Pierre Feillet est membre de l'Académie d'Agriculture, dans laquelle il consacre ses travaux sur la thématique "Alimentation, technologie et société". Il a publié, entre autres, un livre intitulé "
Quel futur pour notre alimentation ?" aux Editions Quae, que j'avais déjà eu l'occasion de chroniquer il y a quelques années. Dans ce nouvel opus, Pour une éthique de l'alimentation, il s'intéresse au système alimentaire défini par Louis Malassis comme "la manière dont les hommes s'organisent, dans l'espace et dans le temps, pour obtenir et consommer la nourriture".
Dans un premier temps, l'auteur illustre la complexité du système alimentaire en France, lequel comprend plus de 3 millions d'emplois. Ce premier chapitre synthétique, mais complet, montre bien tout l'écosystème qui s'est bâti, en plus des agriculteurs, pour assurer la souveraineté alimentaire de notre pays ; cela va des industries de l'amont aux entreprises de transports de marchandises, sans oublier les fabricants d'emballages alimentaires. Certains chiffres sont impressionnants : 460.000 emplois dans les industries alimentaires (70% sont transformés par cette industrie), 670.000 salariés dans la grande distribution. Il définit ensuite ce que signifie un "système alimentaire éthique" devant répondre aux enjeux de notre époque : ... relever le défi de bien nourrir l'humanité pour permettre à tous les hommes de vivre longtemps et en bonne santé, contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, respecter la biodiversité et les terres arables, protéger les comportements culturels des populations, veiller au bien-être des animaux, assurer un juste partage des créations de valeurs.
Le sous-titre du livre est intitulé "Apprivoiser la nature" et c'est l'un des points clés de l'essai.
Pierre Feillet incite à resserrer les liens entre les Hommes et la nature, notamment ceux unissant les plantes cultivées et la nature, insistant sur la nécessité de protéger les pollinisateurs, d'optimiser les échanges entre les racines et les micro-organismes et de favoriser la protection naturelle des végétaux contre les maladies et les insectes. Cette démarche, considérée comme agroécologique, n'est pas une incitation à se réorienter vers une agriculture ancienne ; il met d'ailleurs en garde contre les partisans d'une nature "intouchable" et le dévoiement du principe de précaution appliqué aux OGM (desquels il est partisan).
Deux chapitres très intéressants analysent en profondeur deux thèmes très discutés en ce moment : respect de la nature et consommation de viande d'un côté, agriculture déconnectée de la terre de l'autre côté. Sur ce second point, il passe en revue l'agriculture cellulaire, l'agriculture verticale, ou encore la production d'insectes. Les innovations réalisées sur cette dernière sont majeures et
Pierre Feillet voit dans ces "entomoraffineries" un avenir positif. Il cite cette entreprise installée désormais près d'Amiens qui "devrait produire jusqu'à 200000 tonnes d'ingrédients issus de l'élevage du scarabée Molitor, principalement des protéines, mais également des huiles, destinées à l'alimentation animale et aquacole et des engrais à base des déjections."
En conclusion, ce livre constitue une synthèse éclairante sur notre système alimentaire et les voies à emprunter pour le rendre plus éthique. Comme le signale la 4ème de couverture, il s'adresse à un public large. J'aurais aimé que l'auteur creuse davantage certains aspects (impact des changements de pratiques alimentaires sur l'utilisation des surfaces, ou encore les nouvelles tendances comme les laits végétaux, ou les laits obtenus par fermentation). Ayant précédemment lu "
Quel futur pour notre alimentation ?", j'ai retrouvé pas mal de choses communes entre les deux ouvrages, ce qui a peut-être réduit mon intérêt pour ce nouvel essai dont je conseille néamoins vivement la lecture.