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3,7

sur 619 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Faites sortir l'accusé !
Quand Philippe Jaenada s'attaque à un fait divers, vous savez que vous allez y passer aussi le printemps et l'été.
750 pages avec une police microscopique. Excédent de bagages pour le génie de la digression !
Pour lire ce monstre dans un avion, au choix, il faut soit réserver un second siège, soit sacrifier la valise réservée aux quinze paires de chaussures de madame, soit abandonner un gamin dans le hall de l'aéroport et balancer le second dans la soute de l'appareil (on a pris la troisième option, bien entendu). Il faut surtout choisir une destination lointaine, genre Pluton, pour boucler, non pas la ceinture mais cette lecture maniaque.
En 1964, le corps du petit Luc Taron, onze ans est retrouvé dans une forêt. Des courriers, signés « L'Etrangleur », revendiquent à de multiples reprises cet assassinat et attisent la curiosité de l'opinion publique. L'auteur des lettres est identifié, arrêté et jugé. Emballé, c'est pesé. Pas vraiment.
Lucien Leger va passer 41 ans en prison pour ce crime qu'il n'a peut-être pas commis. Hondelatte en bave. L'auteur va reprendre tout le dossier, se rendre sur les lieux du crime, disséquer la vie de tous les protagonistes de l'affaire et s'appuyer sur une enquête référence de deux journalistes qui date de 2012 et qui a remis en cause la culpabilité du plus ancien détenu de France.
L'analyse est aussi minutieuse que brillante mais j'ai eu l'impression que Philippe Jaenada s'est mis une telle pression pour être à la hauteur de l'enquête réalisée par Stéphane Troplain et Jean-Louis Ivani qu'il inonde le lecteur d'un tsunami de détails au détriment de sa prose. le Leger devient parfois un peu lourd. Il ne manque que la pointure de la coiffeuse du juge et le plat préféré du cousin au deuxième degré de la victime. L'arbre généalogique de tous les témoins remonte presque aux Carolingiens. J'exagère, oui, mais pas autant que Philippe Jaenada. Si le diable se cache dans les détails, l'enfer, c'est ici.
J'ai lu(tté) un mois durant sans abandonner cette lecture car j'adore les parenthèses enchantées de l'auteur, ces moments où il glisse sa petite histoire personnelle, ses tracas de santé, ses souvenirs d'enfance et ses commentaires ironiques. La marque Jaenada. Label rouge vif. Des respirations inspirées pour fuir l'expiration.
Je n'ai pu que me passionner aussi pour cette histoire que l'on pourrait réduire à un bal des menteurs. Tous les personnages sont troubles et trainent des casseroles taillées comme des marmites. Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre... Ils préfèrent se laisser tomber. Côté victime, le vernis de la famille modèle craque dès les premières investigations, l'accusé ment pour entretenir sa popularité morbide, sa compagne collectionne les internements, des comploteurs complotent dans la compote, des résistants de la dernière minute collaborent, avocats et juges ne se compliquent pas trop la vie. le roman décrit aussi très bien le poids de l'opinion et des médias… et il se déroule en 1964. Tout le monde joue plus son personnage qu'il ne le vit.
Ce roman, c'est une rentrée littéraire à lui tout seul, la Comédie Humaine en un seul tome, un bottin qui n'a rien de mondain, que son éditeur aurait dû un peu plus épurer.
Les trois derniers romans de Philippe Jaenada suffisent à remplir une bibliothèque.
Une lecture qui relève de la performance.

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L'écrivain Philippe Jaenada donne à son oeuvre littéraire un genre qui lui est propre. Il s'intéresse à des affaires criminelles anciennes et classées – des « cold cases » –, sur lesquelles subsistent des zones d'ombre. Il se lance alors dans des investigations fouillées durant plusieurs mois, allant sur le terrain, épluchant les déclarations des parties prenantes, rencontrant les enquêteurs et les témoins de l'époque – ceux qui vivent encore ! – ratissant les archives de la presse. S'appuyant sur les éléments réunis, il écrit le récit de l'affaire en lui donnant une forme romanesque. Il y met en évidence les discordances et les anomalies de la version officielle, invitant le lecteur à se faire sa propre opinion sur la culpabilité ou l'innocence des prévenus. Il n'oublie pas de se mettre aussi en scène tout au long de ses recherches, avec un sens de l'autodérision qui ne manque ni d'humour ni de narcissisme.

L'arrestation et la condamnation du dénommé Lucien Léger, surnommé l'Etrangleur, ne m'étaient pas inconnues. Bien qu'ancienne, son affaire remontait de temps à autre à la surface : un entrefilet dans la presse écrite, un mot lors d'un journal télévisé, pour mentionner la révision de son procès ou sa libération conditionnelle. Quant au petit Luc Taron, sa victime, je n'ai jamais oublié son nom. J'avais quinze ans en 1964, lorsque son corps fut retrouvé dans une forêt. Nous n'avions pas la télé, je ne lisais pas Le Figaro que recevait mon père, je n'écoutais la radio qu'à l'heure de SLC Salut les copains, et justement, le meurtre était évoqué, très sommairement, lors des flashes d'info d'André Arnaud. le jeudi, j'allais déjeuner chez mes grands-parents, où je me précipitais sur France-Dimanche ou Ici-Paris, des journaux à scandales de l'époque, avec de grandes photos en noir et blanc. J'avais ainsi découvert et gardé en tête le portrait de Lucien Léger, mais je n'avais jamais lu les articles en détail, étant plus intéressé par les potins consacrés à la vie mouvementée de Brigitte Bardot ou de Liz Taylor.

C'est donc dans Au printemps des monstres, sous la plume de Jaenada, que j'ai perçu le climat de psychose hallucinant des débuts de l'affaire, en juin 1964, suscité par la cinquantaine de messages provocateurs adressés par l'Etrangleur à la presse, à la police, jusqu'au ministre de l'Intérieur.

La première partie du livre est consacrée à l'historique intégral de l'affaire, tel qu'on avait pu la vivre en direct : la découverte du corps, les premières enquêtes, les fameux messages, l'arrestation de Léger, sa détention, sa libération quarante-et-un ans plus tard, jusqu'à sa mort, puisqu'après avoir avoué, il s'était rétracté, inventant jusqu'à son dernier jour des scénarios à dormir debout, auxquels personne (ou presque) n'aura cru. Trois cents pages au rythme endiablé, au contenu surprenant et captivant.

Dans une deuxième partie, l'auteur s'attache à démontrer l'irréalisme de la version officielle de l'accusation, ayant conduit au verdict du jury. Il oriente son enquête vers des personnages tiers, minables, plus que troubles et même carrément infects – dont le père de la petite victime –, qui auraient plus ou moins manipulé Léger. Au lecteur de se faire une opinion sur ce qu'il s'est réellement passé la nuit de la mort de l'enfant. Trois cents pages intrigantes, mais touffues et parfois redondantes.

A l'instar de la couverture, la dernière partie de l'ouvrage est curieusement consacrée à Solange, l'épouse de Lucien Léger, une femme de faible constitution, tant au plan physique que psychologique. La compassion très sentimentale qu'éprouve Jaenada pour cette femme morte en 1970 l'amène à lui dédier, comme en hommage à sa destinée si particulière, cent cinquante pages que j'ai fini par trouver ennuyeuses et répétitives.

L'écriture de Philippe Jaenada est simple, accessible, très agréable. Sur un ton décontracté, il multiplie les digressions, usant et abusant de parenthèses, qui ralentissent la lecture en l'aérant. Il y insère le feuilleton de ses démarches personnelles, très approfondies, sur les traces laissées par les personnages cinquante ans plus tôt. Il y glisse le quotidien de sa vie privée, notamment ses problèmes de santé.

Pour conclure en prenant le risque de me répéter, j'ai aimé passionnément la première partie, menée tambour battant ; comme le public de l'époque, j'ai tout pris au premier degré. La deuxième partie, moins fluide, était évidemment incontournable. J'ai des doutes sur l'intérêt de la troisième.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Philippe Jaenada, le roi de la parenthèse, le prince de la digression, le Zorro de l'erreur judiciaire, le champion de la contre-enquête subjective a, une fois de plus, après Sulak dans... Sulak, Pauline Dubuisson (dans La petite femelle) ou Georges Arnaud (dans La Serpe) enfilé sa cape de défenseur des causes perdues, de pourfendeur patenté d'erreurs judiciaires !

Voilà qu'il entreprend sur plus de 700 pages, de démontrer la probable innocence de Lucien Léger, l'Étrangleur auto-proclamé du petit Luc Taron, qui défraya la chronique de ses lettres fanfaronnes et fit trembler Paris dans le milieu des années soixante, avant de se faire arrêter presque volontairement puis de se rétracter au cours de son procès. Mal défendu par Maurice Garçon qui passa bientôt la main à maître Naud, Léger fut condamné à une peine de prison si longue qu'il mourut trois ans après sa libération sans cesser de proclamer son innocence et d'affirmer qu'il avait, par ses lettres, attiré les regards sur lui afin de protéger l'identité du véritable assassin..
.
Une ténébreuse affaire, sans mobile, sans preuve, sans cohérence, sans queue ni tête.

Une gageure pour Jaenada. Mais cette fois j'ai trouvé que le roi de la parenthèse s'y perdait souvent et que la contre-enquête était presque aussi brouillonne et confuse que l'enquête qu'elle était censée clarifier et confondre.

L'atmosphère "modianesque" de l'affaire-faux résistants et vrais collabos, faux pères-la-morale et vrais pervers-pépères-si elle a toute sa place dans une fiction romanesque qui jouerait sur le clair-obscur, n'est pas propice à démêler le vrai du faux dans ce roman du réel, c'est le moins qu'on puisse dire !

Même notre enquêteur préféré,( en Jeep cette fois), qu'on savait porté sur la dive bouteille, s'en méfie maintenant que sa mauvaise santé l'accable de bobos... Les vrais anti héros eux-mêmes ont un coup de vieux...

C'est trop long, répétitif, et on s'épuise à rester un supporter alerte de Jaenada et un lecteur attentif de son pavé ... La personnalité pour le moins ambiguë et mythomane de Léger n'aide pas à l'identification ni à l'empathie :elle en fait un faux coupable peu attachant. Seule la troisième partie dévolue, comme la première de couverture, à Solange, la très jeune épouse de l'Etrangleur, apporte en effet un "point de lumière". Elle se montre forte dans sa fragilité et clairvoyante en dépit de sa prétendue folie.

Mais c'est une découverte bien tardive...

Au printemps des monstres, malgré son titre magnifique, a quelque chose de monstrueux, d'à la fois excessif et inabouti.
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Si vous ne ressortez pas essoré du dernier livre de Philippe Jaenada, c'est que vous avez le souffle d'un coureur de fond !

La dernière « enquête » de l'auteur est encore une fois un monument de documentations, dans son style inimitable, où ses célèbres digressions sur sa santé et son quotidien font figure de respiration dans ce Cold Case fouillé au millimètre.

Après instruction, il apparaît que la sordide affaire très médiatisée du criminel Lucien Léger, condamné pour meurtre d'enfant en 1964 s'apparente à un dossier judiciaire sans doute bâclé ou pour le moins trop vite instruit. Une certitude pour notre enquêteur romancier qui nous le démontre en 700 pages d'instruction, sans pour autant nous rendre sympathique l'individu, plus ancien détenu de France avec 41 ans d'emprisonnement.

Remarquable, passionnant, amusant parfois, décalé souvent... les superlatifs sont légion. Mais s'il fallait faire entendre une petite voix essoufflée: trop long, diablement trop long. C'est d'autant plus vrai que l'auteur s'en doute, en l'évoquant dans quelques lignes amusantes, imaginant son lecteur l'abandonner sur le bord du chemin.

On lui pardonne volontiers devant un talent de plume très personnel et une implication acharnée en recherche de vérité.
Dont acte.
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J'aime beaucoup Philippe Jaenada ; je me suis donc précipitée pour lire son dernier livre.
Ce n'est pas le plus simple. Encore une enquête minutieuse, archi-fouillée, précisément documentée sur le meurtre d'un petit garçon en 1964.
Il ne faut pas rater une ligne au risque de manquer une information et ne plus rien comprendre, et comprendre ce n'est déjà pas simple tant il y a de personnages, d'informations, de mensonges, de manipulations et de fourberies.
Comme à son habitude Philippe Jaenada met son grain de sel, juge et interpelle les protagonistes, raconte des anecdotes sur sa vie ; heureusement, cela met un peu de légèreté dans cette histoire qui en manque singulièrement. Cela permet de sourire et de reprendre son souffle dans le récit.
La justice est encore une fois passé à côté et ça, ça l'énerve Jaenada.
Ce livre veut réhabiliter.
C'est dense, c'est triste, c'est injuste ; c'est le printemps des monstres.
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J'ai acheté ce livre cet été dans le plus grand magasin de livres de seconde main de Bruxelles, qui vienait de finir ses travaux de rénovation (les Bruxellois sauront de quel magasin je veux parler).

L'item 5 du Challenge Pavés 2022 de Babelio est « Un ROMAN de Valérie Perrin, Franck Thilliez, Pierre Lemaitre ou Philippe Jaenada ». J'avais voulu lire le dernier roman de Pierre Lemaitre (mais comme c'est le premier volet d'une trilogie, je me suis abstenue). Je n'avais jamais lu de livre de Franck Thilliez (mais j'ai abandonné après trois essais, je n'accroche vraiment pas à son style). J'ai trouvé à la bibliothèque Trois de Valérie Perrin (mais il convenait mieux à l'item 3 « Un chiffre ou un nombre dans le titre de ce ROMAN (sauf un) » - ou l'item 10 « La narration de ce RECIT se partage entre plusieurs époques” ; j'ai fini par le caser à l'item 37 «C'est le second ROMAN que je lis de cet.te auteur.e ».

La lecture de la quatrième de couverture de Au printemps des monstres n'était pas de nature à me distraire dans cet été torride 2022. Ce n'est donc qu'après la troisième tentative de lire un roman de Franck Thilliez que je me suis décidée à ouvrir le dernier livre de Philippe Jaenada. Surprise, le livre était dédicacé par l'auteur à la deuxième page.

« le 28 août 2021
Sébastien, j'espère de tout mon coeur que les pages qui vous restent à lire seront les meilleurs. Vous me le direz l'an prochain ?

Amicalement,

Ph. Jaenada »

Un signet était présent à une cinquantaine de pages après le début de l'histoire.

Mu par la détresse financière comparable à celle de Solange Léger, Sébastien aurait dû sa bibliothèque ? A moins qu'après une rupture sentimentale houleuse, Sébastien se soit vu privé de son livre en cours de lecture ? A-t-il été oublié dans un train ou un bus et que celui qui l'a trouvé ait voulu se faire un peu d'argent (au lieu de le déposer aux objets perdus) ?

Sébastien est invité à se manifester (ou Philippe Jaenada). Je suis sure qu'une bonne histoire nous sera racontée.

Challenge Pavés 2022
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Début de la quatrième page de couverture, Texte de Philippe Jaenada : Ce n'est pas de la tarte à résumer, cette histoire .
Oh que oui !
Essayons de faire simple.
27 mai 1964 - le corps d'un enfant de 11 ans, Luc Taron est trouvé dans les bois de Verrières en Seine et Oise.
Pendant un mois , un individu qui se fait appeler l'Etrangleur va inonder médias et police de plus de 50 courriers pour revendiquer le meurtre.
Au bout d'un mois il se fera arrêter . Il s'appelle Lucien Léger. Il a 27 ans. Il passe des aveux circonstanciés.
Un an et demi après il est condamné à la prison à perpétuité.
Il sera pendant très longtemps le plus vieux prisonnier français.
Il restera 41 ans en prison jusqu'en 2005.
Lucien Léger mourra en 2008.
Fermez le ban comme dirait Philippe Jaenada.
Cela ne mérite pas, à première vue un livre de 750 pages.
C'est mal connaitre Philippe Jaenada.
Comme dans la Petite Femelle , la Serpe , Philippe Jaenada va minutieusement reprendre tous les éléments de ce fait divers.
Et comme toujours, il va intriquer sa vie personnelle dans cette enquête. Fidèle à ses habitudes d'écriture les disgressions sont encapsulées dans de multiples parenthèses où l'humour vaut bien la longueur des parenthèses.
Reste que ce livre est un monument de documentation que Philippe Jaenada déstructure pour nous dire que les monstres ne sont pas obligatoirement où c'est le plus évident.
Dans cette société des années 60 encore proche de la fin de la Deuxième guerre mondiale, les Trente Glorieuses semblent très loin.
Philippe Jaenada nous dresse un portrait saisissant de cette époque en démontant point par point la réalité de tueur de Lucien Léger.
Il nous livre des pages étonnantes sur la réalité humaine d'Yves Taron , père du petit garçon tué. Il fait apparaitre des personnages au double jeu inquiétant tel Jacques Salce. Il n'exonère pas Lucien Léger de ses responsabilités.
Tout comme il n'oublie pas de nous montrer les terribles ratés ( volontaires ?) des différents enquêteurs et commissaires.
Malgré les incohérences du dossier , aucune demande de révision de procès n'aboutira.
Et puis il y a Solange, la femme de Lucien Léger . Bout de femme ballotée par la vie et de santé fragile. Fragilité de santé que l'on assimilera rapidement à une maladie mentale.
Solange qui restera fidèle à Lucien.
Solange , l'inverse d'un monstre.
Je suis sorti de ce livre un peu cassé par temps de noirceur, de folie , de mensonges , de monstres.
Tant de vies bousillées.
Cela reste une expérience de lire Philippe Jaenada et je ne la regrette pas.
Reprenant la quatrième de couverture de Philippe Jaenada : Dans cette société naissante qui deviendra la nôtre, tout est trouble, tout est factice.
Quel terrible constat.

Lien : https://auventdesmots.wordpr..
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Philippe Jaenada retrace avec le brio et la minutie qu'on lui connait ce fait divers qui a fait la une des journaux en printemps 1964, le meurtre d'un jeune garçon de 11 ans, Luc Taron.
Le monstre, c'est Lucien léger, auto-proclamé l'Etrangleur. Qui avouera le crime, et qui clamera ensuite pendant 40 ans son innocence. Il fait partie du cercle très fermé des criminels aux plus longues incarcérations purgées.
Pour qui aime les faits divers, c'est un ouvrage à lire.
Jaenada marche littéralement dans les pas de Lucien Léger. Et s'attaque ensuite à l'enquête, aux autres protagonistes, aux autres sphères entourant ce meurtre sordide. Sans oublier Solange, l'épouse perdue.
Un récit extrêmement détaillé, précis, argumenté. Un travail monumental.
Mais pas facile à lire, ni à digérer. Heureusement, les parenthèses de l'auteur sont nombreuses et bienvenues : amusantes,cyniques, nostalgiques ou ironiques, elles aident à continuer et à se raccrocher au présent, l'auteur nous confiant ses souvenirs, ses soucis, ses peurs ou ses pensées.
Un récit atypique, qui ne laisse pas indifférent.
Merci aux éditions mialet Barrault et à babelio pour cette découverte.
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J'avais adoré ‘la petite femelle' et ‘la serpe', deux de ses ‘anciens' écrits aussi, la perspective de me relancer dans la lecture d'un pavé de 730 pages de Philippe Jaenada ne me faisait ressentir aucune appréhension.
Au contraire, j'avais hâte de retrouver sa plume et son style unique qui avaient su m'emporter dans ses récits où l'histoire qu'il nous narre (des faits divers réels souvent sordides) et son quotidien d'auteur-enquêteur s'entremêlent pour donner un résultat singulier, à la fois patiné de curiosité parfois malsaine et de travail d'investigation hyper-pointu et enthousiasmant, une plongée spatio-temporelle au plus proche de l'événement conté.

Le titre, déjà, ‘au printemps des monstres' (on en comprendra la référence en cours de lecture) c'est une promesse aventureuse et morbide, lumineuse et sombre à la fois, celle de naviguer, mais en apnée, dans un marigot sous oxygéné.

Et la photo de couv', énigmatique et vintage ! Qui est cette femme qui nous entrouvre une porte sur cette époque révolue mais génératrice de tant d'affaires souvent glauques mais ô combien attirantes ?!

La promesse d'un ailleurs, d'un autrefois
Je plonge.

Il va être question du 27 mai 1964 et de la découverte du pauvre cadavre d'un petit garçon de 11 ans en short à petits carreaux, au pied d'un chêne au coeur d'une grande forêt à quelques lieues de Paris : Luc Taron ! Question surtout de la sordide théâtralisation de cette découverte et de la difficile enquête qui a suivi pour débusquer celui qui sera considéré comme l'assassin, Lucien Léger.
Ça donne envie, non ?

Jaenada, comme dans ses précédents ouvrages, détaille de façon quasi chirurgicale de médecin légiste l'ensemble des innombrables données qu'il a collectées au cours de son enquête minutieuse à savoir, les archives de la police, de la justice, les différents journaux de l'époque, les émissions de radio comme de télé et les ouvrages précédents consacrés à cette affaire. Il se rend aussi sur place pour se confronter à la topographie des lieux ou visualiser la végétation, évaluer les éventuels délais nécessaires à certains déplacements et surtout pour se laisser envahir par l'atmosphère particulière des endroits cités dans ses documents. Il nous emmène et nous emporte dans cette affaire d'enlèvement funeste comme si nous enquêtions avec lui. On décortique les pièces du dossier, on déchiffre les minutes, on débusque les incohérences, on écoute les intervenants comme si nous étions chargés de mener les investigations. Et l'avalanche de détails ne nuit pas. On savoure, on s'en délecte !

On a droit à quelques digressions aussi, comment la petite fille d'un de ses amis a fait la connaissance de Jésus (!), quelques infos sur la jeunesse de Patrick Modiano et même la nécessité imminente que l'auteur ressent de…se couper les ongles des orteils, son opération d'un kyste… !

On va découvrir qui est accusé d'avoir assassiné le bambin (Lucien Léger donc) et d'avoir créé de toutes pièces le cynique personnage de ‘l'étrangleur' qui va terroriser la France un certain temps en inondant le pays d'aveux circonstanciés hyper détaillés et morbides. On va ensuite assister à son singulier procès où il va réussir à échapper à la peine capitale encore en vigueur à cette époque mais pour prendre perpète (réellement) !

Seulement, nous n'en sommes encore que vers la page 250 (sur 730 je le rappelle, un tout petit plus du tiers) et là (hélas) nous allons nous embourber dans les délires hystériques et paranoïaques du prisonnier qui purge sa peine en relançant, en permanence et par écrit, des variations sur le même thème du ‘je suis innocent et je couvre un ami qui est…, non je ne peux pas le dire'

Et là, j'avoue avoir eu furieusement envie de refermer cet ouvrage, l'auteur déviant (dérivant) et aiguillant son enquête vers ces trop nombreux nouveaux personnages (pour certains fictifs) …en manquant de me perdre, malheureusement.

Trop c'est trop !! Consistant, d'accord, étouffe chrétien, je passe mon tour.

Dommage, je vais en rester là (las) me suis-je dit, après avoir apprécié et englouti la première partie du livre (et donc l'histoire principale que, trop jeune, j'ignorais totalement),  j'abandonne ces méandres trop tortueux qu'emprunte la narration pour voguer vers un autre livre moins…indigeste !!

Dommage !! Dommage !! Et même (3 fois) Dommage !

Mais finalement, je me découvre pugnace et je m'accroche, espérant que ce ventre mou un peu trop alimenté allait déboucher sur des chapitres plus essentiels, plus digestes et de nouveau capables de me recaptiver. Et ce qui va m'intriguer alors, c'est que nous n'en sommes qu'à la page 284/731, donc pas encore à la moitié et pourtant, le principal protagoniste, celui qui a été condamné pour assassinat, est mort en solitaire et enterré en toute discrétion après plus de 40 ans de captivité  ! Qu'est-ce qui va donc faire la moelle du reste du livre ?

La contre-enquête !
Jaenada enfile sa parfaite combinaison de fin limier dégourdi pour démontrer que les différentes enquêtes menées ‘à l'époque' l'ont été sur du vent, sur des allégations insensées et facilement démontables. Et nous repartons (comme en 14) en 64  mais pour tout dynamiter ! Objectif : démontrer que nous sommes face à une erreur judiciaire et que Léger ne peut pas être le criminel !
Et il y a matière à douter quand l'auteur détricote la version officielle à la lumière de sa conviction nouvelle, Léger n'est l'auteur QUE des lettres de revendication mais PAS du meurtre !

Mais pour défendre Léger, il faut du lourd (facile) et l'auteur, comme à son habitude, va donner de sa personne pour étayer sa thèse n'hésitant pas à mettre en cause le mode de défense établi par Maurice Garçon, éminent ténor du barreau  d'alors.
On rejoue toute la pièce, brigadier, levé de rideau !

Enfin, en dernière partie, l'auteur fait la part belle à Solange, la femme du condamné (à tort ?) en dressant un portrait exhaustif de celle à qui son mari vouait une attention sans limite (et qui, finalement, semble réciproque si l'on en croit la très dense correspondance qu'ils échangent). Un portrait naturaliste d'une triste banalité en fait qui balaie son enfance comme la période couverte par l'affaire Taron et sa fin, tragique et mystérieuse.

Un livre, un marathon (ou j'ai déploré quelques longueurs), un plaidoyer, une plaidoirie, un détricotage en règle de ce que nous pouvons considérer, au minimum, comme une enquête bâclée qui a conduit à une erreur judiciaire dont le condamné s'est quand même montré, pour le moins, complice.

Beau travail (de trois années, je crois), belle lecture que j'aurais préfèrée légèrement plus concise. Sans doute en sera-t-il de même de cette chronique !!
 
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Fait divers.

Luc Taron, jeune garçon de onze ans, a été enlevé un soir du printemps 1964.
Un homme s'accuse du meurtre en se surnommant "l'étrangleur". Il s'agit de Lucien Léger, jeune homme sans histoire. Il passera quarante et un an en prison. Mais est-il vraiment coupable ? Philippe Jaenada mène l'enquête.

J'avais beaucoup entendu parler de ce livre et il m'intriguait. Je l'ai enfin lu et je l'ai bien aimé. Jaenada mène son enquête en trois parties: le déroulé des faits, des recherches sur les autres acteurs de l'affaire, et enfin, se concentre sur Solange l'épouse de Lucien. L'auteur a fait un travail de fourmi. Il a recherché jusqu'au plus petit point de détail pour étayer ses hypothèses. L'enquête est ainsi intéressante à suivre.

Nous partons de Julien Léger qui semble être le coupable idéal, mais peu à peu le doute s'installe. En effet, l'entourage de Luc Taron semble cacher de nombreux secrets. En premier lieu son père qui est très loin d'être un honnête citoyen. Les recherches de Jaenada sont impressionnantes et détaillées. On découvre des facettes insoupçonnées des protagonistes de l'affaire. Par exemple, de veuve éplorée Suzanne Brulé devient séductrice. La dernière partie se concentre sur Solange, femme de Lucien, et sa descente aux enfers. Abandonnée par tous, elle meurt dans la misère et l'indifférence.

Toutefois, j'ai trouvé que cette enquête avait des défauts. En effet, je trouve que l'auteur est allé beaucoup trop loin dans ses recherches et parfois se concentre sur des points qui n'apportent rien à son enquête. de plus, il abuse parfois des citations qui peuvent faire des pages entières. Certains passages étaient ainsi ennuyeux à lire. le livre aurait gagné a avoir trois-cents pages de moins.

Au final, une belle découverte même si ce livre était parfois trop long et accordait trop d'importance à des détails peu utiles.
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