L'Ecosse, la médecine, l'enfance difficile, la guerre des religions… Oui bien sûr, vous êtes chez
Archibald Joseph Cronin, l'un des auteurs écossais les plus célèbres (avec
Walter Scott), et sans doute des plus populaires. Les thèmes évoqués sont récurrents chez cet auteur, essentiellement parce qu'ils sont autobiographiques : né en Ecosse, en 1896, d'un père catholique et d'une mère protestante, il est confronté très tôt aux difficultés créées par les clivages religieux. Il perd son père à l'âge de sept ans. La vocation de la médecine lui vient très tôt. D'abord médecin des pauvres dans un pays minier, il devient célèbre après une étude sur les anévrismes, et tient à Londres un cabinet côté. Un repos forcé le pousse à l'écriture («
le Chapelier et son château » - 1931). Il n'arrêtera pas d'écrire jusqu'à sa mort en 1981.
Il n'est donc pas étonnant de voir ces thèmes parcourir son oeuvre, souvent de façon évidente («
Les vertes années », «
La Citadelle ») parfois de façon plus épisodique («
Les Clés du royaume »), mais toujours de façon très prenante, car
Cronin est un auteur émouvant sans être pathétique, un auteur qui force la sympathie.
Ecrit en 1964 (les plus grands succès de l'auteur sont déjà loin), «
le Signe du caducée » fait en quelque sorte la synthèse de la vie et l'oeuvre de
Cronin :
Nous sommes au tout début du siècle (du 20ème), le narrateur, Lawrence Carroll, est l'unique enfant de Conor et Grace Carroll. Cette famille est pauvre mais heureuse. Mais la vie est aussi faite de drames : Maggie, sa meilleure amie, meurt écrasée par le train (comme Nora dans «
Les Clés du royaume », et Conor malheureusement meurt de tuberculose. Grace et Lawrence sont obligés de partir chez son oncle Bernard et ses cousins Terence et… Nora.
«
le signe du caducée », le titre français, ne convient pas tout à fait au sujet du roman le titre anglais « A song of sixpence » (« Une chanson à quatre sous ») fait allusion aux chansons que chantait Grace dans le tout premier chapitre, et indique clairement qu'il s'agit ici de raconter les années d'enfance et d'adolescence de Lawrence, sa vocation médicale n'intervenant que bien plus tard. (Mystères de la traduction : à croire que les éditeurs visaient la clientèle du roman médical plus que celle du roman romanesque).
Ceux qui connaissent l'oeuvre de
Cronin retrouveront ici nombre de personnages croisés dans d'autres romans, soit par le prénom (Nora, par exemple), soit par la description des personnages (il y a du Tante Polly (des « Clés du Royaume ») chez Miss
Riordan et Miss Greville), soit encore par des scènes particulières (la mort de Maggie/Nora, le piano de Miss Gréville qui n'est pas sans rappeler celui d'Anna Geisler dans «
Les Années d'illusion »), soit encore par l'intrusion de personnages à la fois grotesques et infiniment touchants (comme Pin Rogers)… Et ceux qui connaissent un peu la vie de l'auteur n'auront pas de mal en en déceler le caractère autobiographique.
«
le signe du caducée » est comme «
Les vertes années » un roman de l'enfance et de l'adolescence. On y retrouve la même nostalgie, le même regard attendri sur les parents et les personnages qui ont marqué la jeunesse de l'auteur. On retrouve également cette humanité qui parcourt toute l'oeuvre de
Cronin : un brin désuet, bien sûr, mais au charme intact.
Un grand
Cronin, même s'il ne figure pas parmi les plus célèbres.