cause. Ce qui donnera l'occasion à
Philippe Jaenada de compléter ses très nombreuses investigations et de colmater les brèches d'un dossier volumineux mais qui manque malgré tout de certaines pièces essentielles qui se sont égarées ! Que sont-elles devenues ?
Se plonger, ( s'immerger est peut-être plus approprié ! N 'est-ce-pas
Philippe Jaenada ) dans ce livre
Au printemps des monstres, vous fera revivre en première partie ( le fou sur 286 pages ) l'historique de l'affaire Lucien Leger dans son intégralité, comme l'on pu vivre les plus anciens lecteurs au travers de la Presse et des médias, de la premières minute de l'enquête jusqu'à sa libération quarante-et-un ans plus tard, de Lucien Léger et même jusqu' à son dernier souffle. La seconde partie ( Les monstres 322 pages ) dont son contenu est particulièrement captivant à mes yeux, est la contre-enquête de
Philippe Jaenada où il s'attache scrupuleusement, minutieusement à démonter la version officielle de l'accusation de Lucien Léger pour meurtre et d'en démontrer son iniquité.
Vous me direz sur un livre de plus de 700 pages, si je comptabilise les pages mentionnées, il en manque au moins 130 pages, hé bien celles-ci sont entièrement écrites pour que l'on connaisse en détail ( cela va sans dire ) la vie de Solange, Simone, Vincent née le 5 juillet 1938 à Lyon , décédée le 10 janvier 1970 dans une chambre de l'hôtel Moderne à Paris 11e , épouse de Lucien Léger, décrite par
Philippe Jaenada « comme un point de lumière .»
Au printemps des monstres de
Philippe Jaenada, ne vous révélera pas in fine qui est l'assassin de Luc Taron, mais il vous fera douter, comme moi d'ailleurs, de sa culpabilité. Lucien Léger est mort à 70 ans, et quelques mois avant sa mort, son épouse Solange étant décédée il a dit rappelle
Philippe Jaenada, lors d'une soirée à Montmartre « En tout cas je me suis bien amusé. » ( Etrange Non ! )
Que sait-il véritablement passé dans la nuit du 26 au 27 mai 1964 dans les bois de Verrières ? Qui sont le ou les auteurs de ce meurtre et quel en était le mobile. ? Lucien Léger est-il véritablement l'assassin, sinon qui-est-ce ? Ces questions sont toujours pendantes. Est-ce-qu'un procès en révision permettra de connaître enfin la vérité de cette affaire qualifiée de résolue. Je vous laisse le soin de faire votre propre opinion en lisant ce gros ( très gros pavé ! )
au printemps des monstres de
Philippe Jaenada. Bien à vous.