C'est une bande dessinée que j'avais acheté à sa sortie, à la grande époque de la revue À Suivre, ça faisait longtemps que je ne l'avais pas ouvert. Je pensais que l'ésotérisme et l'ambiance de magie noire ne passeraient plus le test d'une lecture en 2023, cela caractérisait presque toujours les oeuvres de
Comès. C'est un peu vrai, c'est une thématique qui ne m'accroche plus vraiment, mais ce n'est pas la cata non plus. Autre aspect qui caractérise le travail de
Comès, c'est cette utilisation du noir et blanc, pas de nuances, des contrastes forts, des formes souvent souples avec des visages au contraire assez saillants, le graphisme est en total adéquation avec l'ambiance et le thème.
Une famille de citadins vient s'installer dans la campagne ardennaise, le père est réalisateur pour la télévision, il y a un grand garçon autiste et la femme est enceinte d'un deuxième enfant. Sous fond de concurrence entre magie noire, religion panthéiste et religion chrétienne, ils vont se retrouver impliqués malgré eux dans ces tensions locales, l'ambiance lourde et pesante est parfaitement mise en scène. La confrontation entre citadin et rural est assez caricaturale, on tombe dans les clichés, mais ce n'est pas trop gênant car l'intérêt se situe ailleurs.
Alors j'ai aimé cette atmosphère campagnarde, on a l'impression de sentir les odeurs, le vent, le froid ardennais, la flore et la faune sont magnifiées, et l'autisme du garçon nous envoie dans une sorte d'univers parallèle et magique, c'est une ode à la nature, un récit écologique avant l'heure, avec un fond de polar rural. le mysticisme un peu caricatural atténue quand même légèrement mon enthousiasme. Par contre, le noir et blanc transcende la magie, le fantastique du récit, et il apporte une force poétique à l'histoire, et la rend totalement envoutante.
Le graphisme s'apparente à celui de
Chabouté, il est certain que ce dernier a dû être influencé par
Comès, d'ailleurs il a préfacé la réédition en intégrale de l'oeuvre de
Didier Comès. Ces premières histoires sont dans la lignée, je pense en particulier à
La Bête, mais j'ai une préférence pour ses oeuvres à partir de Construire un feu en 2007, quand il a commencé à s'éloigner de cette influence, mais c'est peut-être l'univers de la bande dessinée en général qui a évolué à ce moment là.