"Le sexe est le moteur de notre monde et du monde. Et la sainteté des hommes (et des femmes) est toute relative". Cette phrase de ce livre résume pour moi toute l'histoire de ces femmes, qui par leur condition, sont contraintes à n'être que des corps livrés aux hommes, à la pauvreté, à la fange, à la misère. Des femmes, qui dans leur absolu malheur trouvent parfois une lumière, une aide bienveillante pour lutter et garder espoir, une solidarité toute relative mais qui peut sauver une vie, une enfance. Je découvre avec bonheur l'auteur qui livre un texte remarquablement bien écrit et qui raconte l'absolu horreur du comportement d'un homme, qui tel un serpent, rode autour de sa proie pour la dévorer toute entière et uniquement pour son plaisir et sa déviance. Un roman puissant, un texte rude et qui interpelle, bouleverse, dérange, révolte mais qui est le récit tragique et réaliste d'une Inde soumise au poids de la religion et au fonctionnement des castes.
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Est-il possible de parler de l'Inde sans évoquer ses injustes, sa misère, sa pauvreté, son système de castes, ses bas-fonds et sa puanteur? Est-il possible de parler de l'Inde sans écrire tous ses malheurs? Je ne sais pas. Peut être pas. Et c'est cette Inde que l'on retrouve, de nouveau, dans ce roman qui écrit tout ce que l'on sait déjà quand on s'est intéressé ou s'intéresse encore à ce grand pays. le sujet étant largement traité dans la littérature, j'espérais un "plus". Quoi? Un regard neuf, une émotion, une plume, un style... ce petit "quelque chose" propre à l'auteure qui me fasse sortir de ma léthargie. Mais malheureusement, c'est raté. Je n'ai pas trouvé de "plus" mais du "moins" car, en effet, il a manqué "quelque chose" dans ce roman. Quoi? Une émotion, une âme. Comment dire. C'était un peu froid, pour moi. Un peu trop évident et facile. C'était agréable à lire, certes, mais c'était insuffisant. Dénoncer la barbarie des hommes qui font des femmes leurs objets, leur "rien" ne suffit pas en littérature. Il en faut davantage. Et il n'y était pas. Dommage.
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Petite fable sympathique à l'intrigue légère qui tient par sa délocalisation indienne et ses couleurs locales.
Lecture agréable pour l'été. Les thèmes abordés sont... juste abordés et à mon sens le titre choisi par l'auteur (ou l'éditeur) est original mais ne colle pas bien au contenu.
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Les castes sont une constante en Inde, malgré les évolutions, les décrets divers et les pressions internationales. La condition féminine y est très dégradée, et derrière celle-ci, le comble de l'indignité, la prostitution y revêt un caractère abject. L'animalité de l'homme y prend une forme consciente que l'on ne croit pas de ce monde, juste du domaine du fantasme inavouable. le roman dont il est question ici est-il un fantasme inavouable ? Ou une rélité inavouée. La question mérite d'être posée tant les images insoutenables, les descriptions à la limite du supportable revêtent par moments les habits de la complaisance malsaine. Les plus bas instincts y sont exposées, l'enfance bafouée, la toute puissance de l'argent, le fatalisme outrancier y sont étalés comme autant de signes distinctifs, fruit de siècles de traditions, version dévoyée de rites religieux, dégénérescence absolue.
La marche vers Bénarès, catharsis d'une violence extrême, aboutira à ce que l'on attend, à ce que l'on espère depuis le début, fin ultime du voyage vers l'innommable. Trop facile conclusion qui ne peut éluder le pourquoi d'un tel étalage. La vengeance n'efface pas le pêché originel.
Même si je sais que ceci peut être de mon monde, sur la même planète, je me pince pour ne pas me réveiller d'un cauchemar.
Je suis, il est un homme et d'autres qui ne savent pas s'ils ou elles sont des hommes ou des femmes sont aussi des êtres de chair et de sang, qui peuvent souffrir, méritent un minimum de respect.
A lire avec précaution.
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Ce récit de fiction est né d'une visite en Inde de l'auteure, au cours de laquelle elle réalise que, pendant les pèlerinages, une troupe de prostituées accompagne les pèlerins partis se purifier, pour satisfaire, même à ce moment-là, leurs besoins sexuels. Quel paradoxe !
L'histoire met en scène Veena, une prostituée battante, mais perpétuellement en colère, sa fille Chinti, fine et secrète, ignorée par sa mère, dont la grâce séduit les autres prostituées, et Sadhana, une transexuelle, qui fait partie de la société traditionnelle des hijras, méprisées, craintes et révérées tout à la fois. Celle-ci aussi est tombée sous le charme de la petite fille et c'est elle la narratrice de cette histoire. Tout ce monde vit (ou plutôt survit) dans la Ruelle, quartier sordide d'une ville du nord de l'Inde.
Shivnath, un swami manipulateur et mégalomane, client régulier des prostituées qu'il prétend racheter et en particulier de Veena, découvre un beau jour qu'elle cache une fille et est littéralement envoûté par Chinti. Pour se l'approprier, il décide d'en faire une déesse, « fille » de Kali, au cours d'une cérémonie dans la ville sacrée de Bénarès.
Tandis qu'il s'y rend en voiture avec Chinti, une foule de pèlerins et de fidèles se met en marche pour l'y rejoindre et, parmi eux, Veena, Sadhana ainsi que d'autres prostituées et hijras, décidées à reprendre Chinti et à se venger de Shivnath.
L'histoire « se termine bien », mais, à mon sens, comporte un certain nombre d'incohérences, d' invraisemblances :
- la capacité de réflexion de Chinti, qui se livre à des méditations métaphysiques sur la mort et l'au-delà, depuis la voiture de Shivnath, en traversant Bénarès. « L'enfant se demande où le reste s'en est allé, comment la présence des hommes peut se dissiper aussi facilement […] Qu'arrive-t-il à la part des morts qui rentre dans le corps des vivants ? […] Qu'arrive-t-il à leur âme ? Elle ne sera pas transportée vers le ciel par les fumées des bûchers ? Où vont-ils ces gens, dans leur curieux voyage ? » (p. 11-12). N'oublions pas qu'il s'agit d'une enfant sans aucune instruction, qui n'a jamais quitté la Ruelle avant la veille et dont l'un des principaux soucis a été de manger suffisamment pour survivre, jusqu'à sa rencontre avec Sadhana et Shivnath, environ un an auparavant ;
- le dénouement, avec ces revirements de Shivnath vis à vis de Chinti. Nous savons qu'il éprouve de la tendresse pour elle et qu'il est subjugué par sa grâce innée. Il la désire aussi, mais n'a à ce jour encore jamais possédé d'enfant. Pour asseoir une autorité légitime sur elle, il décide d'en faire une déesse et de la consacrer à Bénarès. La posséder viendra plus tard. Or, il subit deux revirements successifs, plutôt incohérents. Il cède à son désir et décide de la violer la nuit même de leur arrivée à Bénarès, dans le temple, à portée d'oreille des prêtres qui, déjà, doutent de lui. A quoi ressemblerait le lendemain la « petite déesse », au cours de la cérémonie, après un viol perpétré par son protecteur ? Puis, devenu mystérieusement impuissant, il essaie de l'étrangler !!! Plus de déesse cette fois ? Pour un homme aussi calculateur et pragmatique, pour cet habile stratège, ce sont d'étranges écarts de conduite ;
- la croisade des femmes : ces oubliées, ces êtres dénués de droits, dont les fautes ne peuvent être rachetées, osent se lancer à la poursuite de Shivnath le tout-puissant ? Et déferlent au nez et à la barbe des prêtres, victorieuses ? Quant à Chinti, leur symbole et cristallisation del'espoir d'une vie meilleure, que va-t-elle devenir, désormais rendue à la vie quotidienne de la Ruelle ?
Je trouve aussi que les personnages manquent de profondeur, sauf Sadhana, qui nous conte son histoire. Ils sont juste esquissés, ainsi que les relations entre maître et serviteurs (« Il croise dans le rétroviseur le regard du chauffeur et s'étonne de la fureur qu'il y lit. » p. 198)
Les phrases sont courtes et souvent percutantes.
Le récit est un flash-back pour l'essentiel, en forme de boucle narrative, et possède un grand réalisme, mais également des traits du conte, et prend par moments un souffle épique.
Il s'ancre dans notre époque et est à ce titre réaliste, bien qu'infiniment exotique pour nous. « L'époque est moins tolérante que jadis. […] Il suffirait qu'une foutue féministe ait vent de lui pour que les médias se précipitent. […] Ces foutus médias nous exposent sans cesse au regard des Occidentaux, qui, du moins en apparence, disent respecter les femmes et s'opposer à toute forme d'injustice sociale. » (p. 199-200). Notons par ailleurs l'ironie fine de l'auteure à l'égard de notre société. L'humour est présent tout au long du roman et c'est une de ses qualités, se mettre grâce à cela une distance avec les horreurs relatées.
Du conte, on retrouve l'enfant misérable élevée au rang de princesse, ainsi que les rapports de l'ogre à l'enfant (avec Shivnath et la maquerelle).
Quant à la marche des pèlerins, puis la ruée des femmes vers le temple de Shivnath, elle relève de l'épopée, allant parfois jusqu'à la grandiloquence.
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