AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,6

sur 72 notes
5
6 avis
4
14 avis
3
8 avis
2
0 avis
1
0 avis
Un premier roman français, en voilà une lecture éloignée de mon univers. Mais la Bretagne, la mer, la tempête et me voilà embarquée dans ce premier roman.
Aux côté de Jos Brieuc d'abord. Ce dernier a décidé de réaliser son rêve en se lançant dans une nouvelle activité professionnelle : taxi de mer. Et le bouche-à-oreille fonctionne plutôt bien, les clients se multiplient. Il fait ainsi la connaissance d'un couple, Josette et René. Ces derniers se rendent à l'hôpital de Brest car René a un cancer. Jos se lie d'amitié avec eux. La vie semble reprendre son cours. Sa femme l'a quitté il y a un an mais il vient de rencontrer Babeth, une jeune femme avec qui le courant passe bien. L'homme reprend du poil de la bête.
Ce n'est pas le cas avec Caroff, ce pêcheur dérive depuis des mois. Il ne sort presque plus en mer. Par un jour de tempête, il n'en avait fait qu'à sa tête et avait pris la mer. Mais il était revenu sans son matelot, âgé de seize ans. Depuis la communauté l'a renié. Il a tué l'un des leurs. Caroff a plongé. Il vit avec sa femme Marie, sa bouée de sauvetage et leur petite fille dans une caravane, loin de tous, sur un terrain vague. La petite , âgée de cinq ans, n'est pas scolarisée et lorsqu'il tente de reprendre une vie normale, il est vilipendé par les pêcheurs. Même une sortie en restaurant en famille vire au cauchemar.

Alors lorsqu'un homme lui propose de participer à une combine en échange d'une confortable somme d'argent, Caroff n'hésite plus. Il veut partir, loin, en Irlande avec sa famille. Il doit repartir en mer avec deux nouveaux matelots qu'on lui impose. Pas des marins, non deux jeunes de banlieue qui n'ont jamais mis les pieds sur un bateau. Ils se font appelés 180 et Tariq – enfin Toni et Yann. Leur première sortie en mer les calme immédiatement : la tempête, la houle et les deux sont malades comme des chiens. Mais le plan fonctionne et Caroff a repris confiance. Une dernière mission et ils seront libres.

Les deux histoires se jouent sous nos yeux, et j'avoue, j'ai été happée. On sait parfaitement qu'un jour la route de Jos va croiser celle de Caroff. Un roman « intensément maritime » me dit-on, et c'est vrai – Ronan Gouézec livre un premier livre aux odeurs d'embruns.
Et l'homme a du talent pour dresser deux portraits d'hommes touchants et profonds. Je me suis beaucoup attachée à Jos, moins à Caroff. Mais j'ai aimé toutes les sorties en mer de Caroff . Ce roman m'a marqué car il est rempli de bonnes choses, mais il souffre aussi d'erreurs de débutant. Lors de ma lecture, j'ai surtout ruminé contre l'éditeur, oui. Comme s'il était joaillier et qu'il n'avait pas assez bien taillé la pierre précieuse.

Les premiers chapitres m'ont en effet fait douter de la poursuite de ma lecture, finalement à la page 53, j'étais harponnée. le premier chapitre est vraiment ardu ! L'auteur a voulu traduire l'atmosphère d'un bar de pêcheur, mais il en fait des tonnes, deux pages et demi sur ce lieu de passage, c'est trop. Et il enchaîne avec la pluie – oui, il pleut en Bretagne, et là il fait tempête. L'écrivain glisse un paragraphe magnifique mais malheureusement il en rajoute, rajoute … pourquoi ? Une page et demi sur l'eau – ce n'est pas nécessaire. Certaines phrases sont superbes mais précédées ou suivies de phrases nettement moins bonnes (« La rue était encore sous domination liquide » par exemple m'a fait écarquiller les yeux) mais il enchaine avec ce sublime morceau :

"De tous côtés la percussion lourde de millions de perles d'argent… résonnait en une vibration, sans cesse, renouvelée, roulant, revenant, s'éloignant ..(…) Sur les lèvres le goût du sel, pour rappeler la présence de l'océan tout proche. Il pleut la mer, pensait-il."

Et il est encore meilleur lorsqu'il en fait moins, beaucoup moins. Lorsque son personnage est dans l'action, lorsque Caroff prend la mer. J'ai adoré ces pages, le style est plus léger, moins empâté. Excepté pour ces paragraphes où le lecteur entend les personnages penser – un procédé narratif que je n'aime pas beaucoup. Il faut faire confiance au lecteur pour qu'il comprenne de lui-même. On sent malgré cela un beau talent d'écrivain.

Du coup ma lecture a été en dent de scie, jusqu'à ce que je me concentre sur l'action et que je passe parfois en lecture rapide pour éviter de m'appesantir sur le style trop « lourd ». D'autres erreurs de jeunesse : la description de ces jeunes de banlieue, au début un peu trop caricaturaux (avec la conversion à l'Islam de Yann…) ou le soudain revirement de Toni qui, en une seule sortie en mer, semble avoir eu comme une épiphanie.

Et puis la fin, alors que le roman a pris un rythme intéressant, que la tension monte comme elle le doit, l'auteur nous livre un final trop rocambolesque, trop américain – ponctué de quelques métaphores très mal trouvées (lorsqu'une victime flotte et qu'elle en devient soudainement superbe par exemple). Une histoire qui aurait mérité une autre issue, pas forcément plus optimiste mais une fin travaillée différemment. Ici, c'est peu crédible et trop rapide. Comme si, cette partie-là n'intéressait plus personne.

Voilà, un premier roman prometteur, j'ignore si l'auteur reprendra la plume. Il y avait du très bon et du moins bon. J'ai choisi de ne garder en tête que le bon. Jos et Caroff et la Bretagne, et la tempête. J'aimé René et Josette, beaucoup moins les méchants, un peu trop simplistes. J'ai aussi aimé le goût du sel sur mes lèvres.

Lien : http://www.lanuitjemens.com/..
Commenter  J’apprécie          30
La quatrième de couverture laisse imaginer un roman policier sur fond maritime. On est plutôt dans le drame humain. Un drame bien noir, sur fond de vagues de la mer d'Iroise, aux reflets bleus-gris.

Caroff est un patron pécheur brestois pour qui les choses ont mal tourné. Accident en mer – de sa responsabilité disent ses collègues, qui le fuient désormais. Caroff n'a plus de bateau, plus d'avenir, que des dettes. Alors quand un gars du Sud vient lui proposer une combine pour le renflouer, il pense à sa femme, à sa fille … et à une nouvelle vie ailleurs.
Jos Brieux commence, lui, une nouvelle activité de bateau-taxi dans la rade de Brest. Un boulot pour effacer le départ de l'être aimé. le premier client de Jos est un petit couple de retraités de Camaret, dont le mari René se rend régulièrement au CHU de Brest suivre une chimiothérapie. Rapidement le courant passe avec le malade. Jos enchaîne les sorties en mer et les rencontres.
Ces deux destins tourmentés vont se croiser quelque part entre le goulet de la rade et le grand large.

Ronan Gouézec déroule son histoire d'une belle plume. Évidemment la pluie est là, les embruns aussi ; les machines des navires sont huilées, les bars remplis de fortes personnalités pas toujours commodes. Il y a même de quasi passagers clandestins : deux gamins pas sortis de l'enfance, ratés scolaires, trimbalant chaînes et breloques sur leur haut de survêt, ignorant tout des choses de la mer, même si celle-ci est à quelques centaines de mètres de leur cité.
Le résultat final n'est toutefois pas totalement concluant. A soigner la forme du récit, Gouézec oublie un peu d'avancer l'intrigue. Laquelle d'ailleurs se résume à fort peu de choses, et part parfois dans le caricatural.
Ce sont les quelques moments d'amitié entre Jos et René, l'ancien, qui touchent le plus le lecteur. Quelques moments de grâce lors d'une ballade à l'île de Sein; quelques moments de vie arrachés à la maladie.
Commenter  J’apprécie          292
Ce roman noir a pour personnage principal la rade de Brest, qui nous est décrite avec beaucoup de précision et de poésie. Dans une très belle écriture, l'auteur nous plonge dans cette Bretagne sombre, pluvieuse et âpre, de marins, bien loin du paysage de carte postale habituel. La pluie, le vent et la mer sont omniprésents et fournissent un décor parfait au roman. J'ai beaucoup aimé toute cette atmosphère pesante, moite et palpable. L'auteur a une superbe plume.
La première partie du roman, qui nous fait découvrir les personnages en alternant les points de vue, m'a bien plu aussi. En revanche, au fil de la lecture, j'ai décroché. le style se fait plus descriptif, les scène d'action plus présentes et les magouilles prennent de l'ampleur aux dépens de la psychologie des personnages. Et ce n'est pas mon truc !
Malgré ce bémol, c'est un bon premier roman, très cinématographique. On s'y croirait !
Commenter  J’apprécie          40
La Feuille Volante n° 1300

Rade Amère- Ronan Gouezec – Rouergue noir.

La rade, c'est celle de Brest, une ville de marins battue par les vents de l'océan où vivent deux personnages, Jos Brieuc, un ancien libraire divorcé qui a fondé une entreprise de taxi maritime. Il est à ce point seul qu'il s'accroche encore désespérément à son ex-épouse et que les yeux d'une simple passante suffisent à le bouleverser. Pour lui la vie ressemble à une véritable galère. Caroff, un ancien marin-pêcheur qui, il y a quelques années a voulu braver la mer en furie et a perdu un matelot de seize ans. Cette mort lui colle à la peau, il est rejeté par ses anciens collègues, n'ose plus sortir en mer et depuis, sans travail, il vit avec sa femme et sa fille dans un pauvre mobile-home, rêve de remettre son vieux rafiot à la mer pour peut-être gagner l'Irlande et laisser derrière lui cette vieille histoire. Ces deux hommes, cabossés par la vie, qui ne se connaissent pas et qui n'ont à priori aucune chance de se rencontrer vont pourtant se croiser par le plus grand des hasards . Il y a aussi un troisième personnage, un petit délinquant, Delmas, qui propose à Caroff un travail pas très net, une combine tordue, des colis à récupérer en mer et qu'il va cependant accepter parce qu'il pense que cela peut arranger les choses pour lui. En fait, elle va les compliquer, le faire sortir d'un enfer pour le précipiter dans un autre. Pourtant, même si ce « travail » n'est pas très clair au début, Caroff choisit de s'y impliquer, d'y voir une chance pour lui et pour sa famille. Il prend les choses en mains, les organise, dirige et même transforme les deux loubards d'une cité voisine que Delmas lui a adjoint pour le surveiller. Eux qui n'avaient jamais mis les pieds sur un bateau deviennent ses matelots puisque, pour donner le change, Caroff reprend la mer sur son vieux rafiot et pose à nouveau ses casiers au large. Cette activité, pour marginale qu'elle soit, fait de lui un homme nouveau, déterminé à se sortir de l'adversité, d'envisager une nouvelle vie en Irlande.

Ce livre est le premier roman de l'auteur. On sent les embruns, la pluie bretonne, le bruit du ressac, l'écume des vagues, le cris des goélands, on navigue entre les balises du chenal et le lecteur apprend des détails techniques de navigation, de timonerie, de mécanique puisque Gouezec, lui-même Breton, sait de quoi il parle.

Ces deux histoires sont, sans mauvais jeu de mots, des tentatives de « remises à flot » face à l'adversité qui frappe les hommes au cours de leur vie. Tout au long de ce roman, le lecteur a de la sympathie pour Caroff et pour Brieuc qui cherchent à s'en sortir, même si ce dernier poursuit ce but louable sur un terrain délictueux où l'argent est trop facilement gagné. Ils sont tous les deux marqués par la poisse et on sent bien que, quoiqu'ils fassent, qu'ils ne parviendront jamais à s'en sortir. C'est un peu comme si toutes leurs tentatives étaient d'avance promises à l'échec et l'épilogue est là pour conclure à sa manière que ces hommes sont destinés à être le jouet du hasard et de la malchance. Cette prise de conscience donne le vertige.

Le style est celui d'un roman noir mais avec des moments émouvants et poétiques parfois et aussi avec des parenthèses en italique, comme si une petite voix extérieure ponctuait la pensée de chacun.


© Hervé Gautier – Décembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
Commenter  J’apprécie          60
RADE AMERE de Ronan Gouézec
Très inhabituel pour moi, j'ai lu un polar. Un roman noir qui n'aurait jamais pu me rencontrer, sans les conseils avisés d'un lecteur que j'apprécie et que je remercie.
Je me suis sentie tout de suite dans la touffeur, oppressante, cuisante un poil effrayante, et bruyante d'un port Breton.
La "domination" de l'histoire m'a écrasée.
De ce premier livre de l'auteur, j'ai apprécié toutes les graines à germer, tout le vocabulaire éclatant et ample, de cette plume magnifique que j'aimerai lire dans un autre genre littéraire,
Un personnage cabossé, crevassé, fracturé, à cran et au bout de tout, qui mettra tout en oeuvre pour s'en sortir dans les somptueux paysages de la Bretagne de l'auteur, à l'atmosphère si particulière où c'est toujours l'hiver où tout craque dans ces noirs pesants et sombres.
Les mots de l'auteur qui se glissent dans les moindres craquelures de ces âmes déchirées par des douleurs enfermées dans leurs poitrines, comme autant de cercueils qu'ils transportent tout le temps... font de ce roman intense et Finistérien, un fresque sociologique qui nous laisse sans repos. On peut regretter cependant la belle histoire d'amitié pas très creusee mais se réjouir du caractère ( des) Brestois plus vrai que nature(pour autant qu'un fille du Sud puisse en juger) et de l'évocation si parfaite des bistrots de Brest et de l'île de Sein.
Dans ce roman noir cousu de plusieurs romans : roman d'amitié et d'amour, comparses troubles et complexes j'entrevois des suites que je demanderai volontiers à Ronan Gouézec autour d'une bolée ou deux...
La fin quelque peu "debridee" ne donne pas une note apaisée, mais denote peut être de la pratique de l'ellipse littéraire par l'auteur qui a passé sous silence ce qu'il a voulu faire découvrir aux lecteurs et qu'il rétablit en bloc a la fin.
Cependant, l'humour de l'auteur, dans une peinture des hommes du Sud et de leurs clichés, différents des Bretons forcément, saouls du matin au soir, qui ne peuvent imaginer qu'on puisse rêver de Bretagne pour les vacances, dans ces plages désertes, ont bien fait rire la femme du Sud qui n'attend qu'une semaine pour s'y échapper...
Malgré la noirceur, je vous le recommande pour l'écriture de Ronan Gouézec publié aux Éditions Rouergue noir.
Commenter  J’apprécie          51
« Qui voit Sein voit sa fin ».

Brieuc et Caroff sont dans une mauvaise passe. Ces deux Finistériens voient dans la mer une planche de salut. Brieuc sort d'une rupture difficile et a cédé sa librairie pour créer une activité de bateau-taxi. Caroff est miné par la pire des infamies pour un marin-pêcheur : il a perdu un homme d'équipage en mer. Privé de son chalutier, il vivote avec sa femme et sa fille jusqu'au jour où un inconnu lui propose de participer à un trafic lucratif. Mais confier son destin à la mer n'est pas sans danger. Elle peut se déchaîner sans délai et écraser les existences comme de modestes rafiots.

La rade, c'est celle de Brest et on se plait dans ce roman à passer le goulet pour naviguer en mer d'Iroise, au large de l'île de Sein. Ronan Gouézec décrit le port et son environnement et les conditions de vie pénibles des travailleurs de la mer.

L'auteur réussit à créer des atmosphères particulières, et cela commence dès les premières lignes, sous une pluie furieuse, dans un rade du port dont on devine l'humidité, l'exiguïté, le brouhaha. On ressent une tension qui porte en elle les germes de l'histoire à venir.

J'ai trouvé que les émotions des personnages étaient rendues avec beaucoup de justesse. Certaines scènes sont cocasses, je pense notamment à l'improbable rencontre entre un marin-pêcheur et deux « cailleras ». L'auteur sait également s'amuser des clichés sur la Bretagne. D'autres scènes sont poignantes ; les deux protagonistes feront des rencontres qui les guideront vers la voie d'une renaissance précaire.

Un « roman de mer », un roman amer, parfaitement maitrisé, dans lequel je vous invite à embarquer.
Commenter  J’apprécie          341
Ah, comme j'aime les romans noirs bien noirs, battus par les vents violents de l'océan et une bonne pluie glaçante qui vous saisit les os ! Pas beaucoup d'éclaircies dans ce récit bien sombre qui met en scène Jos Brieuc (oui, ça se passe en Bretagne!), un ancien libraire divorcé qui s'est lancé dans une entreprise de taxi maritime. Un bon gars qui ne va pas très bien depuis que sa femme l'a quitté et qui aimerait bien se sortir de sa solitude et de sa vie de galère… Il a réinvesti tout son argent dans l'achat d'un bateau et il compte transporter les gens autour de la rade de Brest, vers Camaret ou la pointe du Conquet. Une remise à flot qui semble plutôt partir du bon pied. J'ai dit « qui semble »…
Et puis, il y a Caroff, un ancien pêcheur qui, il y a de ça quelques années, a voulu à tout prix sortir en mer alors que le temps était menaçant. le jeune matelot de seize ans qui l'accompagnait est mort et depuis, tout le monde lui en veut de sa folle imprudence. Il vit dans un pauvre mobil-home posé sur un terrain vague avec sa femme et sa fille, ses seuls bonheurs de l'existence. Sans boulot, sans bateau, ça sent le fiasco et l'avenir lui paraît bien compromis, alors quand on lui propose de tremper dans une magouille qui rapporte - des colis à récupérer en mer -, il a beau vouloir refuser, il se dit que c'est peut-être l'unique chance qui lui permettra de partir avec sa femme et sa fille en Irlande et de couper avec cette vie pourrie dont il ne veut plus.
Deux hommes, deux destins qui n'auraient jamais dû se rencontrer...
Ce que j'ai trouvé vraiment très réussi dans ce roman, c'est la description des lieux, l'atmosphère  : on sent que l'auteur connaît la Bretagne et sait de quoi il parle. La pluie, les nuages sont omniprésents (seuls ceux qui ne sont pas du coin semblent d'ailleurs en souffrir - « en Bretagne, il pleut que sur les cons » aiment rappeler mes collègues bretons), le vent du large ne décoiffe pas que les Bigoudens, son souffle hurle la nuit, se faufile dans les moindres recoins. Tout craque, tout vibre, croule sous les rafales. Une bourrasque en appelle une autre. Il n'y a jamais aucun répit, à peine une accalmie. C'est bien sombre, bien pesant et, en même temps, magnifique, comme une peinture dans les tons gris et noir. Les contrastes de lumière sont saisissants, quasi cinématographiques. Et l'on entend l'océan gronder dans le lointain… Tous les sens sont en alerte...
Une vraie plongée dans l'atmosphère bretonne donc, l'hiver bien sûr, parce que l'été...
J'ai beaucoup aimé aussi, malgré toute la noirceur de ce texte, l'humour : je vous en donne un exemple. le gars chargé de transmettre les infos du boss auprès de Caroff est un homme du Sud, alors la Bretagne n'est pas vraiment son truc et c'est en ces termes qu'il en cause : « Des marées noires, des oiseaux crevés, des tempêtes… Il avait du mal à croire vraiment que des gens veuillent aller passer des vacances là-bas… Ou alors, il fallait être anglais ou belge... allemand à la rigueur... » ou bien « Bon, la Bretagne donc… Des plages désertes forcément, tellement il gèle, des crabes et des cirés jaunes un peu partout, des bonnets, des crêpes, des coiffes, misère… Il paraît qu'ils sont saouls toute la sainte journée... » Ça me fait rire parce que c'est exactement la façon dont les gens du Sud voient la Bretagne… Autre exemple, dans un autre domaine, assez marrant : notre Caroff se voit imposer deux loubards d'une cité brestoise qui n'ont pas franchement le pied marin, espèces de clichés ambulants, survêt' et chaînes dorées au cou, dont la description est à mourir de rire. Alors, il faut en profiter parce que pour le reste, encore une fois, l'atmosphère est comme le ciel : bien plombée. On met les pieds dans quelque chose qui ressemble à une tragédie. Ah, le destin des hommes parfois...
Dernier point pour finir de vous convaincre, l'écriture est magnifique (et ce n'est pas toujours le cas dans les romans policiers...). Espérons que l'auteur, dont c'est le premier roman, sera de nouveau inspiré par ses « vagabondages côtiers » comme le dit la 4e de couv' parce que des comme ça, on en redemande !
Une très belle réussite donc !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          171
Depuis un accident qui a coûté la vie à son jeune matelot, Caroff est un marin mis au rebut. Il survit dans un mobil-home, face à la rade de Brest, à l'écart du monde et de tout horizon d'avenir. Ce qui le tient en vie, c'est son miracle : celui de sa fille et de sa compagne. Quand sa route croise celle de Delmas, délinquant en apprentissage, Caroff voit dans la combine douteuse qu'il lui présente l'occasion de se racheter. Il reprend la mer sur son bateau qu'il avait laissé sombrer, flanqué des deux acolytes de Delmas, aussi jeunes et béotiens que dangereux. du ciel plombé de Brest, l'espoir semble avoir du mal à percer et, pourtant, Caroff se surprend à rêver d'un ailleurs…

J'ai pu découvrir ce roman en avant-première grâce à une opération « Masse Critique ».
« Rade amère » est le premier roman de Ronan Gouézec, auteur finistérien qui aime à pratiquer le vagabondage côtier et littéraire. Pour une première, c'est une réussite totale, de bout en bout !
Ce roman entremêle, de façon réussie, différentes dimensions.
« Rade amère » se veut un polar et en livre tous les ingrédients : un homme désespéré, au bout du rouleau, coincé dans la rade de Brest et mis au ban de la société ; un malfrat qui fait ses premières armes en organisant un trafic de drogue à distance, coaché par son oncle ; des complices, jeunes trafiquants d'une cité brestoise en mal d'action. Les rouages de l'action se mettent en place progressivement, et le suspens monte crescendo, l'auteur tenant en haleine le lecteur jusqu'au bout.
« Rade amère » est aussi un roman social qui explore différents territoires en marge de la société : celui d'un homme qui a – presque – tout perdu ; ceux des hors-la-loi qui dessinent leur propre géographie ; ceux qui essaient de se créer un nom et une activité rentable, voire utile, dans les clous de la légalité.
Mais « Rade amère » est d'abord et avant tout un roman noir qui sonde les failles de l'âme humaine, ses deuils impossibles, ses douleurs bien arrimées, son envie de s'en sortir quoi qu'il en coûte. Et ce roman noir sort du lot en ce sens que l'auteur insuffle une touche personnelle, vécue, c'est-à-dire ici maritime, à l'intrigue. Derrière chaque description, chaque action, la mer, en ce qu'elle a de libérateur ou d'enfermant, est présente et on sent sa pulsation, le souffle de ses vagues jusque dans les maisons. En creux des mots qui se déploient linéairement, on entend la pluie marteler ses notes lancinantes, l'humidité remonter des fonds de la rade de Brest, le vent cingler les mâts et les hommes, le calme soudain et radieux des eaux à l'étale ; et l'on se laisse porter par la plume voyageuse de l'auteur et l'on se prend à guetter dans le ciel du Finistère nord une éclaircie, une accalmie pour des protagonistes auxquels on s'attache.
« Rade amère » est un polar intensément maritime et humain qui fait vibrer de bout en bout…

Je tiens à remercier Babelio et les éditions du Rouergue pour ce formidable moment de lecture.
Commenter  J’apprécie          50
Les deux personnages principaux n'ont rien de commun si ce n'est que de vivre tous deux dans la rade de Brest.

D'un côté, Caroff – un ancien marin pêcheur - se voit confier un travail inattendu qu'il ne peut refuser. Il en connaît pourtant le danger qui risque de l'entraîner vers un destin tragique.

De l'autre côté, Brieuc, qui démarre son activité de taxi-bateau avec tout le côté positif de cette nouvelle activité.

Leur vies vont pourtant de croiser entraînant avec eux celles des personnages secondaires du roman. Aucun d'eux ne semble être maître de son destin. Ils se laissent guider, voire malmener, sans vraiment pouvoir intervenir. On se prend cependant volontiers de sympathie pour tous les protagonistes, enfin…. presque tous…

Comme la houle de la rade de Brest contre laquelle les marins ne luttent pas, les deux personnages sont entraînés dans un flot que ni le temps, ni les relations humaines qui se nouent, ne peuvent mettre un frein à ce qui semble être inexorable.

J'ai beaucoup apprécié le vocabulaire riche et varié. La lecture des virées en mer ou dans les bars est tellement bien illustrée qu'on visualise sans mal les scènes. On est presque dans une descriptions de scènes cinématographiques plutôt que dans la lecture d'un roman noir.

Ce premier roman donne envie d'attendre les suivants.
Commenter  J’apprécie          60
Comment rebondir pour envisager un avenir lorsque la vie vous accable et que l'horizon fait le gros dos comme une mer déchainée ? Qu'est-ce-qui fait que vous défiez l'adversité ? Comment un homme puisse imaginer se sortir de son enfer en entrant dans un autre ?
C'est pourtant ce que Caroff, héros de cette histoire, va penser ! Pour se remettre de la mort accidentelle de son matelot qui l'a mis au ban de la petite société de pêcheurs et de son univers, il accepte de faire le passeur, sorte de go-fast maritime, et espère ainsi avoir les moyens de tourner la page pour envisager une autre vie avec sa femme, dont il forme un couple fusionnel, et leur petite fille, le soleil de leur union.
Du coup, racontez ainsi, l'histoire apparaît biscornue et irréelle ! Mais, c'est sans compter sans le talent de l'auteur qui signe ici son premier roman. Ronan Gouézec réussit à endormir tous nos signaux, à justifier l'injustifiable et à nous faire trembler pour ce héros si entier.
En suivant Caroff, on suit aussi un autre homme, Brienc, qui essaye lui aussi de tourner la page de l'adversité mais, lui, en toute légalité. Est-ce que ces chemins identiques feront la différence. Je vous laisse le découvrir !
Ronan Gouézec nous entraîne au milieu de cette mini-société d'hommes de mer confrontés à la rudesse du travail, où la parole est accessoire et où le courage est omniprésent. Ici, peu de dialogue mais des descriptions superbes qui immergent le lecteur dans cet univers particulier au coeur de cette nature omniprésente. le film de cette histoire s'écrit avec des mots mais se déroule avec des images! Tenu en haleine jusqu'à la fin, Rade amère porte bien son nom !
Lien : https://vagabondageautourdes..
Commenter  J’apprécie          100



Autres livres de Ronan Gouézec (1) Voir plus

Lecteurs (127) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2906 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}