Depuis un accident qui a coûté la vie à son jeune matelot,
Caroff est un marin mis au rebut. Il survit dans un mobil-home, face à la rade de Brest, à l'écart du monde et de tout horizon d'avenir. Ce qui le tient en vie, c'est son miracle : celui de sa fille et de sa compagne. Quand sa route croise celle de Delmas, délinquant en apprentissage,
Caroff voit dans la combine douteuse qu'il lui présente l'occasion de se racheter. Il reprend la mer sur son bateau qu'il avait laissé sombrer, flanqué des deux acolytes de Delmas, aussi jeunes et béotiens que dangereux. du ciel plombé de Brest, l'espoir semble avoir du mal à percer et, pourtant,
Caroff se surprend à rêver d'un ailleurs…
J'ai pu découvrir ce roman en avant-première grâce à une opération « Masse Critique ».
«
Rade amère » est le premier roman de
Ronan Gouézec, auteur finistérien qui aime à pratiquer le vagabondage côtier et littéraire. Pour une première, c'est une réussite totale, de bout en bout !
Ce roman entremêle, de façon réussie, différentes dimensions.
«
Rade amère » se veut un polar et en livre tous les ingrédients : un homme désespéré, au bout du rouleau, coincé dans la rade de Brest et mis au ban de la société ; un malfrat qui fait ses premières armes en organisant un trafic de drogue à distance, coaché par son oncle ; des complices, jeunes trafiquants d'une cité brestoise en mal d'action. Les rouages de l'action se mettent en place progressivement, et le suspens monte crescendo, l'auteur tenant en haleine le lecteur jusqu'au bout.
«
Rade amère » est aussi un roman social qui explore différents territoires en marge de la société : celui d'un homme qui a – presque – tout perdu ; ceux des hors-la-loi qui dessinent leur propre géographie ; ceux qui essaient de se créer un nom et une activité rentable, voire utile, dans les clous de la légalité.
Mais «
Rade amère » est d'abord et avant tout un roman noir qui sonde les failles de l'âme humaine, ses deuils impossibles, ses douleurs bien arrimées, son envie de s'en sortir quoi qu'il en coûte. Et ce roman noir sort du lot en ce sens que l'auteur insuffle une touche personnelle, vécue, c'est-à-dire ici maritime, à l'intrigue. Derrière chaque description, chaque action, la mer, en ce qu'elle a de libérateur ou d'enfermant, est présente et on sent sa pulsation, le souffle de ses vagues jusque dans les maisons. En creux des mots qui se déploient linéairement, on entend la pluie marteler ses notes lancinantes, l'humidité remonter des fonds de la rade de Brest, le vent cingler les mâts et les hommes, le calme soudain et radieux des eaux à l'étale ; et l'on se laisse porter par la plume voyageuse de l'auteur et l'on se prend à guetter dans le ciel du Finistère nord une éclaircie, une accalmie pour des protagonistes auxquels on s'attache.
«
Rade amère » est un polar intensément maritime et humain qui fait vibrer de bout en bout…
Je tiens à remercier Babelio et les éditions du Rouergue pour ce formidable moment de lecture.