Dépendance

À peine arrivés sur le palier qui servait de coin bureau, face à une fenêtre sortant de la toiture qui donnait sur un espace vert, ils s’arrêtèrent devant une bibliothèque bien garnie, composée essentiellement de thrillers, de polars, de livres sur la criminalité et la psychologie des psychopathes. Le lieu était agrémenté d’un fauteuil qui appelait à la rêverie ou à se plonger dans un bon roman. Une odeur ferreuse piquait les narines. Un relent d’hémoglobine qui émanait de la suite parentale, à leur gauche. La porte grande ouverte laissait passer l’air vicié issu de la scène du carnage. Des draps en lin crème, maculés de sang. Le corps d’une femme, couchée sur le ventre, nue, dont le bras droit pendait dans le vide. Le bout de ses doigts touchait à peine le sol. Son visage était en partie dissimulé par sa lourde chevelure auburn. Ce qu’il en paraissait était arraché, méconnaissable, défiguré par des billes de plomb. Une peau en lambeaux, des muscles hachés, des os réduits en poussière. Un tir à courte portée. Fusil de chasse ? Chevrotine ? Ses cheveux collaient au liquide poisseux suintant de ses blessures. Un peu plus loin, un autre corps, allongé sur le parquet, sur le dos, lui aussi complètement dénudé. Les yeux ouverts fixaient le plafond d’un regard vitreux où l’on décelait une terreur extrême. Un homme. Probablement le mari. L’abdomen et le torse réduits en charpie. Plusieurs photos du couple agrémentaient quelques pièces de la maison. Ils étaient beaux. Du soleil, des tenues légères, un teint hâlé. Essentiellement des clichés de vacances, pour se rappeler qu’un couple est censé être heureux.

Un corps. Un deuxième. Puis un troisième. Un chien. Un homme. Une femme. Des personnes qui, quelques heures auparavant, vivaient, respiraient, exprimaient des envies, se projetaient dans une vie meilleure. Trois cadavres dans la même maison. Un quartier calme, résidentiel. Une soirée, une nuit comme les autres. Jusqu’à cette journée qui débuta différemment, une matinée où le quotidien de cette petite bourgade fut chamboulé. Personne n’avait rien vu, rien entendu.
[...]
Un cambriolage qui aurait mal tourné ? C’était la question que se posait l’officier Amir Kalib, de la police judiciaire de Marseille. Des débris de vitre jonchaient le sol à l’intérieur de la buanderie qui menait directement à la cuisine, puis au reste de la maison. Cela paraissait tellement facile de pénétrer chez quelqu’un en découvrant les séquelles de cette intrusion. Aucune trace hormis ça. Rien ne semblait avoir été volé, cassé ou déplacé.