J'ai aimé
le Triporteur, roman de
René Fallet, livre rencontré au hasard d'une location de vacances, mais je sais aussi qu'il ne révolutionnera pas la littérature française. D'ailleurs, sans doute est-il déjà un peu passé aux oubliettes, malgré l'adaptation cinématographique mettant en scène un
Darry Cowl espiègle et naïf, dont le zézaiement allait passer ainsi à la postérité.
Oh, ce n'est sans doute pas la meilleure cuvée de
René Fallet, pourtant ce petit roman vaut le détour et se laisse déguster avec plaisir.
Difficile de résumer l'intrigue car il n'y en a pas vraiment, à vrai dire.
Nous sommes à Vauxbrelles-en-Bourgogne (Côte-d'Or), célèbre pour son clocher du XVème siècle, son usine de boutons de porte, son bistrot le Thermomètre, la saveur des lèvres de la fille du charcutier et l'arrière-boutique de la fleuriste... Nous faisons la connaissance d'Antoine Peyralout et de ses amis. Grand dadais de dix-neuf ans, Antoine Peyralout, fils du quincailler, fait le désespoir de ses parents, il est fainéant, membre de l'Amicale des amis de la belote et du 4.21 réunis, supporter du club de football local, le R.C. Pommard et poète qui s'ignore.... Il est désigné par ses amis, - véritable confrérie maniant avec dextérité le verbe autant que le verre -, pour aller encourager l'équipe locale de football, lors de la coupe de France à Paris. Il acquière ainsi un triporteur aux enchères pour trois francs six sous, le sauve in extremis de la décharge à laquelle il était destiné, l'Amicale baptise l'épave du doux prénom d'Augustine, avec une bouteille, vide s'il vous plaît, faut tout de même pas exagérer ! et hop ! le voilà parti sur la Nationale 7 où beaucoup de rencontres et de mésaventures vont l'attendre...
J'ai aimé le charme désuet de ce road-movie façon vélocipède ou plutôt tricycle. Ce charme tient à trois fois rien...
C'est un hymne à l'amitié, à l'irrévérence et à la liberté, véritable ode du zinc, de la paresse et des chemins buissonniers.
Ici, le pastis qui coule de la bouteille au verre et du verre au gosier, - je m'arrêterais là -, ressemble à un fleuve d'Amérique du Sud.
Ici, Il y a une poésie de l'insolite et du quotidien. Les oiseaux font du xylophone, tandis que des milliers de grenouilles font vibrer leurs trombones : chez
René Fallet, les bruits de la nature, c'est un concert de
Count Basie. Les papillons de nuit, les lucioles et les constellations sont aux manettes pour nous donner l'illusion, le temps d'une cavale, que la vie est vraiment féerique. Et puis, drôle et instructif à la fois, j'ai découvert que les limaces avaient une conscience mathématique : le chemin le plus court pour passer d'un point à un autre est bien une droite, même si sur cette droite, qui peut laisser des traces visqueuses, se trouve le visage d'un voyageur vélocipédique endormi dans une prairie !
Ah ! Et puis les noms, les surnoms... Suce-la-glace, Comme-la-lune, Mouillefarine...
Et puis de temps en temps, il y a l'amertume de l'amour qu'on croyait là au bord du chemin...
J'ai aimé ce ton canaille, jamais vulgaire, pourfendeur du travail, de la maréchaussée, de l'ordre établi et de l'opinion publique, un ton que n'aurait pas renié
Georges Brassens ; d'ailleurs les deux artistes étaient amis,
René Fallet a chroniqué avec délice les chansons des albums vinyles du chanteur. C'est comme cela d'ailleurs que j'ai fait la connaissance de l'écrivain.
Jubilatoire !