Avec une indéniable flamboyance – tout en respectant scrupuleusement les faits –,
Alain Dubos s'offre, ainsi qu'à nous, un voyage dans l'immensité. Immensité par la taille géographique du sujet d'une part, et son tumulte historique d'autre part, lequel a façonné notre monde moderne. Il en fut de cette immensité comme des empires : elle s'est dissoute, n'offrant plus que des traces diffuses d'une épopée qui dura environ deux siècles et plus, si on la considère depuis la découverte du navigateur Jacques Cartier, en 1534.
Grâce à la ténacité et l'esprit aventureux de certains de leurs sujets, les rois de France purent contempler à distance l'étendue de leur territoire américain, qui courut de la baie d'Hudson et la mer du Labrador jusqu'au golfe du Mexique. Hélas, face aux Anglais plus nombreux et toujours avides de posséder : « Les Français, Canadiens, Acadiens, tous sujets du roi de France, vont tenir, à un contre dix, voire plus, la gageure que leur imposent les Bourbons en refusant de peupler leurs colonies. » Ils tiendront pourtant longtemps, assez pour agacer l'ennemi héréditaire, lequel s'offrira de ces lâchetés dont il a le secret. Je pense à la déportation des Acadiens, désignée avec euphémisme comme le « Grand Dérangement » et qui réserva un sort aussi cruel qu'injuste à un peuple qui ne le méritait pas.
Mais sur ces terres à l'environnement hostile, on ne fait pas la guerre « comme en Europe. Ici, elle est permanente, quoi que l'on se dise là-bas. » Une guerre qui précipite autant les colons que les tribus indiennes, lesquelles choisissent leur camp et goûtent fort les marmites, au passage !
Puis, viendront le traité de Paris en 1763 (exit le Canada, perdu au cours d'une bataille de vingt minutes !) et la vente par Napoléon de la Louisiane, correspondant à plusieurs actuels états américains. Une partie du produit de cette vente s'en ira couler à Trafalgar, encore une affaire anglaise.
Entre ces deux dates, la France n'aura pas peu contribué à la naissance des Etats-Unis, en participant activement à la Guerre d'Indépendance du côté des insurgés, notamment un certain officier de marine qui, plus tard, jettera toutes ses forces dans un combat désespéré pour la liberté d'un autre peuple, ce dernier ensuite purement et simplement exterminé, quoi qu'on en dise. Il s'appelait François-Athanase Charette de la Contrie, futur chef vendéen.
Malgré ces revers tragiques qui, rappelle régulièrement l'auteur, eussent peut-être changé la face du monde, l'aventure française aux Amériques n'en fut pas moins exaltante et éminemment romanesque, tel cet épisode avec un personnage appelé à de grandes destinées (et dont nous tairons le nom pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur), qui faillit être exécuté pour avoir ouvert le feu sur des Français venus parlementer.
Enfin, pour atténuer les regrets, bien plus que ce qui nous reste géographiquement de ce rêve de conquête (Saint-Pierre-et-Miquelon), nous pouvons nous consoler en songeant à ces artistes outre-Atlantique qui ont été comme aimantés par la France (Steinbeck,
Hemingway, Fitzgerald, etc.). Car nous autres Français ne gagnons peut-être pas toutes les batailles mais il est une chose contre laquelle nul ne peut rien, pas même les Anglais : notre culture rayonnante !
Et dire que tout ça n'était au départ qu'une affaire de castors !
Je tiens donc à remercier chaleureusement
Alain Dubos et son éditeur pour ce voyage au goût amer, certes, mais très éclairant sur un chapitre méconnu de notre histoire, raconté ici avec panache, l'auteur comprendra !