La vie devant soi, c'est avant tout l'histoire d'une vieille femme juive prénommée Madame Rosa et d'un enfant musulman prénommé Mohammed, aka Momo, qui veillent l'un sur l'autre avec une tendresse hors du commun. Momo, 10 ans, narrateur du roman, raconte son enfance à Belleville, – quartier multiculturel parisien – une façon pour lui de rendre hommage à Madame Rosa. Celle-ci est décrite comme une femme qui « se défendait » – terme utilisé par Momo pour designer une ancienne prostituée -, et qui tient désormais une « une pension sans famille pour les gosses qui sont nés de travers », ou encore une pension clandestine pour garder les enfants des prostituées. C'est cette mère de substitution, cette femme d'un certain âge, « grosse » et « laide », pour reprendre les mots de Momo, qu'il rencontre à l'âge de 3 ans, et qu'il ne quittera plus jamais. S'ensuit un récit particulièrement touchant, où humour et tragique cohabitent d'une manière brillante. C'est notamment les mots enfantins utilisés par Momo, certaines fois déformés, mal employés, qui donnent à la fois ce côté humoristique au récit, tout en renforçant le tragique de la situation. Son franc parler nous ramène à la réalité, et nous rappelle que ces expériences d'adultes sont avant tout vécues par Momo, qui n'est encore qu'un gamin. Et il n'en sort pas indemne. C'est cette phrase présente dans le roman qui le montre particulièrement : « je tiens pas tellement à être heureux, je préfère encore la vie. » Pour lui, le bonheur et la vie sont donc incompatibles, car il faut dire que la vie n'a pas non plus été tendre avec lui. Si le titre de l'ouvrage s'intitule
La vie devant soi, Momo rêve de pouvoir tout faire revenir en arrière, comme dans cette salle de doublage où il a atterri un jour par hasard.
La vie devant soi, c'est aussi une leçon de tolérance envers prostituées, personnes âgées, travestis, travailleurs immigrés, enfants de la rue, juifs, musulmans… En filigrane, le thème de la fin de vie est également au coeur du roman. C'est ce qui fait que plus de quarante ans après sa publication, cet ouvrage est plus que jamais d'actualité, au moment où une Convention citoyenne sur la fin de vie a rendu ses conclusions en avril 2023. En bref,
La vie devant soi est une vraie claque, un roman dans lequel on rit, on pleure, on se questionne. Un roman d'une actualité brûlante, à lire et à relire, sans modération.