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Mireille Vignol (Traducteur)
EAN : 9782350879079
368 pages
Editions Héloïse d'Ormesson (09/11/2023)
4.08/5   64 notes
Résumé :

Stasiland est le roman de la Stasi,la redoutable police secrète de l'Allemagne de l'Est. Malgré la chute du mur de Berlin, cette terrible époque hante encore victimes et anciens agents. Ainsi, Miriam Weber, seize ans, détenue plusieurs jours pour un interrogatoire après avoir tenté de franchir le Mur. Herr Winz, nostalgique du communisme, cette période " bénie " où tous avaient du travail. Ou encore cet indic qui se faisait passer pour aveugle afin de mi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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« L'immeuble semble avoir été conçu sur le même principe architectural de polyvalence que tous les autres bâtiments : le « Runden Ecke » (musée de la Stasi) à Leipzig et le QG de la Stasi à Normannenstrasse , les prisons, les hôpitaux, les établissements scolaires ou administratifs de tout le pays et sans doute aussi l'intérieur du palais de la République marron. D'ici à Vladivostok, voici la contribution du communisme à l'art de la construction : linoléum, ciment gris, amiante, béton préfabriqué et toujours et encore des couloirs interminables et des pièces polyvalentes. Et derrière chaque porte, tout était possible : interrogatoires, emprisonnements, examens, enseignements, administration, abri nucléaire, ou, dans ce cas précis, propagande. »

Anna Funder est australienne. Elle s'est toujours intéressée à l'Allemagne jusqu'à étudier l'allemand à l'école à la grande déception de sa famille qui considérait cette langue comme celle de l'ennemi.

En 1996, elle loue à Berlin-Est un petit appartement afin de s'immerger dans le Berlin d'avant la chute du mur et de partir à la découverte des lieux emblématiques de la STASI : La redoutable police secrète de cet état policier. Journaliste, elle se trouve un job à mi-temps à la télévision de l'ex Berlin-Ouest et part en quête de témoignages.

C'est abasourdie que je referme ce livre. J'ai beau avoir lu plusieurs ouvrages sur toutes les formes de dictatures, je suis toujours médusée par la capacité d'innovation dont peut faire preuve l'être humain afin d'asservir ses semblables : Les asphyxier dans un régime pervers pour mieux asseoir son pouvoir. Si seulement il pouvait mettre la même créativité au service de la philanthropie. Et cela fonctionne, cela conditionne, cela alimente la délation, cela fait appel aux plus bas instincts de l'individu, c'est difficile de résister !

Anna Funder nous convie à une enquête qui tente de s'approcher au plus près de la réalité de cet état policier en revenant en Allemagne quelques années après la chute du mur de Berlin. Elle se transforme en guide touristique et nous propose des visites extrêmement détaillées de « ces palais au lino marron » dont tout superflu est banni « adieu l'esthétique ». Elle va à la rencontre des allemands de l'ex Berlin-Est pour les écouter, recueillir leur témoignage et découvrir avec nous la réalité du « Rideau de fer », ce terrible « régime camisole » qui s'est abattue sur cette partie de l'Allemagne. Si ce récit « fait froid dans le dos », il est aussi passionnant, animé, c'est une véritable plongée oppressante dans une société anesthésiée par la peur, une oeuvre choc et réussie.

Mi-1989, les premières manifestations (les manifestations du lundi) éclatent après les prières pour la Paix à l'église Saint-Nicolas-de-Leipzig. « La démocratie c'est maintenant ou jamais » - « La Stasi dehors ! ». Elles font tache d'huile et atteignent Erfurt, Halle, Dresde et Rostock. La première faille dans le système est ouverte, rien ne pourra plus arrêter l'Histoire. Sous la plume vibrante d'Anna Funder, je suis partie avec entrain à la suite du peuple de l'Allemagne de l'Est. Plus rien ne pouvait arrêter la mécanique. « le goût de la Liberté est un goût à nul autre pareil. »

Emouvants et instructifs tous ces entretiens avec des personnes ayant eu affaire à la Stasi comme le récit incroyable de Miriam, de Julia, terrible et ahurissant celui de Frau Paul dont l'enfant gravement malade se retrouve dans un hôpital de Berlin– Ouest alors que les parents résident à Berlin-Est, troublantes les déclarations de ces nostalgiques du communisme, sidérantes les confessions des anciens de la Stasi.

Mais comment vivre après une dictature ? Après tant de souffrances, de privations, de peur, de délations, les vieux réflexes viennent encore empoisonner le quotidien de toutes ces personnes. Les stigmates de cette période sont encore à vif et c'est parfaitement bien décrit dans cet ouvrage. Tous ces témoignages révèlent l'anéantissement psychologique des opposants et le conditionnement dogmatique des autres. le mur s'est immiscé dans leur tête!

Et le comble « L'association des anciens de la Stasi » va tout mettre en action pour empêcher la parution du livre d'Anna Funder et ce : au nom des droits de l'Homme !

Ce pays réunifié s'est promis de faire la transparence sur cette période d'Inquisition modèle soviétique. Dans ce livre, il y a des découvertes inconcevables tels que les « bocaux d'odeurs, la chaîne noir ». Mais aussi les femmes-puzzles !

Après ce livre, j'ai très envie de partir à la découverte de cette Allemagne que fut la RDA !

Petit bémol : il y a une erreur dans ce livre et une confusion certainement liée à la traduction. Il est question de la ville de Lindau en RDA à trente kilomètres de Dessau. Impossible, Lindau est au bord du Lac de Constance, en Allemagne de l'Ouest, en zone française, à six cents kilomètres de Dessau. Originaire de la ville de Chelles, nous sommes jumelés avec Lindau et mes enfants ayant fait allemand première langue, sont partis en stage à Lindau. C'est en connaissance de cause que je souligne cette erreur. Maintenant, je ne peux dire de quelle ville il s'agit, je n'ai trouvé aucune ville dont il pourrait s'agir.

Si vous avez aimé le film « La vie des autres », vous aimerez le livre d'Anna Funder.

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S.T.A.S.I, Le ministère de la Sécurité d'État, ces initiales font encore frémir à notre époque.
Ce livre nous fait découvrir ce que voulait dire « vivre » sous le régime totalitaire de l'ex R.D.A, que l'on pourrait décrire comme une immense prison.
Avec quelques témoignages représentatifs, l'auteur arrive à décrire l'absurdité d'un état paranoïaque, dont le symbole est cette balafre à ciel ouvert, ce mur, qui revient de manière lancinante dans le récit.
On peut regretter la manière qu'a l'auteur de se « raconter », même si elle démontre les obstacles qu'elle a dû surmonter.
Un livre très instructif, une immersion dans le quotidien des « ossies », mais également sur l'après « chute du mur » et les réactions paradoxales de certains allemands de l'est.
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Hiver 1996. Anna Funder, jeune australienne, travaille à Berlin pour une chaîne de télévision où elle répond au courrier des téléspectateurs. C'est à la lecture de certaines de leurs lettres qu'elle décide d'enquêter sur une sombre période de l'histoire allemande, plus précisément sur ce pays qui n'existe plus depuis seulement 35 ans : la République Démocratique Allemande (RDA). Elle passe une annonce pour recueillir des témoignages, visite certains lieux emblématiques de l'ex-Allemagne de l'Est (ses prisons, son parlement…). Elle nous entraîne dans des ambiances grisâtres, des endroits caractérisés par une austérité triste et vieillotte que symbolise le lino marron que l'on retrouve dans la plupart des édifices est-allemands. Son but est de "donner une perspective sur un monde perdu et différentes formes de courage qu'il a engendrées".
Comment passe-t-on de la volonté de bâtir un monde meilleur sur les cendres du passé nazi à l'organisation de l'Etat "le plus étroitement surveillé de tous les temps" ?

Car évoquer la RDA, c'est inévitablement évoquer la Stasi, son service d'espionnage et de répression, pilier central du pouvoir d'Etat, à la fois épée et bouclier d'un régime communiste qui sans elle et la menace des chars soviétiques volant à son secours en cas de besoin, n'avait aucune chance de survivre.

Il suffit de citer quelques chiffres pour réaliser l'ampleur de sa domination : la Stasi, c'était 97 000 employés pour 17 millions d'habitants et plus de 173 000 indicateurs disséminés dans la population (ce qui représente une personne sur 63 contre, à titre de comparaison, une sur 2000 pour la Gestapo, ou une sur 5830 pour le KGB), proportion qui permettait une infiltration totale du domaine public mais aussi de la sphère privée (écoles, usines, cafés, immeubles, médias…). Elle interceptait chaque jour des dizaines de milliers de coups de téléphone, ouvrait des centaines de courriers, avait placé des micros dans de multiples établissements pour espionner diplomates, dirigeants d'hôpitaux, d'universités ou de centres sportifs d'élite…

En quarante ans d'existence, elle a ainsi constitué une somme d'archives monumentale, équivalant à celles de toute l'Allemagne depuis le Moyen-Age.

La propagande entretenait le dogme et sa mythologie : l'amélioration de l'homme grâce au communisme, la désignation des Allemands de l'ouest comme seuls responsables du nazisme, l'absence de toute délinquance et de toute perversion au sein de l'Etat est-allemand.

Les moyens mis en oeuvre -harcèlement, contrôle, surveillance…- pour atteindre son objectif (tout savoir sur tout le monde), ont anéanti toute possibilité de vie privée. L'absurdité de certaines pratiques dignes d'un mauvais film d'espionnage prêterait à sourire, si le contexte n'était pas si terrible. Je pense notamment à ces guides d'utilisation de langage codé précisant la signification d'un grattage de nez ou d'un nouage de lacet, ou de ces bocaux censés contenir des échantillons d'odeurs identifiant les individus surveillés…

Tout ce qui n'allait pas dans le sens d'une adhésion et d'une soumission totales au régime et à ses valeurs était considéré comme un acte de sédition et puni comme tel, au moyen de pressions et de menaces, d'emprisonnements et de tortures (surtout psychologiques), mais aussi de la suppression de toute perspective d'emploi ou, pour les plus jeunes, de poursuite d'études.

L'enquête d'Anna Funder, en s'appuyant sur de nombreux témoignages de victimes et d'anciens agents de la Stasi, compose un échantillon représentatif d'un contexte à peine imaginable, qui se pare d'une dimension cauchemardesque. Elle donne à voir, de manière concrète, les vies brisées et empêchées, les résistances et les refus de collaborer, mais aussi les rouages qui ont permis le fonctionnement et le maintien du système, de l'employé zélé qui agissait par sens aigu du respect de la loi ou dans la droite ligne d'une éducation marquée par la propagande du régime, aux idéologues qui même après la chute du mur, n'ont pas renoncé à leurs convictions, et revendiquent ce que les Allemands qualifient d'Ostalgie.

Certains récits sont très émouvants, suscitent la tristesse autant qu'ils forcent l'admiration, comme celui de ce musicien interdit de jouer, qui a résisté par le rire et le refus de tout compromis, ou encore ceux de ces femmes qui malgré les risques encourus et les vexations subies, n'ont jamais renoncé à lutter, telle Miriam, devenue ennemie de l'état à 16 ans suite à une tentative d'évasion, qui a cherché des années durant à faire la lumière sur les circonstances de la mort, en prison, de son fiancé Charlie ou Frau Paul, dont le bébé très malade, avait été hospitalisé à l'ouest….

Le recul de la dizaine d'années écoulée depuis la chute du mur lui permet par ailleurs d'analyser le positionnement des Allemands par rapport à cette période récente de leur Histoire. Un positionnement ambivalent, oscillant entre volonté de réparation et déni.

Les manifestations des citoyens ex allemands permis en 1990 l'ouverture et la consultation des dossiers personnels les concernant. Et un groupe de femmes puzzle a été constitué, à Nuremberg, pour reconstituer les tonnes d'archives déchirées par les membres de la Stasi à la fin de son règne. Mais elles le font à la main -c'est donc une mission impossible-, parce qu'il revient trop cher de le faire par ordinateur. Et on hésite entre détruire ou transformer en mémorial certains lieux emblématiques de la RDA. Quant aux anciens membres de la Stasi, loin d'être poursuivis, ils continuent pour la plupart d'occuper d'éminentes fonctions.

Un tabou entoure tout ce qui a trait à l'ex-Allemagne de l'Est, dont l'histoire est mise sous verre. le besoin de justice et de reconnaissance des victimes de la Stasi est ainsi déniée, et la difficulté à réconcilier les deux types d'allemands qui en quarante ans se sont constitués, occultée.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Je commence par ce qui m'a gêné : ce roman est mal écrit, j'ai dû relire certaines phrases plusieurs fois pour en percer le sens. D'ailleurs, est-ce vraiment un roman ? Qu'y a-t-il d'inventé dans ces pages ? Tout ? Rien ? Et si la vie quotidienne en Stasiland était un roman, c'était un roman noir.

Je continue par ce que j'ai appris :

* tous les vêtements étaient étiquetés Manufacture du Peuple (si vous traversiez la frontière, vos vêtements pouvaient vous trahir)

* vous pouviez ne pas avoir d'emploi par ordre de la Stasi, ce qui rendait impossible à Amnesty International une quelconque action

* vous n'étiez pas chômeur (il n'y avait pas de chômeur en RDA), vous étiez en recherche d'emploi

* le parti a inventé la danse branchée Lipsi pour répondre à Elvis et au rock'n roll, une danse qui mêle des pas de danse grecque, de gigue irlandaise, de valse, sur un air de bossa-nova

* la Stasi avait irradié des personnes et des objets qu'elle voulait traquer (livres, pneus…). le Bureau des dossiers de la Stasi recommande donc aux anciens prisonniers d'effectuer des examens médicaux réguliers

* les cartes est-allemandes comportaient des zones blanches correspondants aux zones qui abritaient des bâtiments de la Stasi, qui avait une prison en plein Berlin

* les femmes-puzzles (il y a aussi des hommes) de Nuremberg mettront plus de 400 ans pour reconstituer les dossiers broyés (ce qui montre le peu de cas que l'Allemagne fait de ces archives)

* le QG de la Stasi était imprégné d'une odeur de vieillards, d'après la femme de ménage qui n'arrivait pas à la faire partir

* le patron de la Stasi, Erich Mielke, n'avait que le mot pouvoir à la bouche, mais à tout de même demandé à consulter son dossier secret

Ce qui intéresse l'auteure, c'est de savoir comment les gens jugent leur décision passé maintenant que tout est fini : certains hauts gradés rencontrés rêvent du retour des beaux jours ; les anciens prisonniers ont encore le Mur dans la tête (ils craignent son retour à tout moment).

Bien sûr, le roman 1984 d'Orwell était interdit, car la vie des est-allemands correspondaient à la fiction.

Certains habitants pratiquaient l'émigration interne (à la maison, on vivait sans les codes du Parti) pour pouvoir au-dehors supporter les mensonges du pouvoir.

A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, il n'y a pas eu de procès des nazis à l'est. de même après la chute du Mur, il n'y a pas eu de procès des cadres de la Stasi ni du Parti.

L'image que je retiendrai :

Celle du lino omniprésent, l'auteur ayant l'impression de baigner dans le lino marron partout et tout le temps.
Lien : https://alexmotamots.fr/stas..
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Sept ans après la chute du Mur de Berlin, Anna Funder, journaliste australienne passionnée par l'Allemagne et son histoire, est partie en ex-RDA sur les traces des victimes du régime communiste et des dirigeants de la Stasi, l'ancienne police secrète du régime de l'Allemagne de l'Est. Les témoignages qu'elle a pus recueillir nous révèlent des vies ordinaires brisées et des histoires individuelles glaçantes. Dans un monde ultra surveillé où la paranoïa, la manipulation et la délation déformaient la vérité, les victimes avaient peu de chances de pouvoir se défendre. Tel est le cas de Myriam arrêtée à seize ans pour avoir distribué des tracts et qui recherche toujours les circonstances de la mort de son mari soi-disant suicidé pendant son incarcération. C'est également Julia, emprisonnée pour être tombée amoureuse d'un Italien et pour ne pas avoir voulu coopérer avec la Stasi contre sa famille. Des victimes de ce régime policier et totalitaire, il y en a encore beaucoup… Anna Funder s'est également intéressée aux bourreaux et a pu en rencontrer quelques-uns. Elle nous parle ainsi de cet agent zélé qui se faisait passer pour un aveugle afin de mieux espionner les gens à leur insu. Très souvent, c'est la nostalgie qui se ressent dans leur propos, mais certainement pas les regrets pour les brimades et les tortures de gens arrêtés arbitrairement.

« Stasiland » nous décrit une époque hallucinante, une société où la vie quotidienne était totalement oppressante. La machine infernale de la Stasi y est parfaitement décrite entre les méthodes de surveillance, les arrestations arbitraires et les interrogatoires où menaces et manipulation psychologique était le mot d'ordre. Si cette enquête se lit comme un roman, c'est avant tout parce qu'Anna Funder n'a pas caché son émotion face aux propos qu'elle recueillait. Les entretiens sont mêlés à ses propres observations, ce qui dénote parfois en effet un manque d'objectivité. Pour autant, son livre est le remarquable témoignage d'une période complexe et revient sur l'histoire d'une partie d'un pays qui, de manière stupéfiante, est passé d'un régime totalitaire à un autre. Surtout, la journaliste australienne permet aux victimes d'exprimer leur douleur et leur incompréhension et révèle des personnes partagées entre la volonté de se souvenir et d'oublier.

Un récit passionnant donc, teinté de l'empathie de l'auteur pour les victimes de la Stasi, mais qui a le mérite de nous faire découvrir une période de l'histoire de l'Allemagne de manière très vivante. J'ai pour ma part été totalement immergée dans cette enquête. Une très bonne lecture.
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critiques presse (1)
Culturebox
07 décembre 2023
La justesse de son propos et son second degré (omniprésent et indispensable face à l'absurdité quotidienne) ressortent des témoignages et de ses observations et rendent le livre d'une acuité rare.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
En 1948, les Russes avaient décidé qu'ils en avaient assez de cet îlot d'impérialisme capitaliste que représentait Berlin-Ouest. La ville grouillait d'espions de pays ennemis. C'était une base des alliés en territoire socialiste. Les forces de Staline imposèrent un siège moderne en coupant les routes de ravitaillement qui traversaient l'Allemagne de l'Est pour rejoindre Berlin-Ouest. La nuit du 24 juin 1948, ils coupèrent la centrale électrique placée à l'Est qui approvisionnait la ville. L'objectif : affamer les Berlinois et les plonger dans le noir.
Mais les alliés n'étaient pas disposés à sacrifier deux millions de Berlinois de l'Ouest. De juin 1948 à mai 1949, ils ravitaillèrent la ville par avion. Pendant cette période de près d'un an, les appareils américains et britanniques effectuèrent 277728 ponts aériens dans l'espace soviétique pour larguer de la nourriture, des vêtements, des cigarettes, des médicaments, du carburant et du matériel - dont des pièces pour la construction d'une nouvelle centrale électrique destinée à alimenter Berlin-Ouest.
A l'Ouest, les appareils furent rapidement surnommés les "rosinenbomber", les "bombardiers de raisins" car ils apportaient de la nourriture. Mais à l'Est, on racontait à Koch et à ses camarades de classe qu'en survolant le pays, les avions ennemis vaporisaient des doryphores pour détruire les récoltes de pommes de terre est-allemandes.

Page 212
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Des documents trouvés après la chute du Mur dévoilèrent des plans méticuleux, préparés dans les années quatre-vingt, pour la surveillance, l'arrestation et l'incarcération de 85939 ressortissants est-allemands, nommément cités. Le jour X - - jour où une alerte, n'importe laquelle, serait déclenchée - - les officiers de la Stasi de 211 antennes régionales avaient l'ordre d'ouvrir des enveloppes cachetées qui renfermaient une liste de gens à arrêter.

Les arrestations devaient s'effectuer rapidement : 840 personnes toutes les deux heures. Les plans renfermaient également l'autorisation d'utiliser toutes les prisons et tous les camps disponibles. Quand ils seraient pleins, ils prévoyaient la reconversions d'autres bâtiments : anciens centres de détention nazis, établissements scolaires, hôpitaux et villages de vacances d'entreprises. Rien n'était laissé au hasard. L'emplacement de la sonnette sur la maison de chaque personne à arrêter était soigneusement noté ainsi que la longueur de fil de fer nécessaire pour les camps. Le règlement intérieur et le code vestimentaire étaient déjà prévus : brassard "vert, 2 cm de largeur" pour les plus âgés de la cellule, "vert avec 3 bandelettes de 2 cm" pour les plus âgés du camp et jaune avec l'inscription SL en noir pour les chefs d'équipe, à porter au bras gauche.

pages 85/86
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La Stasi était l'armée interne qui permettait au gouvernement de garder le pouvoir. Son rôle était de tout savoir sur tout le monde, par tous les moyens. Elle savait qui vous avait rendu visite, qui vous téléphonait et si votre femme vous trompait. C'était une bureaucratie métastasiée dans la société est-allemande : ouvertement ou secrètement, des indicateurs renseignaient la Stasi sur leurs compagnons et amis dans toutes les écoles, toutes les usines, tous les immeubles résidentiels et tous les cafés. Obsédée par les détails, la Stasi n'a absolument pas vu venir l'effondrement du communisme, qui allait entraîner l'effondrement du pays. Entre 1989 et 1990, elle a été complètement retournée : unité d'espionnage staliniste un jour, musée le lendemain. En quarante années d'existence, la quantité de renseignements récoltés par la Stasi était aussi volumineuse que les archives historiques de toute l'Allemagne depuis le Moyen-Age. Disposés les uns à côté des autres, les dossiers de la Stasi seraient étendus sur cent quatre-vingts kilomètres.

Page 16
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Dans ce pays
Je me suis écœuré de silence
Dans ce pays
Je me suis égaré, perdu
Dans ce pays
Je me suis tapi pour voir
Le sort qui m'attendait.
Dans ce pays
Je me suis retenu
De ne pas hurler.
-Mais j'ai fini par hurler, si fort
Que ce pays m'a répondu
En gueulant avec la même laideur
Que les maisons qu'il bâtit.
On m'a semé
Dans ce pays
Seule ma tête dépasse
De terre, comme un défi
Mais elle se fera tondre un jour
C'est alors, et enfin, que je ferai partie
De ce pays.
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La mission de la Stasi était d'être le Bouclier et l'Epée du parti communiste, qui s'intitulait le " Parti socialiste unifié d'Allemagne" ( Sozialistische Einheitspartei Deutschlands) ou SED. Mais dans un objectif plus vaste, elle devait protéger le Parti, le protéger du peuple.
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Video de Anna Funder (1) Voir plusAjouter une vidéo

Anna Funder : Stasiland
Dans une pièce de la Cité internationale universitaire de Paris dans le 14ème arrondissement, Olivier BARROT reçoit Anna FUNDER pour son livre "Stasiland", enquête sur la police d'état de l'Allemagne de l'est entre 1949 et 1989.
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