Beausonge, un nom bien doux et poétique pour un petit village retiré des Ardennes dans lequel on ne peut pas dire qu'il fasse bon vivre. C'est dans ce cadre, pas du tout enchanteur, que vit l'innocent du village, prénommé
Silence en raison de son mutisme. Innocent est bien l'adjectif qui le qualifie le mieux. Doux, gentil, le coeur sur la main, il ne connait ni la colère, ni la haine, ni la vengeance.
Cette particularit
é va profiter à Abel Mauvy son «maître», personnage mauvais, violent, abject et libidineux. Ce sinistre personnage fait travailler
Silence comme un forçat, le « prête » à des voisins et se moque de lui tout en s'en méfiant. D'une potentielle fonction de journalier,
Silence est devenu son esclave, sa chose. Face à Abel Mauvy, le Thénardier de Hugo passerait presque pour un enfant de coeur.
Mutique en apparence,
Silence entre plus facilement en communion avec la nature et les animaux qu'avec les hommes. La façon dont il est traité par Mauvy n'y est sans doute pas étrangère. Mais le vent perpétuel qui vient fouetter chaque pag
e va apporter comme un souffle nouveau dans la vie et dans le coeur de
Silence. Ce vent complice s'emporte et dans son sillon lève le voile sombre trop violemment et perfidement jeté sur de terribles secrets. Existe-t-il plus grand secret que celui des origines ? Même les secrets les plus noirs finissent par être mis au grand jour et parfois la fin est signe de renouveau…
L'univers de la sorcellerie avec ses rites et secrets est très finement abordé à travers deux personnages. Celui de la sorcière, le personnage féminin subtilement complexe et essentiel au déroulement de cette histoire. Mais aussi celui de « la mouche » mi rebouteux, mi sorcier qui ne se déplace jamais sans un aéropage nauséabond d'insectes autour de lui d'où son surnom. le traitement de ces deux personnages est particulièrement réaliste et convaincant en dépit de leurs dons surnaturels. Ils auront chacun un rôle à jouer dans le devenir de
Silence.
Après la préface signée
Henri Gougaud, ouvrir cette bande dessinée signifie s'embarquer dans un univers à la noirceur saisissante sans espoir de l'abandonner avant d'en avoir tourné la dernière page. le dessin en noir et blanc n'altère en rien notre plaisir mais l'amplifie au contraire tant le trait est abouti. Nous sommes confrontés à de véritables personnages aux aspects différents, aux expressions faciales adaptées à chacune des émotions ressenties; cela est assez rare et mérite d'être souligné à mon sens. Il y a dans la bande dessinée beaucoup trop de personnages mono expressifs voire pas expressifs, caractéristique rédhibitoire pour moi.
Enfin, des dialogues riches et percutants appuient cette histoire au point d'y retrouver l'intensité dramatique propre à un roman. La façon de matérialiser les pensées « simplistes » de
Silence est également parfaite. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à qualifier
Silence de roman graphique, terme à la mode mais qui prend tout son sens ici.
Didier Comès, nos routes vont à nouveau se croiser, il le faut.
Coup de coeur total en ce qui me concerne,
Silence, il faut absolument en parler !
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